Objectifs pédagogiques
- Diagnostiquer une anomalie du développement somatique, psychomoteur, intellectuel et affectif.
- Repérer précocement les dysfonctionnements relationnels et les troubles de l’apprentissage.
Avant de commencer…
Le développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant est le reflet de l’interaction entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux, qui débute dès la vie intra-utérine.
La maturation cérébrale et le développement du système nerveux central suivent étape par étape un programme déterminé.
Les facteurs environnementaux peuvent quant à eux moduler le développement cérébral, certaines stimulations étant cruciales aux phases précoces de développement et dans une fenêtre temporelle donnée (périodes critiques).
L’importance du processus d’apprentissage dans la mise en place des différentes acquisitions psychomotrices est actuellement soulignée.
L’évaluation du développement psychomoteur est capitale. Il s’agit d’évaluer le développement d’un enfant d’un âge donné par rapport à une norme de population. Il faudra donc savoir tenir compte des variations individuelles au fil d’un calendrier qui sera toujours le même pour chaque enfant.
Au cours de l’examen d’un enfant, plusieurs domaines du développement seront évalués : développement moteur, capacités de communication et compétences sociales, développement cognitif (voir le tableau 3.2 récapitulatif plus bas).
Deux circonstances différentes peuvent amener à évaluer le développement psychomoteur :
-
examen systématique ;
-
inquiétude des parents ou à l’occasion d’une pathologie.
L’étude du développement psychomoteur repose sur l’interrogatoire, qui est fondamental et ne doit jamais être suggestif, et sur l’examen clinique. Deux notions sont importantes : le niveau des performances de l’enfant par rapport à son âge chronologique et sa dynamique de développement appréciée lors de consultations successives.
L’enfant doit être mis en confiance, en présence de ses parents, examiné dans une salle adaptée, au calme, avec de nombreux jeux permettant sa participation active.
I. Développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant : aspects normaux
A. Chez le nourrisson (jusqu’à 2 ans)
1. Motricité
Au cours de la première année de vie, une modification du tonus va s’observer avec disparition progressive de l’hypotonie axiale et de l’hypertonie des membres. À la motricité initialement réflexe du jeune nourrisson (réflexes archaïques, voir chapitre 44) succède l’apparition progressive de la motricité volontaire (fig. 3.1), puis une coordination de plus en plus fine et la marche. La progression du tonus se fait dans le sens céphalocaudal.
Tenue de tête
À la naissance, elle est inexistante ; la manœuvre du tiré-assis permet d’apprécier un maintien de la tête dans l’axe pendant quelques secondes. (voir fig. 44.13 au chapitre 44). À 2 mois, on note un contrôle de la tête en position verticale, à 3 mois un contrôle dans toutes les positions. En dé-cubitus ventral, l’enfant arrive à soulever sa tête du plan du lit très précocement (fig. 3.1A), et peut la changer de côté à 1 mois. À 4 mois, la tenue de la tête doit être acquise ; l’enfant s’appuie sur les avant-bras en décubitus ventral (fig. 3.1B).
Station assise
L’acquisition de la station assise est progressive. À 1 mois, tenu, le nourrisson a le dos rond. On note un début de tenue assise vers 4 mois avec support ; à 5 mois, la station assise est présente avec appui des mains vers l’avant (fig. 3.1C). À 8–9 mois, la station assise autonome, sans support, est parfaite. L’enfant est capable de s’asseoir seul à partir de 8 mois.
Station debout
Chez le nouveau-né, elle est réflexe. À 6 mois, le nourrisson supporte le poids de son corps ; à 10 mois, il se met debout en tirant avec les membres supérieurs (fig. 3.1D). Il marche tenu vers 11 mois et seul entre 9 et 18 mois. À partir de 9 mois sont présents les parachutes antérieurs (l’enfant est poussé vers l’avant et étend rapidement ses bras pour se protéger de la chute).
Acquisition de la marche
Elle se fait entre 9 et 18 mois. La plupart des enfants marchent à quatre pattes ou rampent avant de se mettre debout. Beaucoup d’enfants ont un mode de locomotion très particulier : ils se dé-placent sur les fesses avec fréquemment une jambe repliée. Un petit nombre d’enfants n’ont aucune activité de propulsion avant de se mettre debout.
Préhension
Elle est réflexe à la naissance (grasping, voir fig. 44.14 au chapitre 44). Vers 4–5 mois, le nourris-son tend la main vers l’objet (préhension volontaire). Il existe un empaumement cubital vers l’objet. À 6 mois, il porte à la bouche, on note un empaumement médian. À 6 mois, il passe d’une main à l’autre (fig. 3.2A) et, à 9 mois, il manipule avec ses deux mains. Il existe une pince fine avec opposition pouce-index à partir de 9 mois (fig. 3.2B).

Fig. 3.1. Acquisitions motrices et posturales.
A. Nourrisson de 1 mois soulevant la tête du plan du lit. B. Nourrisson de 4 mois en appui sur les avant-bras (sur le ventre). C. Nourrisson de 6 mois tenant assis avec appui des mains en avant. D. Nourrisson de 10 mois se mettant debout avec appui.
Source figures A et D : © Ville de Paris, direction de la Santé publique / Alexis Wawerka.
Source figures B et C : Grégoire Benoist.
Expériences sensorimotrices
Elles ont un rôle clé en apportant de nouvelles influences sur les processus cognitifs utilisés dans la résolution de tâches précises. Ainsi, chez le nourrisson, il existe une corrélation très nette entre l’accès au déplacement autonome et la résolution d’épreuves de recherche manuelle d’objets cachés.
2. Aptitudes cognitives et de communication
Vision
Le nouveau-né reconnaît le visage de sa mère et peut suivre horizontalement. À 1 mois, il existe une poursuite horizontale parfaite, à 3 mois une poursuite horizontale et verticale. À 9 mois, le nourrisson cherche du regard un objet tombé et disparu. Au fil de la première année, l’acuité visuelle s’affine.
Audition
L’enfant entend d’emblée – le système auditif est fonctionnel dès la vie intra-utérine. Il existe une orientation parfaite au bruit à l’âge de 6 mois.

Fig. 3.2. Acquisitions manuelles.
A. Nourrisson de 6 mois passant un objet d’une main à l’autre avec empaumement médian.
B. Nourrisson de 9 mois saisissant un objet avec la pince pouce-index (ici produit alimentaire avec arachide dans le cadre de la diversification précoce). C et D. Enfant de 2 ans encastrant des formes et faisant une tour.
Source C et D : © Ville de Paris, direction de la Santé publique / Alexis Wawerka.
Source B : Grégoire Benoist.
Communication
Un sourire-réponse est présent dès 2 mois.
Les premières vocalises apparaissent vers 2 mois (gazouillis) ; le nourrisson rit aux éclats vers 4 mois (fig. 3.1B).
La qualité du contact et l’intérêt du regard sont les premiers indices de capacités de communication. L’attention partagée est la capacité de l’enfant à regarder un objet que tient son parent et doit être acquise à 6 mois. L’attention conjointe est très importante à évaluer et doit être acquise à 9 mois : l’enfant regarde un objet que lui montre son parent. À 9 mois, le nourrisson réagit à son prénom. Il apprécie jouer à « coucou le voilà » (fig. 3.3A). Le pointage du doigt pour montrer un objet ou pour le réclamer apparaît dès 9 mois et doit être acquis à 16 mois (fig. 3.3B).
À 1 an, l’enfant utilise les gestes sociaux comme « au revoir », « coucou ». À 16 mois, il commence à jouer à « faire semblant » : il manipule les jouets selon des scénarios de plus en plus complexes. À 2 ans, il a des jeux symboliques comme jouer à la poupée et aux voitures en se racontant des histoires (fig. 3.3C).
Le développement du langage repose sur des interactions entre les aptitudes innées et leur « programme » de développement (déterminés génétiquement) et les informations linguistiques de l’entourage, dans une relation faite d’interactions et d’échanges affectifs.
Le développement des deux versants du langage doit être précisé, en sachant que le développe-ment du versant réceptif (compréhension) précède celui du versant expressif (expression).
Les parents peuvent surestimer le niveau de compréhension de leur enfant. La compréhension des premiers mots survient entre 8 et 10 mois. L’enfant comprend un ordre simple en contexte vers 15 mois et hors contexte vers 30 mois.
Sur le versant expressif, le babillage notamment canonique (redoublement des syllabes qui apparaît entre 6 et 7 mois) a valeur de langage et précède l’apparition des premiers mots entre 10 et 12 mois. L’augmentation du nombre de mots est variable d’un enfant à l’autre. En moyenne, l’enfant à 15 mois possède dix mots ; entre 18 à 24 mois, l’enfant arrive à une masse critique de cinquante mots, il est alors capable d’apprendre entre quatre et dix mots nouveaux par jour. Cette phase est qualifiée d’« explosion lexicale », qui favorise l’émergence de la syntaxe avec l’apparition des premières associations de mots vers 2 ans.

Fig. 3.3. Acquisitions sensorielles et relationnelles.
A. Nourrisson de 9 mois jouant à « coucou, le voilà ». B. Nourrisson de 15 mois pointant vers un objet. C. Enfant de 2 ans en activité de jeu symbolique.
Source : Grégoire Benoist.
B. Chez le petit enfant (à partir de 2 ans jusqu’à 6 ans)
Au cours de l’examen, l’étude du comportement de l’enfant est fondamentale, permettant d’apprécier la sociabilité, le langage, la capacité d’attention. Faire appel à des jeux simples s’avère souvent d’une excellente contribution ; le faire dessiner et le faire utiliser des cubes (capacités praxiques) font partie de l’examen de tout enfant à cet âge (tableau 3.1). Plus encore que chez le jeune nourrisson, il existe d’importantes variations dans l’acquisition des divers comportements.
Tableau 3.1. Compétences graphiques et visuopraxiques évaluées à la consultation.
12 mois | 24 mois | 36 mois | 4 ans | 5 ans | 6 ans | |
---|---|---|---|---|---|---|
Graphisme | Trait | Rond | Carré | Triangle | Losange | |
Construction | Empile deux cubes | Tour avec six cubes | Pont avec trois cubes | Pyramide avec six cubes |
1. Motricité (globale et fine)
À 2 ans
L’enfant est capable de marcher à reculons, lancer une balle, monter et descendre les escaliers marche par marche, donner un coup de pied dans un ballon. Il ouvre une porte, grimpe sur des meubles. Il commence à courir. Il gribouille des figures circulaires, encastre des formes (fig. 3.2C), fait des tours avec six cubes (fig. 3.2D), copie un trait vertical. Il peut laver et sécher ses mains, mettre ses chaussures, enlever ses vêtements, se servir d’une cuillère.
À 3 ans
Il est capable de tenir une attitude, de résister à une poussée douce. Il saute à pieds joints vers l’avant, fait du tricycle.
Il se lave les mains seul. Il copie un cercle et avec trois cubes reproduit le pont.
À 4 ans
Il maintient un appui monopodal et peut commencer à sauter à cloche-pied, lance une balle en l’air.
Il copie un carré, dessine un bonhomme avec une tête et deux à quatre parties.
À 5–6 ans
Il sait sauter à la corde, rattraper une balle qui rebondit. Il sait faire du vélo sans les petites roues. Il s’habille et se déshabille. À 5 ans, il copie le triangle et écrit son prénom en lettres bâton. Il re-produit une pyramide avec six cubes. À 6 ans, il copie le losange et écrit son prénom en lettres attachées.
2. Langage, comportement social et adaptatif
À 2 ans
L’enfant montre les parties de son corps, associe deux mots, suit deux ou trois directions : devant, derrière en haut ou en bas. Il nomme une ou plusieurs images, utilise le pluriel. Il écoute une histoire en suivant les images. Vers 2 ans et demi, il fait semblant lors des jeux (dînettes, poupées, files de petites voitures…). Il reconnaît son image dans le miroir.
À 3 ans
Il fait des phrases, emploie le « je », prononce son nom. Il compte jusqu’à trois.
Il commence à jouer avec les autres enfants en parallèle. Il connaît son âge, son sexe.
À 4 ans
Il raconte des histoires, joue avec d’autres enfants avec des interactions sociales (joue au papa et à la maman). Il compare la longueur de deux lignes, désigne la plus longue. Il nomme les couleurs. Il commence à faire des additions simples avec l’utilisation des doigts.
À 5–6 ans
Il décrit parfaitement une image avec des phrases élaborées ; il répète une phrase de douze syllabes. Il pose des questions sur la signification des mots. Il connaît la comptine numérique jusqu’à 30. Il dénombre une collection de dix pièces et a acquis le principe de cardinalité (le dernier chiffre correspond au total de la collection). Au niveau de l’organisation spatio-temporelle, l’enfant montre le dessus, le dessous, devant, derrière. Le repérage dans le temps est parfois plus difficile à évaluer : il doit connaître l’après-midi, le soir. La dominance latérale à l’usage préférentiel d’une main étant établie vers 4 ans, la discrimination droite-gauche est possible à 6 ans.
Les grandes étapes du développement psychomoteur entre les âges de 1 mois et 3 ans sont synthétisées dans le tableau 3.2.
Tableau 3.2. Développement psychomoteur entre les âges de 1 mois et 3 ans.
Acquisitions motrices et posturales | Acquisitions manuelles | Acquisitions du langage | Acquisitions sensorielles et relationnelles | |
---|---|---|---|---|
2 mois | Soulève tête et épaules (sur le ventre) Bouge vigoureusement les quatre membres |
Serre le doigt | Réponse vocale à la sollicitation | Sourire-réponse Suit des yeux |
4 mois | Tenue de tête déjà acquise S’appuie sur les avant-bras (sur le ventre) (fig. 3.1B) |
Joue avec les mains | Vocalise | Rit aux éclats Interagit avec ses parents de façon adaptée |
6 mois | Tient assis avec appui (fig. 3.1C) | Passe un objet d’une main à l’autre | Babillage (« ma-ma ») | Attention partagée |
9 mois | Tient assis sans appui Tient debout avec appui |
Saisit un objet avec la pince pouce-index (fig. 3.1B) Réactions posturales aux pulsions |
Répète une syllabe | Réagit à son prénom Joue à « coucou, le voilà » (fig. 3.3A) Peur de l’étranger Attention conjointe |
1218 mois | Marche seul | Autonomie pour le verre et la cuillère Empile deux cubes |
Deux mots combinés Apparition du « non » |
Joue avec d’autres enfants Pointage vers un objet puis pour avoir un objet (fig. 3.3B) Fait semblant |
24 mois | Court | Imite un trait | Trois mots en phrase | Comprend une consigne simple Jeux symboliques (fig. 3.3C) |
3 ans | Monte les escaliers en alternant les pieds Fait du tricycle |
Imite un rond | Dit une petite histoire | S’habille seul |
C. Développement de l’alimentation, du sommeil et du contrôle sphinctérien
1. Alimentation
Dès l’âge de 4 à 5 mois
Il peut boire à une tasse lorsque celle-ci est portée à ses lèvres ; il mange à la cuillère.
À 6 mois
Il mastique et peut commencer à manger un biscuit seul, ce qui coïncide avec la possibilité de tenir les objets.
À 15 mois
Il prend une tasse seul et boit seul.
À 18–24 mois
Il tient une cuillère et mange seul.
2. Sommeil
De la vie fœtale à l’adolescence, le sommeil se construit et s’organise.
Chez l’enfant comme chez l’adulte, il existe des variations interindividuelles.
Chez le nouveau-né
Il dort beaucoup, environ 16 heures par jour. Les périodes d’éveil s’effectuent sous forme d’état de veille agitée. Il n’y a pas de différence jour-nuit. Il s’endort en sommeil agité, qui représente 50 à 60 % du sommeil total.
Entre 1 et 6 mois
C’est la période où le sommeil évolue le plus rapidement avec apparition d’une périodicité jour-nuit, d’une maturation EEG des ondes de sommeil et apparition de rythmes circadiens de la température, du pouls, de la respiration et des sécrétions hormonales.
À 3 mois, la durée moyenne de sommeil est de 15 heures dont 9 heures de sommeil nocturne. Entre 6 mois et 1 an, le sommeil nocturne est de 12 heures.
Entre 6 mois et 4 ans
On note une réduction progressive du sommeil diurne avec trois à quatre siestes journalières vers 6 mois, deux siestes à 12 mois puis une seule vers 18 mois.
Vers 4 ans
On note un sommeil le plus souvent uniquement nocturne de 13 ou 14 heures.
De 4 à 12 ans
On note une réduction du temps total de sommeil ; le sommeil devient uniquement nocturne avec augmentation du sommeil lent profond en début de nuit. La durée du sommeil est inférieure à 12 heures avec coucher à 20 h vers 5–6 ans, coucher à 21 h vers 8 ans, coucher à 22 h au début de l’adolescence.
3. Contrôle sphinctérien
Chez le nouveau-né, la miction est un acte réflexe. Le contrôle volontaire ne débute pas avant 15 à 18 mois. L’acquisition de la propreté est dépendante de l’âge d’initiation de l’éducation à la propreté : il faut tenir compte de ce facteur clé pour juger de l’âge d’acquisition de la propreté.
L’enfant peut prévenir et utiliser un pot à 18 mois. À 2 ans, il est propre le jour avec des accidents occasionnels et commence à être propre la nuit. Cependant, l’âge de la propreté nocturne est variable. Il va seul aux toilettes vers 4 ans.
Le contrôle anal est souvent obtenu avant le contrôle vésical.
La connaissance des étapes du développement psychomoteur est indispensable.
Elles seront évaluées lors de tout examen et notées dans le carnet de santé.
En cas d’écart de développement, les données recueillies, complétées par celle de l’examen neurologique, vont permettre une orientation diagnostique
II. Aspects pathologiques du développement psychomoteur
A. Préambule
En cas d’anomalie du développement psychomoteur, certaines acquisitions ne sont pas présentes à un âge moyen donné, qu’elles n’aient jamais existé ou qu’elles soient perdues (on parle alors de régression).
Le développement de l’enfant comprend plusieurs domaines, qui pourront être altérés de façon globale – on parle généralement de retard global du développement, qui peut être homogène ou hétérogène (parfois l’atteinte est nettement plus marquée dans un domaine du développe-ment) – ou de façon isolée (retard de langage ou retard moteur isolé).
Il convient toutefois de préciser que le terme de « retard » est un terme trompeur qui laisse supposer un rattrapage ; or, le plus souvent, les difficultés seront persistantes. Il faut retenir que le retard de développement n’est qu’un signe d’appel qui pourra conduire à un diagnostic de différents types de troubles du neurodéveloppement (comme la déficience intellectuelle, le trouble du spectre autistique ou le trouble spécifique du langage oral).
Les troubles développementaux liés à un déficit sensoriel ou par carence de stimulation, qui nécessitent un dépistage précoce afin de mettre en place une prise en charge adaptée, ne sont pas traités ici.
B. Démarche diagnostique
1. Interrogatoire
L’interrogatoire est fondamental et s’attachera à préciser :
- les antécédents familiaux : notion de consanguinité, de cas familiaux, dans la fratrie, tous les antécédents médicaux quels qu’ils soient ;
- les antécédents personnels :
- grossesse : spontanée ou provoquée (techniques de procréation médicalement assistée), suivi échographique, déroulement de la grossesse, pathologie maternelle, prise de médicaments ou de toxiques ;
- obstétricaux : durée du travail, accouchement par voie basse, césarienne… ;
- périnataux : existence ou non d’une asphyxie périnatale, score d’Apgar… ;
- postnataux : étapes du développement psychomoteur, existence ou non d’une autre pathologie, digestive, rénale, cardiaque ;
- exposition aux écrans : télévision, tablettes ;
- le moment exact de la première inquiétude des parents est toujours capital à faire préciser ; il existe très souvent un décalage par rapport à l’âge de la première consultation. Ne jamais banaliser les doutes d’un parent sur le développement de son enfant ;
- l’évolution des troubles : progrès réguliers, stabilité des acquisitions ou régression.
Il existe une certaine variabilité dans les acquisitions, mais le praticien doit connaître les signes d’alerte qu’il ne devra pas laisser passer.
Signaux d’alerte précoces d’anomalie du développement moteur
- Ne tient pas sa tête à 3 mois.
- Ne tient pas assis à 9 mois.
- Ne marche pas à 18 mois.
- Ne pédale pas à 3 ans.
Signaux d’alerte précoces d’anomalie du développement linguistique
- Silencieux la première année sans babillage canonique.
- Ne dit aucun mot à 18 mois.
- Aucune association de mots à 24 mois.
- Absence d’intelligibilité de la production linguistique à 3 ans.
- Absence de phrases à 3 ans.
Signaux d’alerte précoces d’un trouble des interactions sociales
- Pas de réponse-sourire à 2 mois.
- Pas ou peu d’interactions adaptées à 4 mois.
- Pas d’attention partagée ni de vocalises à 6 mois.
- Pas de gestes sociaux à 1 an.
- Pas de pointage à 16 mois
2. Examen clinique
L’examen clinique doit toujours être complet :
- mesure du périmètre crânien rapportée sur une courbe, de même que poids et taille ;
- recherche d’une anomalie de l’examen neurologique ;
- examens cutané (tache achromique, café-au-lait), cardiaque, abdominal (hépatomégalie, splénomégalie) ;
- vérification des différentes étapes du développement psychomoteur.
3. Analyse des données cliniques recueillies
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de préciser le niveau des performances et de les comparer à l’âge chronologique de l’enfant.
La sévérité de l’atteinte est appréciée par le quotient de développement (QD), qui est le rapport entre le niveau des performances de l’enfant et son âge.
L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de préciser le niveau de l’atteinte neurologique (centrale ou périphérique) (fig. 3.4) et d’orienter vers une des nombreuses causes responsables d’une anomalie du développement :
- les atteintes centrales (70 % des cas) sont regroupées sous le terme de troubles du neurodéveloppement et peuvent traduire :
- soit un trouble d’origine anténatale, périnatale ou postnatale (70 %) : notion de pro-grès ou de stabilité des signes ;
- soit une pathologie neurodégénérative (30 %) : notion de régression.
- les atteintes périphériques (30 % des cas) sont le plus souvent progressives et correspondent aux maladies neuromusculaires observées chez l’enfant.

Fig. 3.4. Orientation diagnostique étiologique.
Illustration de Carole Fumat.
C. Atteintes périphériques
Le signe d’appel est le plus souvent un trouble du développement moteur contrastant avec un éveil et des capacités cognitives souvent préservées.
Il s’agit de maladies neuromusculaires. Elles sont définies par l’atteinte primitive de l’un des composants de l’unité motrice :
- atteinte de la corne antérieure : amyotrophie spinale infantile ;
- atteinte du nerf périphérique : neuropathies sensitivomotrices héréditaires ;
- atteinte de la fibre musculaire : dystrophie musculaire progressive (type maladie de Duchenne).
Dans tous les cas, la connaissance d’un diagnostic précis est indispensable et permettra au mieux à l’enfant et à sa famille de trouver au sein d’une équipe pluridisciplinaire une écoute, un accompagnement et une prise en charge adaptée (voir chapitre 53).
D. Atteintes centrales
1. Orientation
On parle désormais de troubles du neurodéveloppement.
Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique.
Lorsqu’il existe une anomalie à type de déficience intellectuelle avec ou sans signes dysmorphiques évidents, et sans anomalies neurologiques franches, une consultation de neuropédiatrie et/ou de génétique seront demandées en première intention.
Lorsqu’il existe une anomalie neurologique et/ou une épilepsie au premier plan, une consultation de neuropédiatrie avec IRM cérébrale sera demandée en première intention.
Sur un plan cognitif, on distinguera les enfants présentant des difficultés globales du fonctionne-ment intellectuel (déficience intellectuelle) des enfants ayant des difficultés plus ciblées ou spécifiques d’un domaine (trouble du langage, par exemple).
Dans cette seconde situation, le trouble pourra être secondaire (par exemple, dans la neurofibromatose de type 1 ; les enfants développent des troubles de l’apprentissage le plus souvent sans déficit intellectuel) ou primitif (cela correspond aux troubles « dys »).
2. Déficience intellectuelle
La prévalence de la déficience intellectuelle est de 2 à 3 % dans la population générale.
Les principaux signes d’appel sont le retard de langage isolé, le retard global du développement, les difficultés d’apprentissage (notamment compréhension de textes et difficultés pour le raisonnement mathématique) et les troubles du comportement.
Le déficit des fonctions intellectuelles concerne plusieurs domaines comme le raisonnement, la résolution de problème, la planification, la pensée abstraite, le jugement.
L’évaluation du fonctionnement intellectuel fait appel le plus souvent aux échelles de Wechsler. On parle de déficit si le score du quotient intellectuel (QI) est inférieur à 70 (± 5). Le QI n’est évaluable qu’à partir de l’âge de 3 à 4 ans mais n’est vraiment stable qu’à partir de 7 à 8 ans.
Les causes sont nombreuses. Schématiquement, les causes de la déficience intellectuelle peuvent être regroupées en trois groupes principaux (tableau 3.3).
Tableau 3.3. Principales causes de déficience intellectuelle.
Atteinte cérébrale postnatale | Méningite bactérienne (pneumocoque principalement) Traumatisme accidentel ou dans le cadre de sévices à enfant (syndrome de l’enfant secoué) Anoxie cérébrale (noyade, malaise grave du nourrisson) |
Complications d’origine périnatale (anoxie) et de la prématurité | |
Causes anténatales | Environnementales : Origine infectieuse : infections à CMV, rubéole, toxoplasmose, virus herpès, virus Zika… Origine toxique : alcool (syndrome d’alcoolisme fœtal) mais aussi héroïne, cocaïne, médicaments tels que certains antiépileptiques (valproate) Génétiques : Liées à des anomalies du nombre des chromosomes, telles que dans la trisomie 21 (voir chapitre 11). Liées à des anomalies de structure des chromosomes, comme dans les syndromes microdélétionnels : syndrome de Willi-Prader, syndrome d’Angelman, syndrome de Williams… Liées à l’X, telles que le syndrome de l’X fragile (voir chapitre 12) Liées à des mutations ponctuelles, comprenant les malformations cérébrales et les syndromes neurocutanés |
3. Troubles du spectre autistique (TSA)
La prévalence en population générale serait de 1 %.
L’autisme au sens générique du terme est considéré aujourd’hui comme un trouble d’origine neurodéveloppementale dont les signes psychopathologiques principaux se manifestent par des perturbations dans l’interaction et la communication sociale accompagnées également de com-portements répétitifs et stéréotypés (DSM-5). Une déficience intellectuelle de causes variées est associée chez la moitié des enfants avec un TSA.
Il faut éliminer une exposition du nourrisson aux écrans (télévision, tablette…) qui est susceptible d’entraîner des troubles du comportement (intolérance à la frustration) et une pauvreté des interactions sociales. L’arrêt des écrans et une stimulation importante de l’environnement sous forme de jeux et d’échanges verbaux (intérêt des lieux d’accueil petite enfance) permettent d’évoluer rapidement vers une normalisation. Dans certains cas, malgré une prise en charge adaptée, persiste un léger décalage dans l’adaptation sociale sans qu’il y ait la triade caractéristique du TSA.
Les critères diagnostiques sont :
- l’existence de déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés :
- déficit de réciprocité sociale ou émotionnelle ;
- anomalies du contact, déficit de communication non verbale ;
- difficultés d’ajustement social, voire retrait total ;
- le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités :
- stéréotypies, écholalie, activité de rotation des objets ;
- intolérance au changement, rituels ;
- attachement à des objets insolites, intérêts persévérants ;
- hypo- ou hyperréactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour certains aspects sensoriels (lumières, flairage…) ;
- survenant dès les étapes précoces du développement ou lors de la 2e année de vie avec régression dans le domaine des interactions sociales et avec un retentissement significatif.
Tout praticien doit savoir repérer les signes d’alerte d’autisme et prendre en compte les inquiétudes des parents autour du développement de leur enfant. Il doit mettre en place les rééducations nécessaires (psychomotricité, orthophonie) tout en orientant vers un centre ressources autisme (CRA) sans attendre qu’un diagnostic précis soit posé.
4. Les troubles spécifiques du développement et des apprentissages, communément appelés troubles « dys »
Ce sont des troubles neurodéveloppementaux qui entraînent des anomalies cognitives perturbant les acquisitions (langage, motricité, apprentissage de la lecture, des mathématiques ou de l’écriture) en l’absence de déficience intellectuelle (diagnostic différentiel), en l’absence de trouble sensoriel ou neurologique, chez un enfant normalement socialisé et scolarisé.
Leur étiologie est actuellement considérée comme complexe, plurifactorielle avec des facteurs génétiques et environnementaux.
Ils sont fréquents, avec une prévalence dans la population générale autour de 10 %.
L’enquête clinique devra absolument écarter un trouble sensoriel ou neurologique. Le patient avec un trouble du neurodéveloppement doit alors être adressé à un centre spécialisé.
Troubles spécifiques du développement du langage
Troubles spécifiques du langage oral, ou TSLO
Le retard de langage est un motif de consultation fréquent à l’âge préscolaire et est le signe d’appel le plus fréquent des TSLO. Il évolue favorablement avec une rééducation orthophonique bien conduite permettant l’acquisition d’un langage bien structuré et efficient. Il évolue très sou-vent en trouble du langage écrit lorsque l’enfant atteint l’âge de l’apprentissage de la lecture.
L’absence d’évolution de la qualité du langage verbal malgré une rééducation orthophonique bien conduite fait poser le diagnostic de dysphasie. La production orale reste simple avec l’absence de mise en place de phrases complexes. La production écrite peut être de meilleure qualité et permettre une scolarisation normale bien qu’adaptée.
Le diagnostic de TSLO est posé après avoir éliminé systématiquement un déficit sensoriel auditif, un trouble acquis du langage d’origine neurologique ou des négligences graves dans les situations de maltraitance.
La déficience intellectuelle et les troubles du spectre autistique sont les principaux diagnostics différentiels.
Troubles spécifiques du langage écrit, ou dyslexie
Les difficultés d’apprentissage de la lecture et/ou de l’orthographe sont un motif fréquent de consultation à l’âge scolaire.
En cas de difficultés de compréhension pour les textes lus, il faudra s’assurer de l’absence de déficience intellectuelle.
Trouble développemental de la coordination, ou dyspraxie
Les plaintes scolaires débutent dès l’école maternelle, avec des difficultés graphiques et une maladresse puis, au primaire, avec des difficultés en mathématiques notamment en géométrie.
Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)
Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par un niveau inapproprié d’attention, d’impulsivité et d’hyperactivité motrice.
Sa prévalence est estimée à 5 % des enfants d’âge scolaire, avec une prédominance masculine. La comorbidité avec des troubles des apprentissages est fréquente, concourant à un risque d’échec scolaire.
Le diagnostic est avant tout clinique.
5. Encéphalopathies neurodégénératives
Elles représentent moins de 30 % des cas d’anomalies neurodéveloppementales.
Après un développement normal, une régression des acquisitions est constatée plus ou moins tôt.
La démarche étiologique repose là encore sur l’interrogatoire et l’examen clinique qui permettront de guider au mieux les explorations complémentaires. L’IRM, les explorations neurophysiologiques (EEG…) permettront d’orienter la démarche diagnostique.
Dès la suspicion d’une pathologie neurodégénérative, une orientation en centre de référence spécialisée neuropédiatrique s’impose pour diagnostic et prise en charge spécifique.
Dans cette situation de régression, il faut savoir rechercher une encéphalopathie neurodégénérative métabolique et/ou génétique (par exemple, le syndrome de Rett) ou des formes rares d’épilepsie. Dans quelques cas, il existe un traitement spécifique qui sera d’autant plus efficace que mis en route précocement.
Le diagnostic précis du cas index permettra la plupart du temps de proposer un conseil génétique et un diagnostic prénatal approprié.
Références
American Psychiatric Association (APA). Diagnostic and statistical Manual of mental disorders, Fifth edition (DSM-5) Wash-ington, DC : American Psychiatric Association ; 2013.
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HAS. Troubles du neurodéveloppement Repérage et orientation des enfants à risque. mars 2020. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-03/fs_tnd_syn… |
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Secrétariat État chargé des Personnes Handicapées. Les outils du repérage et d’information. Juillet 2020. https://handicap.gouv.fr/autisme-et-troubles-du-neuro-developpement/int… |
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Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. Repérer et guider. À remplir par le médecin. 2020. https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/brochure_reperage_tnd_2020.janv.pdf |