CHAPITRE 33 - Item 148 – Sinusites

Objectifs pédagogiques

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  • Connaître les différentes formes de sinusite et les explorations éventuellement nécessaires pour en étayer le diagnostic.
  • Connaître les arguments cliniques permettant de distinguer une sinusite maxil-laire aiguë, d’une rhinite ou d’une rhinopharyngite.
  • Prescrire le traitement approprié, antibiotique et/ou symptomatique, à un pa-tient présentant une sinusite maxillaire aiguë, une rhinite, une rhinopharyngite.
  • Diagnostiquer et connaître les complications et les principes du traitement d’une ethmoïdite aiguë du nourrisson et de l’enfant.
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Avant de commencer…

Le terme de « rhinosinusite » est préféré à celui de « sinusite » chez l’enfant.
Le diagnostic est avant tout clinique. La prescription des examens paracliniques est limitée.

Situations cliniques à connaître chez le jeune enfant :

  • la rhinosinusite aiguë maxillaire ;
  • l’ethmoïdite aiguë.

Le diagnostic de sinusite maxillaire ne peut être porté avant l’âge de 3 ans.
En effet, le diagnostic de sinusite doit tenir compte chez l’enfant de la chronologie du développement anatomique des cavités sinusiennes (sinus ethmoïdaux au cours des premiers mois de vie ; sinus maxillaires à partir de l’âge 3–4 ans ; sinus frontaux à partir de l’âge de 5–10 ans ; sinus sphénoïdal à partir de l’âge de 10 ans).

I. Pour bien comprendre

A. Définitions

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Le terme de « rhinosinusite » est préféré à celui de sinusite chez l’enfant.
Le diagnostic de rhinosinusite doit tenir compte chez l’enfant de la chronologie du développement anatomique des cavités sinusiennes :

  • sinus ethmoïdal : premiers mois de vie ;
  • sinus maxillaire : 3–4 ans ;
  • sinus frontal : 5–10 ans ;
  • sinus sphénoïdal : 10–15 ans.
     

Ainsi, le diagnostic de rhinosinusite maxillaire ne peut être porté avant l’âge de 3 ans.

B. Épidémiologie

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La rhinosinusite peut être d’étiologie virale ou bactérienne.
La flore des cavités nasosinusiennes est semblable à celle de la flore rhinopharyngée.
Les bactéries impliquées dans les sinusites communes sont majoritairement Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae non typable et, moins fréquemment, Moraxella catarrhalis. Staphylococcus aureus et les anaérobies sont plus fréquemment impliqués dans les formes compliquées.

C. Physiopathologie

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Le drainage sinusien nécessite un ostium perméable et une muqueuse saine avec un bon fonctionnement ciliaire, ainsi que des sécrétions muqueuses de viscosité et d’élasticité normales. Il permet ainsi l’évacuation des particules au niveau des sinus, vers les cavités nasales, l’oropharynx puis la bouche œsophagienne.
L’inflammation liée à la sinusite entrave le fonctionnement ciliaire et la perméabilité des ostiums, ce qui empêche le drainage du mucus sécrété physiologiquement par les sinus.

Les cavités sinusiennes de la face sont tapissées par un épithélium de type respiratoire en continuité avec celui des cavités nasales. Une atteinte sinusienne est ainsi habituelle au cours des infections des voies aériennes supérieures de l’enfant (virales ou bactériennes).
Cette caractéristique physiopathologique explique la préférence du terme de « rhinosinusite » aiguë à celui de sinusite aiguë.

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Formation progressive des sinus chez l’enfant pas de sinusite maxillaire chez le nourrisson.

II. Diagnostiquer une sinusite

A. Diagnostic clinique

1. Rhinosinusite aiguë maxillaire

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Elle concerne les enfants âgés de plus de 3 ans.
On distingue deux formes cliniques : subaiguë et aiguë.

Pour mémoire, les rhinopharyngites aiguës (voir chapitre 30) se traduisent par une rhinorrhée bilatérale séreuse puis mucopurulente, antérieure et postérieure (le caractère puriforme n’étant pas synonyme de surinfection bactérienne), accompagnée d’une toux.

La rhinosinusite subaiguë est évoquée devant la permanence des signes cliniques de rhinopharyngite aiguë au-delà de 10 jours, sans tendance à leur régression.
La rhinosinusite aiguë sévère est évoquée devant une fièvre élevée, une rhinorrhée purulente, des céphalées importantes et parfois un œdème péri-orbitaire.

Le diagnostic est donc avant tout clinique.
L’examen des cavités nasales est difficile à réaliser ; il montrerait la présence pathognomonique de pus au niveau du méat moyen. La présence de pus dans le rhinopharynx (écoulement pharyngé postérieur) associé à un mouchage purulent se reconstituant rapidement suffit le plus souvent au diagnostic.

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Rhinosinusite aiguë maxillaire : rhinorrhée purulente prolongée ± signes associés.

2. Ethmoïdite aiguë extériorisée

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L’ethmoïdite aiguë est plus rare et sévère. 
Elle est la principale complication bactérienne sinusienne d’une rhinopharyngite aiguë du nourrisson ou du jeune enfant, survenant à un âge médian de 2 à 3 ans.

On distingue deux stades : fluxionnaire ou suppuré.

Au stade fluxionnaire, les signes cliniques sont frustes :

  • fièvre modérée ;
  • œdème palpébral unilatéral douloureux :
    • débutant au niveau de la paupière supérieure et de l’angle interne de l’œil ;
    • puis atteinte des deux paupières, sans conjonctivite associée ;
    • avec bonne ouverture spontanée des paupières.

Au stade suppuré : abcès sous-périosté, phlegmon orbitaire, cellulite orbitaire :

  • fièvre élevée, douleur intense ;
  • chémosis majeur rendant l’ouverture palpébrale difficile ou quasi impossible ;
  • exophtalmie irréductible (fig. 33.1) ; 
     
Fig. 33.1.  Ethmoïdite extériorisée de l’œil gauche.


 Fig. 33.1. Ethmoïdite extériorisée de l’œil gauche. 
Source : Fayoux P, Couloigner V. ORL de l’enfant. Paris : Elsevier Masson ; 2016. © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


Signes de gravité majeurs (mise en jeu du pronostic visuel et vital) : 

  • immobilité du globe oculaire ; 
  • existence d’une mydriase ; 
  • constatation d’une anesthésie cornéenne.

En cas de stade suppuré, la TDM des sinus permettra de préciser la localisation de l’infection de la région péri-orbitaire (préseptale ou rétroseptale) et d’identifier les complications (abcès, notamment sous-périosté, thrombose vasculaire…). 

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Ethmoïdite aiguë : l’évoquer en cas d’œdème palpébral unilatéral fébrile et douloureux.

B. Enquête paraclinique

1. Généralités

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Le diagnostic de sinusite est avant tout clinique.
La prescription des examens paracliniques est limitée. Le tableau de rhinosinusite maxillaire aiguë non compliquée ne justifie pas d’explorations complémentaires.

2. Imagerie des sinus

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L’imagerie des sinus doit être réservée aux formes atypiques ou compliquées.
L’identification de signes radiologiques tels que l’opacité des sinus sur les radiographies standards (incidence de Blondeau) ou l’épaississement de la muqueuse sur un scanner, est très peu spécifique. De tels signes sont fréquemment présents sans signification pathologique, parfois même en dehors de tout symptôme clinique de rhinosinusite aiguë.

Scanner des sinus indiqué si :

  • ethmoïdite aiguë au stade suppuré (avec injection pour écarter une éventuelle complication thrombotique) ;
  • rhinosinusite aiguë prolongée et rebelle à un traitement adapté ;
  • sinusites récidivantes ou chroniques, après avis spécialisé.

Radiographie des sinus : non recommandée.

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Scanner des sinus : recommandé pour le diagnostic de certaines complications.

3. Examens biologiques

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La ponction sinusienne est d’indication exceptionnelle chez le jeune enfant.

La CRP peut permettre d’apprécier l’intensité du syndrome inflammatoire mais elle n’a aucune spécificité pour le diagnostic.

III. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant

A. Orientation

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Les rhinosinusites aiguës maxillaires non compliquées sont prises en charge en ambulatoire.
Les indications d’hospitalisation sont reliées à d’éventuelles complications.

Le diagnostic d’ethmoïdite aiguë requiert une évaluation hospitalière systématique.

Un avis spécialisé ORL est nécessaire en cas de :

  • rhinosinusite aiguë compliquée ;
  • ethmoïdite aiguë suppurée et/ou compliquée ;
  • sinusite récidivante ou chronique.

B. Antibiothérapie par voie générale

1. Rationnel de prescription

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Indications d’une antibiothérapie :
 

  • rhinosinusite maxillaire aiguë :
    • forme aiguë sévère et/ou compliquée et/ou d’origine dentaire : toujours ;
    • forme subaiguë : à discuter selon facteurs de risque (asthme, drépanocytose, cardiopathie) ou évolution ;
  • ethmoïdite aiguë ;
  • sinusite frontale ;
  • sinusite sphénoïdale (avis spécialisé ORL en urgence).

Objectifs de l’antibiothérapie :

  • traitement curatif efficace et rapide du foyer infectieux local 
  • prévention d’une diffusion locorégionale ou systémique ;
  • réduction plus rapide des douleurs de l’enfant.

L’antibiothérapie est habituellement probabiliste.
Elle doit être adaptée aux données évolutives épidémiologiques des germes de portage des VAS, identiques à celles des OMA purulentes : principalement S. pneumoniae et H. influenzae, plus rarement S. aureus et certains germes anaérobies (formes traînantes et/ou compliquées).

2. Recommandations actuelles

Sinusite aiguë maxillaire
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L’antibiotique de première intention est l’amoxicilline 80 mg/kg par jour en trois prises (deux prises à 12 heures d’intervalle si les intervalles d’administration ne peuvent être équidistants). L’amoxicilline est également la molécule de choix en cas de sinusite frontale.
En cas d’allergie aux pénicillines (éventualité rare) sans contre-indication aux céphalosporines, il peut être prescrit du cefpodoxime-proxétil. En cas de contre-indication à l’ensemble des bêtalactamines (situation exceptionnelle), il peut être prescrit du cotrimoxazole (= sulfaméthoxazole-triméthoprime).
La durée du traitement est de 10 jours.

L’association amoxicilline-acide clavulanique est indiquée en cas d’échec du traitement d’une sinusite aiguë maxillaire par amoxicilline. Elle est indiquée d’emblée en cas d’ethmoïdite aiguë, de sphénoïdite, de sinusite frontale compliquée ou de sinusite maxillaire d’origine dentaire. Elle permet de mieux couvrir l’ensemble des germes responsables : S. pneumoniae et H. influenzae, mais aussi S. aureus sensible à la méticilline (SASM) et certains anaérobies (à bêtalactamase).

Les autres antibiotiques notamment cefpodoxime-proxétil ont une efficacité moindre et exposent à des risques de résistance bactérienne (augmentent le risque de portage digestif d’entérobactéries à BLSE).

Ethmoïdite aiguë
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Ethmoïdite non compliquée (ou forme mineure préseptale ou stade fluxionnaire) :

  • traitement ambulatoire possible sous conditions de suivi à 48 heures ;
  • antibiothérapie orale par amoxicilline-acide clavulanique 80 mg/kg par jour en trois prises.

Ethmoïdite compliquée (stade suppuré) :

  • traitement hospitalier indispensable ;
  • antibiothérapie IV par amoxicilline-acide clavulanique (150 mg/kg par jour d’amoxicilline) ± gentamicine si forme septicémique ou céfotaxime + métronidazole selon gravité.

La durée du traitement est de 10 jours, parfois plus prolongée.

C. Mesures symptomatiques

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Le traitement de l’état fébrile et des douleurs repose sur le paracétamol.
Le traitement symptomatique de la rhinopharyngite (si associée) est indispensable. Les AINS ne sont pas recommandés (risque de complications infectieuses notables). Les corticoïdes peuvent être discutés au cas par cas dans les sinusites hyperalgiques bloquées.

D. Suivi de l’enfant

1. Suivi immédiat

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Le suivi évalue la régression des signes généraux (fièvre) et des signes fonctionnels.

La rhinosinusite maxillaire aiguë a le plus souvent une évolution favorable en 5 à 10 jours.
Les parents sont informés de la nature peu grave de l’affection, de la durée prévisible des symptômes, des signes devant faire suspecter une complication et justifiant alors une nouvelle consultation.

L’ethmoïdite aiguë au stade fluxionaire peut être traitée par voie orale en ambulatoire.
Une réévaluation clinique à 48 heures est systématique. Les parents sont informés des signes devant conduire à reconsulter plus précocement (signes de stade suppuré ou signes de gravité majeurs).

2. Échec de l’antibiothérapie initiale et complications

Échec de l’antibiothérapie initiale
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Cette éventualité est rare et nécessite un avis infectiologique spécialisé.
Il est défini par l’aggravation ou la persistance de la fièvre élevée ou des signes locaux au terme de 48 à 72 heures de traitement.

Complications
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Les complications sont variables selon les types de sinusites.
Elles sont surtout à redouter au décours des ethmoïdites aiguës, des sphénoïdites et des sinusites frontales.
Elles sont beaucoup plus rares en cas de sinusite maxillaire en raison des rapports anatomiques éloignés avec les orbites et les méninges (tableau sévère de pansinusite du grand enfant et de l’adolescent).

Principales complications :

  • orbitaires : abcès (fig. 33.2) ou cellulite orbitaire ;
  • endocrâniennes : atteinte méningoencéphalique, abcès intracérébral, thrombose vasculaire cérébrale.
     
Fig. 33.2. Abcès orbitaire compliquant une pansinusite.

 Fig. 33.2. Abcès orbitaire compliquant une pansinusite. 
Source : Natacha Teissier.

3. Suivi à long terme et pronostic

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Le diagnostic de sinusite chronique est habituellement évoqué face à un tableau de sinusite maxillaire ou de sinusite frontale évoluant pendant une durée supérieure à 4 mois.
Elle est le plus souvent indolore en dehors de poussées de surinfection. La confirmation diagnostique peut nécessiter un scanner des sinus.

4. Prise en charge préventive des récidives

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Un avis spécialisé est souvent nécessaire.
La sinusite chronique et les sinusites récidivantes sont rares chez l’enfant. Elles doivent faire rechercher des facteurs favorisants susceptibles d’être corrigés : obstacle méatal ou malformation, interruption d’un tabagisme passif, reconsidération du mode de garde, traitement antibiotique d’un foyer infectieux dentaire…
L’association à une toux grasse chronique peut faire évoquer le diagnostic rare de dyskinésie ciliaire.

Références

Texte

GPIP. Guide de prescription d’antibiotique en pédiatrie.
Actualisation 2024 en cours de publication.
 

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HAS. Choix et durée de l’antibiothérapie : Sinusite de l’enfant. 2021.
https://www.has-sante.fr/jcms/c_2722824/fr/choix-et-duree-de-l-antibiot…