CHAPITRE 31 - Item 149 – Angines

Objectifs pédagogiques

Texte
  • Connaître les principales formes cliniques des angines, leurs agents étiologiques et leurs complications.
  • Connaître l’utilisation appropriée du test de diagnostic rapide streptococcique (TDR).
  • Connaître le traitement approprié, antibiotique et/ou symptomatique, d’un patient présentant une angine ou une rhinopharyngite.
Texte

Avant de commencer…

L’angine est une infection des amygdales palatines voire de l’ensemble du pharynx.
Les angines érythémateuses et érythématopultacées seront particulièrement détaillées dans ce chapitre.

On distingue :

  • les angines virales (majoritaires) ;

  • les angines bactériennes (dues au streptocoque du groupe A).

Le diagnostic positif d’angine est clinique.
Seul l’examen microbiologique (TDR streptocoque du groupe A) réalisé en pratique courante à partir de l’âge de 3 ans permet de confirmer ou d’infirmer l’étiologie bactérienne, et de porter ainsi une indication justifiée et rationnelle d’antibiothérapie.

La prise en charge des angines bactériennes repose sur l’amoxicilline pendant 6 jours.
Une éviction obligatoire de la collectivité d’enfants est indiquée jusqu’à 48 heures d’antibiothérapie.

I. Pour bien comprendre

A. Définitions

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La pharyngite est une inflammation de l’oropharynx.
L’angine (ou amygdalite) est une infection douloureuse et fébrile des amygdales.

Il existe quatre formes anatomocliniques d’angines (voir tableau 31.2) :

  • les angines érythémateuses ou érythématopultacées ;
  • les angines pseudo-membraneuses ;
  • les angines vésiculeuses ;
  • les angines ulcéronécrotiques.

Les angines érythémateuses ou érythématopultacées sont le point clé de cet item.
Les autres formes d’angine sont très rares chez l’enfant. Un court rappel de leurs particularités cliniques est proposé dans le § IV. Annexe.

B. Épidémiologie des angines érythémateuses et érythématopultacées

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Le pic d’incidence se situe entre les âges de 5 et 15 ans.
Les angines sont, avec les otites, les infections ORL les plus fréquentes chez l’enfant.

On distingue les angines virales et les angines bactériennes.
Les angines virales sont les plus fréquentes : adénovirus, influenzavirus et parainfluenzavirus, VRS, entérovirus, virus d’Epstein-Barr (EBV)…
Les angines bactériennes sont liées avant tout à Streptococcus pyogenes = streptocoque -hémolytique du groupe A (SGA), et représentent en moyenne 40 % des angines aiguës de l’enfant après 3 ans.

Seule une angine bactérienne à SGA justifie d’une antibiothérapie active du fait du risque de complications post-streptococciques.
D’autres bactéries isolées dans les prélèvements de gorge des enfants atteints d’angines n’ont habituellement aucun rôle pathogène démontré : Haemophilus influenzae non typable et H. parainfluenzae, Moraxella catarrhalis, pneumocoque, staphylocoque, anaérobies…
Le SGA est constamment sensible à l’amoxicilline. Le pourcentage des souches de SGA résistantes aux macrolides est faible (3 % en 2011).
Les angines streptococciques ne sont habituellement authentifiées qu’après l’âge de 3 ans.

C. Physiopathologie, anatomie

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La figure 31.1 représente une vue anatomique de l’oropharynx en bouche ouverte.

II. Diagnostiquer une angine

A. Enquête clinique

1. Faire le diagnostic positif d’angine

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Données anamnestiques utiles :

  • âge de l’enfant ;
  • existence d’une fièvre ± élevée ;
  • appréciation de l’odynophagie ± diminution de la prise alimentaire ;
  • contexte viral, contage d’angine (entourage familial, collectivité).
Fig. 31.1.  Vue anatomique de l’oropharynx en bouche ouverte.
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Fig. 31.1. Vue anatomique de l’oropharynx en bouche ouverte. 
Illustration de Carole Fumat. 

Tableau clinique typique associant :

  • fièvre de niveau variable ;
  • modifications de l’aspect de l’oropharynx : amygdales congestives (fig. 31.2A), ± enduit blanchâtre détachable à l’abaisse-langue (fig. 31.2B)
  • autres signes inconstants : adénopathies cervicales sensibles.
Fig. 31.2. A. Angine érythémateuse. B. Angine érythématopultacée.
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Fig. 31.2. A. Angine érythémateuse.  

Fig. 31.2. A. Angine érythémateuse. B. Angine érythématopultacée.
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Fig. 31.2.  B. Angine érythématopultacée. 

2. Orientation étiologique

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Certains arguments cliniques peuvent orienter (tableau 31.1).  
Le score de Mac Isaac, décrit chez l’adulte, n’est pas validé chez l’enfant.

Tableau 31.1. Arguments cliniques évocateurs d’une angine virale et d’une angine à SGA.

 
  • Angine virale
Angine à SGA
Épidémiologie
  • Épidémie, contage
  • À tout âge
  • Contage
  • 3 à 15 ans (pic : 5 ans)
Anamnèse
  • Début progressif
  • Fièvre variable
  • Odynophagie modérée
  • Début brutal
  •  Fièvre élevée
  • Odynophagie intense
Clinique
  • Aspect érythémateux ± vésicules
  • ± Toux, rhinorrhée, myalgies
  • ± Conjonctivite, éruption cutanée
  • Érythème pharyngé intense, purpura du voile
  • ± Douleurs abdominales, vomissements
  • ± Adénopathies sensibles

 

B. Enquête paraclinique

1. Généralités

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Le diagnostic positif d’angine est clinique.
Seul l’examen microbiologique (TDR pour le streptocoque du groupe A en pratique courante, plus rarement la mise en culture d’un prélèvement de gorge amygdalien) permet de confirmer l’étiologie bactérienne et de porter l’indication justifiée de l’antibiothérapie.

2. Examens microbiologiques

Test de diagnostic rapide pour le streptocoque du groupe A
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Cet examen est de réalisation simple en consultation médicale et consiste en un écouvillonnage sur la face interne des amygdales, avec un résultat obtenu en moins de 5 minutes (fig. 31.3).
Ce test diagnostique repose sur la mise en évidence des antigènes de paroi (polysaccharide C) de Streptococcus pyogenes (SGA).

Le TDR pour le streptocoque du groupe A est recommandé pour tous les enfants âgés de plus de 3 ans ayant un diagnostic clinique d’angine. Avant l’âge de 3 ans, le diagnostic d’angine est rare et le plus fréquemment d’origine virale.

Culture du prélèvement pharyngé
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La culture à visée diagnostique du prélèvement pharyngé n’est plus réalisée en pratique.
Son résultat n’est en effet obtenu qu’au terme d’un délai de 1 à 2 jours.

Elle est éventuellement utile dans deux situations (chez l’enfant d’âge ≥ 3 ans) :

  • échec thérapeutique à 72 heures d’évolution ;
  • négativité du TDR et facteurs de risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA), c’est-à-dire en France aujourd’hui, essentiellement les patients ayant un antécédent de RAA.
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Aucune donnée clinique ne permet d’affirmer l’origine bactérienne ou non d’une angine.
TDR pour le SGA en cas d’angine chez un enfant à partir de l’âge de 3 ans.

Fig. 31.3. Test de diagnostic rapide pour le streptocoque du groupe A (Streptatest®).
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Fig. 31.3. Test de diagnostic rapide pour le streptocoque du groupe A (Streptatest®). 
Avec l’amaible autorisation des laboratoires BIOSYNEX.  

III. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant

A. Orientation

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Il s’agit d’une pathologie le plus souvent bénigne, de prise en charge en ambulatoire.
Les indications d’hospitalisation sont exceptionnelles et reliées à la gravité d’éventuelles compli-cations.

Un avis spécialisé ORL n’est nécessaire qu’en cas de complications locorégionales (rares).

Une éviction d’une collectivité d’enfants est obligatoire jusqu’à 48 heures d’antibiothérapie en cas d’angine bactérienne à SGA (recommandations du HCSP).

B. Antibiothérapie par voie générale

1. Généralités

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Seule l’antibiothérapie au cours des angines érythémateuses et érythématopultacées est détaillée dans ce chapitre. La prise en charge thérapeutique des autres angines n’est pas traitée ici.

2. Recommandations actuelles pour l’angine à SGA

Qui traiter ?
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L’antibiothérapie est indiquée pour les angines bactériennes avec TDR positif pour le strepto-coque du groupe A (réalisé chez les enfants âgés de plus de 3 ans).
Un TDR pour le streptocoque du groupe A négatif conduit à considérer l’étiologie de l’angine comme très probablement virale. L’antibiothérapie est alors inutile. Aucun contrôle systématique par culture n’est justifié (à l’exception des sujets à haut risque de RAA).

Comment traiter ?
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L’antibiothérapie de première intention est l’amoxicilline 50 mg/kg par jour (sans dépasser 2 g) en 2 prises per os pendant une durée de 6 jours.

En cas d’allergie aux pénicillines (éventualité rare) sans contre-indication aux céphalosporines, il peut être prescrit l’une des céphalosporines orales : cefpodoxime-proxétil pendant 5 jours, céfu-roxime-axétil pendant 4 jours.
En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines (éventualité exceptionnelle), il peut être prescrit un macrolide (sans nécessité de pratiquer un prélèvement bactériologique) : azi-thromycine pendant 3 jours, clarithromycine pendant 5 jours.

L’intérêt du recours à une antibiothérapie par voie locale n’est pas démontré.

Texte

Antibiothérapie de première intention pour une angine à SGA : amoxicilline per os pendant 6 jours.

C. Mesures symptomatiques

Texte

Le traitement antalgique repose sur le paracétamol.
Ni les AINS ni les corticoïdes ne sont recommandés en l’absence de données permettant d’établir leurs bénéfices, alors que leurs risques de complications locales sont notables.

D. Suivi de l’enfant

1. Suivi immédiat

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La guérison est habituelle en quelques jours : régression des signes généraux (fièvre) et fonctionnels (odynophagie).
La persistance des symptômes à 72 heures doit conduire à réexaminer l’enfant et à pratiquer un nouveau prélèvement microbiologique (TDR et/ou culture pharyngée).

2. Échec de l’antibiothérapie initiale et complications

Échec de l’antibiothérapie initiale
Texte

Il convient de rechercher à l’examen une complication de l’angine à SGA.
La culture du prélèvement pharyngé peut être utile pour obtention d’un antibiogramme et vérification de l’absence de résistance de la souche de SGA à l’antibiotique utilisé.

Causes d’échec d’éradication du SGA dans le traitement des angines :

  • mauvaise compliance au traitement ;
  • interférence bactérienne : destruction de l’amoxicilline par des bêtalactamases produites par des bactéries de la flore pharyngée ; diminution de l’effet barrière de la flore assurant la protection de la recolonisation par un SGA ;
  • réinfection à partir de l’entourage en fin de traitement.
Complications
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Complications locorégionales (avant tout, mais rares), à rechercher devant des signes tels que trismus, torticolis, odynophagie sévère :

  • phlegmon péri-amygdalien : asymétrie pharyngée avec médialisation d’une amygdale, vous-sure inflammatoire du pilier antérieur et/ou du voile et déviation de la luette vers le côté op-posé (fig. 31.4) ;
  • abcès rétropharyngé ou parapharyngé.
Fig. 31.4. Phlegmon péri-amygdalien droit compliquant une angine.
Texte

Fig. 31.4. Phlegmon péri-amygdalien droit compliquant une angine. 
A. Mise en place d’un ouvre-bouche. Voussure du pilier antérieur et médialisation de l’amygdale droite. Luette rejetée en arrière et vers la gauche. B. TDM cervicale en coupe axiale sans IV. Collection péri-amygdalienne droite avec médialisation de celle-ci. 
Source : Natacha Teissier.

Complications générales (exceptionnelles) : 

  • contamination d’un sujet à risque (varicelle) par un SGA ;
  • septicémie et localisations secondaires variées dont pleuropneumonies, fasciite nécrosante ; 
  • choc toxinique streptococcique ; 
  • syndromes post-streptococciques, devenus exceptionnels dans les pays industrialisés : RAA, glomérulonéphrite aiguë. 
Texte

Documentation bactériologique par culture pharyngée si échec du traitement antibiotique.
Toujours penser à un abcès rétropharyngé ou parapharyngé en cas de torticolis fébrile.
Complications post-streptococciques : exceptionnelles dans les pays industriels.

3. Prise en charge préventive des récidives

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Les indications de l’amygdalectomie doivent être toujours rationnellement justifiées compte tenu de la morbimortalité postopératoire possible.
Ses indications sont actuellement très réduites, le plus souvent limitées aux infections récidivantes sévères et aux pathologies obstructives significatives (voir chapitre 62, SAOS).

IV. Annexe

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Les autres formes anatomocliniques d’angines sont très rares en pédiatrie.  
Toutefois, il importe de connaître leurs particularités cliniques (tableau 31.2), afin de ne pas mé-connaître dans un contexte évocateur, une urgence diagnostique et thérapeutique.  
 

Tableau 31.2. Autres formes anatomocliniques d’angines.  

Angines pseudo-membraneuses Mononucléose infectieuse
  • Enfant et adolescent
  • Fausses membranes non adhérentes
  • Respect de la luette
  • Adénopathies cervicales postérieures
  • Splénomégalie
Diphtérie
  • Pays avec calendrier vaccinal sans DTP
  • Fausses membranes adhérentes
  • Envahissement de la luette et du pharynx postérieur
  • Adénopathies sous-angulo-maxillaires
Angines vésiculeuses Primo-infection herpétique
  • Âge habituel entre 1 à 4 ans
  • Vésicules sur muqueuse inflammatoire
  • Gingivostomatite aiguë (voir fig. 38.12 au chapitre 38)
  • Ulcérations avec dysphagie majeure
  • Adénopathies sous-angulo-maxillaires
Infection à entérovirus
  • Âge habituel entre 1 à 7 ans, épidémies estivales
  • Vésicules en région amygdalienne (herpangine)
  • Vésicules pharyngées et extrémités (syndrome pied-main-bouche)
Angines ulcéronécrotiques Agranulocytose, hémopathies
  • Tout âge, imputabilité d’un médicament
  • Syndrome d’insuffisance médullaire
  • Douleurs osseuses, hépatosplénomégalie
Angine de Vincent
  • Mauvaise hygiène buccodentaire
  • Haleine fétide, odynophagie latéralisée
  • Ulcération profonde et membranes grisâtres
  • Caractère unilatéral

 

Références

Texte
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HAS. Choix et durée de l’antibiothérapie : Rhinopharyngite aiguë et angine aiguë de l’enfant. 2016, mise à jour 2021.
https://has-sante.fr/jcms/p_3283386/fr/choix-et-duree-de-l-antibiothera…
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SFORL. Amygdalectomie de l’enfant. Recommandations pour la pratique clinique. 2020.
https://www.sforl.org/wp-content/uploads/2021/11/Recommandation-SFORL-Amygdalectomie_
2021.pdf
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HCSP. Guide des conduites à tenir en cas de maladies infectieuses dans une collectivité d’enfants ou d’adultes. 2012.
http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=306