CHAPITRE 29 - Item 147 – Fièvre aiguë

Objectifs pédagogiques

Texte
  • Diagnostiquer la cause. Conduire le diagnostic étiologique d’une fièvre aiguë.
  • Connaître les indications et les modalités du traitement symptomatique d’une fièvre aiguë.
  • Identifier les situations d’urgence et celles imposant l’hospitalisation d’un patient fébrile.
Texte

Avant de commencer…

La fièvre est le symptôme le plus fréquent chez l’enfant, surtout chez le nourrisson.
Elle est habituellement définie comme une température ≥ 38 °C quel que soit l’âge.

La principale crainte devant un état fébrile aigu est l’infection bactérienne sévère. Les principales infections bactériennes sévères sont les pneumonies et pleuropneumonies, les méningites, les pyélonéphrites, les diarrhées invasives (glairosanglantes), les infections ostéoarticulaires (arthrites, ostéomyélites et ostéoarthrites), les dermohypodermites et, enfin, les bactériémies occultes (bactériémie sans point d’appel clinique infectieux).

Le risque d’infection bactérienne sévère est inversement proportionnel à l’âge :

  • avant l’âge de 3 mois, l’examen clinique n’est pas suffisant et toute fièvre isolée est a priori suspecte d’infection bactérienne. L’attitude généralement admise est d’explorer, de surveiller en milieu hospitalier les plus jeunes (avant l’âge de 6 semaines) et de prescrire le plus souvent une antibiothérapie probabiliste, notamment aux nouveau-nés, en attendant d’avoir éliminé une cause bactérienne. La décision de traiter par antibiotiques (le plus souvent en milieu hospitalier) n’est pas systématique ; elle sera conditionnée par l’évaluation du risque infectieux reposant sur la confrontation des données cliniques et des résultats des explorations complémentaires ;

  • après l’âge de 3 mois, les infections virales prédominent très largement. L’examen clinique oriente la prescription d’examens complémentaires, qui n’est plus systématique.

Dans tous les cas, le clinicien doit savoir identifier rapidement les situations d’urgence : signes cliniques de sepsis, gravité liée à l’étiologie ou à un terrain à risque.
Des troubles hémodynamiques reliés à un sepsis justifient un remplissage vasculaire urgent.

I. Pour bien comprendre

A. Physiopathologie

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L’homéothermie résulte d’un équilibre entre thermogenèse et thermolyse, régulé par un centre thermorégulateur situé dans l’hypothalamus antérieur.
L’élévation thermique répond à deux mécanismes parfois associés : la fièvre et l’hyperthermie.

La fièvre entraîne le déplacement vers le haut du point d’équilibre thermique, ce qui conduit l’hypothalamus antérieur à émettre des influx nerveux visant à augmenter la température centrale vers ce nouveau point d’équilibre. Il en résulte une vasoconstriction (diminuant la thermolyse) et des frissons (augmentant la thermogenèse).

L’hyperthermie peut (indépendamment de toute élévation du point d’équilibre thermique et donc de toute fièvre) être induite par une augmentation de la thermogenèse (exercices musculaires intenses) et/ou une diminution de la thermolyse (température extérieure élevée).

B. Méthodes de mesure de la température chez l’enfant

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La fièvre est le symptôme le plus fréquent chez l’enfant.

La confirmation par le chiffrage de la température corporelle est alors indispensable.
La méthode de référence est le thermomètre électronique par voie rectale.
La voie buccale ou axillaire nécessite un temps de prise plus long, et a de plus l’inconvénient d’une sous-estimation fréquente (ajouter + 0,4 °C si voie buccale, + 0,5 °C si axillaire).
Le thermomètre à infrarouges par voie auriculaire et frontale présente l’avantage d’un temps de prise rapide, mais manque parfois de précision.

C. Définition de la fièvre chez l’enfant

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On parle de fièvre, quel que soit l’âge, si :

  • élévation de la température corporelle au-dessus de 38 °C ;
  • chez un enfant normalement couvert, dans une température ambiante tempérée, en l’absence d’activité physique intense (HAS, 2016).

En pédiatrie, une fièvre est dite aiguë lorsqu’elle évolue depuis moins de 5 jours chez le nourrisson, et moins de 1 semaine chez l’enfant plus âgé. Au-delà, on parle de fièvre prolongée.

Ce qui distingue la fièvre aiguë du nourrisson de celle de l’adulte :

  • la fréquence des causes virales bénignes (âge ≥ 3 mois) ;
  • la durée seuil de 5 jours pour parler de fièvre aiguë (plus courte que chez l’adulte) ;
  • les complications propres à l’état fébrile indépendamment de sa cause (crise fébrile) ;
  • l’impact thérapeutique des mesures physiques (suppléments hydriques…).
Texte

Fièvre = T° ≥ 38 °C chez un enfant normalement couvert, dans une température ambiante tempérée, en l’absence d’activité physique intense (HAS, 2016).

II. Conduite à tenir chez un enfant fébrile

A. Identifier les situations d’urgence

1. Fièvre et signes potentiels de gravité

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Le niveau de la température ne témoigne pas à lui seul de la gravité d’une fièvre.

De principe, la gravité d’un état fébrile s’évalue sur trois domaines (tableau 29.1) :

  • les signes de défaillance vitale (neurologique, respiratoire et surtout hémodynamique) ;
  • l’orientation clinique vers une étiologie a priori sévère ;
  • l’existence d’un terrain risque.


Tableau 29.1. Critères de gravité chez un nourrisson ou un enfant fébrile.

Signes de défaillance vitale Signes orientant
vers une infection sévère
Identification d’un terrain à risque d’infection sévère

Neurologiques :

  • trouble de la conscience (Glasgow)
  • trouble du comportement (cri plaintif, geignement)
     

Respiratoires :

  • polypnée
  • signes de lutte
  • geignement expiratoire (grunting)
  • SpO2 basse

Hémodynamiques :

  • tachycardie
  • TRC allongé
  • pouls faible, filant
  • extrémités froides
  • coloration pâle, grise
  • PAS abaissée
  • Signes de détresse respiratoire sévère (pneumonie, pleuropneumopathie)
  • Troubles hémodynamiques (sepsis)
  • Purpura (infection à méningocoque)
  • Érythème diffus (syndrome toxinique)
  • Syndrome méningé (méningite)
  • Anomalies du tonus et troubles de la conscience (méningite, encéphalite)
  • Douleurs à la mobilisation d’un membre (ostéoarthrite)
  • Selles glairosanglantes avec forte fièvre (diarrhée bactérienne)

Âge (nouveau-né, nourrisson d’âge < 6 semaines)
Existence d’une pathologie connue :

  • drépanocytose
  • immunosuppression
  • cathéter central
  • affection chronique pulmonaire ou rénale, maladie systémique
    Capacités de surveillance possiblement limitées de l’entourage

 

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Alerte : teint gris, purpura, troubles hémodynamiques, détresse respiratoire ou neurologique.
Identifier un terrain à risque et des difficultés de surveillance de l’entourage.

2. Complications possiblement reliées à la fièvre

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Les crises fébriles concernent 2 à 5 % des enfants (voir chapitre 52).
Une crise fébrile est définie comme : une crise convulsive occasionnelle, survenant en climat fé-brile (la fièvre n’est pas indispensable au moment de la crise), chez un enfant âgé habituellement de 6 mois à 5 ans, dont le développement psychomoteur est normal, et en dehors de toute at-teinte infectieuse (ou non) du SNC.

La déshydratation aiguë est très rare dans le contexte de fièvre isolée (sans troubles digestifs).
Le syndrome d’hyperthermie majeure est devenu exceptionnel.

B. Conduire le diagnostic étiologique

1. Enquête clinique

Anamnèse
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Caractéristiques de l’enfant :

  • âge (nouveau-né, < 6 semaines, < 3 mois) ;
    • antécédents d’infections sévères ;
    • facteurs de risque d’infection néonatale précoce (avant 7 jours de vie) :
    • antécédent d’infection néonatale à SGB lors d’une précédente grossesse ;
    • prélèvement vaginal maternel positif pour le streptocoque du groupe B (S. agalactiae) ;
    • fièvre maternelle en périnatal ;
    • prématurité ;
    • rupture de la poche des eaux > 12 heures ;
  • terrain à risque d’infection sévère (voir tableau 29.1) ;
  • statut vaccinal.

Circonstances :

  • contage infectieux ;
  • voyage récent en zone à risque infectieux particulier (épidémie, exposition au paludisme, bac-téries multirésistantes, tuberculose…) ;
  • antibiothérapie récente, chimiothérapie, vaccination récente.

Caractéristiques de la fièvre :

  • début brutal ou progressif ;
  • signes d’appel clinique (avec leur chronologie) :
    • comportement général, prise alimentaire ;
    • écoulement nasal, otalgie, odynophagie, toux ;
    • douleurs abdominales, vomissements, diarrhée ;
    • céphalées, signes fonctionnels urinaires, arthralgies, éruption cutanée ;
  • nombre de jours de fièvre.
Examen physique
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  • Constantes (à comparer aux valeurs normales pour l’âge) : voir chapitre 66.
  • Examen complet sur un enfant totalement déshabillé (traquer un purpura).
  • Signes cliniques d’infection sévère à rechercher activement à tout âge (voir tableau 29.1).

2. Enquête paraclinique

Rationnel
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En l’absence de critère de gravité, la fièvre à elle seule ne justifie habituellement pas après l’âge de 3 mois de réaliser des examens complémentaires sauf en cas de persistance de la fièvre au-delà de 72 heures sans point d’appel (BU en premier lieu).
Le diagnostic étiologique est souvent relié à une cause bénigne virale, ne requérant qu’une simple surveillance en ambulatoire par les parents, sans nécessité d’enquête paraclinique.
L’examen clinique peut parfois orienter ; un bilan ciblé pourra être indiqué (BU en cas de signes fonctionnels urinaires, TDR SGA en cas d’angine après l’âge de 3 ans).

Cette décision pourra être réévaluée selon les modalités évolutives de la fièvre et des signes d’accompagnement pouvant justifier d’une nouvelle consultation et d’examens complémentaires orientés. Une fièvre devenant prolongée nécessite un minimum d’investigations dans le but de préciser le diagnostic et orienter le traitement.

Bilan en cas de critères de gravité chez un enfant fébrile (voir tableau 29.1)
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Le plus souvent :

  • bilan inflammatoire : NFS-plaquettes ; CRP ou PCT selon la situation ;
  • BU (ECBU avant 1 mois) ;
  • ± tests antigéniques virologiques en période épidémique (VRS, grippe, SARS-Cov-2…).

Selon les cas :

  • radiographie du thorax de face en cas de signe évocateur de pneumonie ;
  • prélèvements bactériologiques orientés selon les situations (TDR strepto A en cas d’otorrhée ou d’angine, coproculture en cas de suspicion de diarrhée invasive, prélèvement d’écoulement purulent cutané…) ;
  • hémoculture(s) en cas de sepsis ou chez le nourrisson d’âge < 6 semaines ;
  • examen du LCS (chez un patient stabilisé sur le plan hémodynamique, respiratoire et neurologique) en cas de signes de méningite ou au moindre doute avant l’âge de 6 semaines (sémiologie de la méningite parfois difficile à interpréter) ;
  • frottis-goutte épaisse en cas de retour de zone paludéenne.

En pratique, avant l’âge de 6 semaines, des examens complémentaires sont ainsi systématique-ment prescrits, sauf rares exceptions telles qu’une fièvre bien tolérée de survenue récente chez un enfant ayant une bronchiolite aiguë sans signe de gravité.

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Cas habituel : examen(s) complémentaire(s) orienté(s) uniquement par la clinique.
Critères de gravité : enquête paraclinique systématique.

III. Prise en charge thérapeutique

A. Orientation de l’enfant

1. Orientation

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La figure 29.1 synthétise la stratégie d’orientation initiale face à une fièvre aiguë de l’enfant.

Hospitalisation selon contexte clinique et enquête paraclinique :

  • enfant ayant un terrain à risque d’infection sévère ;
  • signes cliniques ou biologiques évocateurs d’une infection sévère ;
  • pathologie retrouvée nécessitant un traitement et/ou une surveillance en milieu hospitalier.

Indications d’antibiothérapie urgente devant une fièvre sans diagnostic précis :

  • systématique : sepsis ou choc septique, neutropénie fébrile chez un sujet immunodéprimé ;
  • à discuter selon contexte (âge, contage, résultat du bilan) : autres situations ou terrains à risque.
Fig. 29.1.  Stratégie d’orientation initiale en cas de fièvre aiguë de l’enfant.
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Fig. 29.1. Stratégie d’orientation initiale en cas de fièvre aiguë de l’enfant.

2. Connaître les conditions d’une prise en charge ambulatoire

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La prise en charge d’une fièvre aiguë bénigne, situation la plus fréquente chez un enfant non à risque, est ambulatoire.

Il convient d’évaluer la compréhension de la prescription par la famille, les possibilités de traite-ment symptomatique (notamment la nuit), en informant qu’une maladie virale peut entraîner une fièvre susceptible de durer jusqu’à 3 voire 5 jours.
Il faut également transmettre à la famille, sans l’alarmer, les signes de gravité devant conduire à une nouvelle consultation urgente : anomalies du teint, anomalies des cris, pleurs inconsolables, troubles de la conscience, troubles hémodynamiques ou signes de détresse respiratoire. Il est re-commandé d’écrire ces informations sur l’ordonnance remise aux parents.

B. Prise en charge symptomatique d’une fièvre

1. Connaître les indications du traitement symptomatique

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Le traitement d’un état fébrile aigu doit avoir pour objectifs :

  • le confort de l’enfant avant tout :
    • récupération d’un bon contact avec l’environnement ;
    • capacité aux jeux et aux activités, reprise de l’appétit ;
  • la réduction d’une douleur éventuelle associée.

Ce traitement symptomatique ne « masquera » pas la fièvre et ne gênera pas l’évaluation du suivi de l’épisode fébrile. Il peut être complété si nécessaire par un traitement étiologique probabiliste. Il n’a pas pour but le retour à l’apyrexie ou la prévention des crises fébriles

2. Connaître ses principales modalités

Méthodes physiques
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Elles reproduisent les échanges que l’organisme met en jeu avec le milieu extérieur pour assurer sa régulation thermique : déshabillage (radiation), boissons fraîches (conduction), brumisation (évaporation), ventilateurs (convection).

Trois mesures simples sont à proposer :

  • donner à boire aussi souvent que possible (notamment la nuit) ;
  • ne pas surcouvrir l’enfant ;
  • ne pas surchauffer la pièce environnante.

Les autres méthodes (bains tièdes, enveloppements humides…) sont abandonnées car source d’inconfort

Traitement médicamenteux
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Le paracétamol doit être privilégié pour traiter les états fébriles. Son objectif est le confort de l’enfant et non la baisse du chiffre de température.
La voie orale est la règle. Sa posologie est de 60 mg/kg par jour à répartir en 4 ou 6 prises (délai minimal de 4 heures entre deux prises).
Ses effets indésirables sont rares. Il n’a qu’un faible risque d’interaction médicamenteuse.

Deux AINS sont cités dans les recommandations de la HAS pour le traitement des affections fé-briles : l’ibuprofène après 3 mois, le kétoprofène après 6 mois. L’ibuprofène est la molécule prescrite en pratique. Sa posologie est de 20–30 mg/kg par jour en 4 prises.
Leur prescription est contre-indiquée en cas de varicelle et à éviter en cas d’infection pulmonaire ou ORL sévère, d’infection cutanée ou des tissus mous, ou en cas de risque de déshydratation.

L’aspirine (acide acétylsalicylique) n’est pas indiquée pour le traitement de confort de l’enfant fé-brile. Elle partage avec l’ibuprofène les effets indésirables des AINS (allergiques, digestifs et rénaux) mais, surtout, on lui attribue un risque de syndrome de Reye en cas de grippe et de varicelle, ce qui justifie sa contre-indication absolue dans ces deux situations.

3. Prescrire un traitement symptomatique en pratique

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Une monothérapie par paracétamol et par voie orale doit être privilégiée pendant les 24 premières heures (HAS, 2016).
Il est indispensable d’avoir recours à des formes galéniques adaptées à l’enfant, avec utilisation de posologies unitaires aisément administrables, actuellement facilitées par des systèmes gradués (pipettes graduées en kg de poids).
La posologie unitaire orale est : 15 mg/kg (ou dose « poids en kg »), sans omettre si nécessaire et selon l’inconfort de l’enfant, une prise nocturne.

L’ibuprofène ne doit pas être prescrit de manière systématique.
Selon les recommandations de la HAS, un inconfort persistant malgré un traitement bien conduit pendant au moins 24 heures nécessite une réévaluation médicale, qui seule peut juger du bien-fondé de la substitution éventuelle du médicament antipyrétique (prescrit) ou d’une association (de deux molécules).

Texte

Objectif du traitement symptomatique de l’état fébrile aigu = confort de l’enfant.
Suppléments hydriques, ne pas surcouvrir l’enfant ni surchauffer la pièce.
En première intention : paracétamol par voie orale en monothérapie.

Référence

Texte
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HAS. Prise en charge de la fièvre chez l’enfant. Fiche mémo. Octobre 2016.
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-10/fic…