Objectifs pédagogiques
- Diagnostiquer un impétigo, une folliculite, un furoncle, une dermohypodermite bactérienne et ses signes de gravité.
- Connaître les principes du traitement de l’impétigo, de la folliculite, du furoncle, de la dermohypodermite bactérienne.
Avant de commencer…
Les infections cutanées bactériennes sont très fréquentes chez l’enfant.
Elles peuvent être superficielles (furoncle, impétigo) ou profondes (dermohypodermites).
Le terme « érysipèle » était utilisé chez l’adulte pour désigner la forme la plus commune de dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN) due principalement au streptocoque -hémolytique du groupe A (SGA). Ce terme est actuellement abandonné pour le terme plus général de DHBNN.
Chez l’enfant, le terme « érysipèle » n’est pas utilisé et la distinction des dermohypodermites bactériennes se fait entre formes non graves (DHB non compliquées) et formes graves (DHB compliquées incluant dermohypodermite et fasciite nécrosantes).
Les infections cutanées mycosiques sont traitées dans d’autres ouvrages de spécialité.
I. Pour bien comprendre
A. Préambule
Les infections cutanées bactériennes superficielles sont fréquentes et bénignes :
- l’impétigo ;
- le furoncle.
Les infections cutanées bactériennes profondes sont plus rares et comportent :
- les dermohypodermites bactériennes (anciennement cellulites) non compliquées ;
- les dermohypodermites bactériennes compliquées de choc septique (ou de choc toxinique) ou de nécrose des tissus profonds (dermohypodermites nécrosantes et fasciites nécrosantes), pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
B. Épidémiologie
Les infections cutanées bactériennes sont très fréquentes chez l’enfant.
Le principal facteur favorisant des DHBNN est la varicelle.
Staphylococcus aureus et le streptocoque du groupe A sont les pathogènes responsables ; ils peuvent être associés.
L’antibiothérapie doit tenir compte des données actualisées de résistance de ces bactéries aux antibiotiques.
S. aureus est naturellement résistant à l’amoxicilline ; il est dans plus de 90 % des cas sensible à la méticilline en milieu communautaire, ce qui témoigne de sa sensibilité aux pénicillines M (oxacilline et cloxacilline), aux céphalosporines (C1G > C2G > C3G) et à l’association amoxicilline-acide clavulanique.
Le streptocoque de groupe A est toujours sensible à l’amoxicilline.
II. Démarche diagnostique
A. Infections cutanées bactériennes superficielles
1. Impétigos
Impétigo :
- pustulose intradermique (S. aureus et/ou SGA) ;
- évolution en plusieurs phases : vésicule sous-cornée, pustule (ou bulle) fragile flasque fugace puis érosion recouverte d’une croûte mélicérique ;
- souvent multiples près des orifices naturels ou sur le scalp ;
- transmission directe par voie manuportée conduisant à l’extension de l’infection chez un même patient (auto-inoculation) ou à la contagion d’autres enfants ;
- parfois adénite de voisinage ; pas de fièvre ;
- prélèvement bactériologique inutile.
Ecthyma :
- forme chronique et creusante de l’impétigo ;
- ulcération témoignant de l’atteinte du derme, cicatrice résiduelle après guérison.
Impétiginisation (fig. 39.1) :
- impétigo secondaire à la surinfection d’une dermatose primitive souvent prurigineuse ;
- exemples : varicelle, piqûres d’insecte, plaies post-traumatiques, eczéma, gale.

Fig. 39.1. Impétigo.
Source : Mathie Lorrot.
2. Furoncles
Folliculite (fig. 39.2) :
- inflammation superficielle d’un ou de plusieurs follicules pileux (S. aureus) ;
- prélèvement bactériologique inutile.

Fig. 39.2. Folliculite.
Source : Mathie Lorrot.
Furoncle :
- infection profonde et nécrosante du follicule pilosébacé (S. aureus) ;
- sites : dos, fesses, jambes, visage ;
- formes compliquées de furoncles :
- conglomérat de furoncles groupés (anthrax) ;
- multiplication des lésions, dermohypodermite péri-lésionelle, abcédation secondaire, fièvre ;
- furoncle à risque de complications : âge < 1 an, comorbidité, drainage difficile, localisation à la face : partie médiane du visage avec risque d’extension vers une infection sévère (thrombophlébite du sinus caverneux) ;
- prélèvement bactériologique :
- inutile si furoncle isolé vu en pratique de ville ;
- utile avant antibiothérapie si furoncle compliqué ou à risque de complications ;
- recherche de la LPV (leucocidine de Panton-Valentine) inutile dans tous les cas
Furonculose :
- répétition de furoncles (S. aureus) pendant des mois ou des années ;
- prélèvement bactériologique recommandé avant de débuter le traitement antibiotique ;
- n’effectuer le dépistage des gîtes bactériens (nez, gorge, anus, périnée) à la recherche d’un portage de S. aureus qu’après échec d’une première décolonisation de ces gîtes.
B. Infections cutanées bactériennes profondes
1. Dermohypodermites bactériennes non compliquées
Ce sont des infections bactériennes aiguës de la peau et du tissu sous-cutané habituellement caractérisées par un œdème, une augmentation de la chaleur locale, un érythème et une induration douloureuse de la peau, le plus souvent associés à de la fièvre (fig. 39.3). Elles sont rarement multifocales ou bilatérales.
L’examen clinique recherche une porte d’entrée cutanée (plaie cutanée, intertrigo, brûlure, piqûre d’insecte, varicelle…) et une lymphangite associée. Le marquage au feutre ou la photographie des lésions permet de suivre l’évolution de l’infection.

Fig. 39.3. Dermohypodermite bactérienne non compliquée.
Source : Mathie Lorrot.
De nombreuses entités cliniques (urticaire, dermite allergique de contact, dermohypodermite inflammatoire par exemple consécutive à une piqûre d’insecte) peuvent revêtir des tableaux cliniques proches de ceux des dermohypodermites bactériennes. Ces tableaux sont à leur différence ni fébriles ni douloureux.
2. Dermohypodermites bactériennes compliquées
Elles regroupent les dermohypodermites bactériennes non nécrosantes avec choc septique et/ou toxinique, les dermohypodermites nécrosantes et les fasciites nécrosantes.
Elles peuvent engager le pronostic vital et nécessitent la mise en route rapide d’une antibiothérapie probabiliste ciblant S. aureus et le streptocoque de groupe A, après réalisation d’au moins deux hémocultures.
Ces infections sévères nécessitent une prise en charge médico-chirurgicale précoce en réanimation.
Le choc toxinique est classiquement associé aux infections invasives liées au streptocoque du groupe A producteur de toxines mais il peut également être lié à des infections à S. aureus.
Le tableau clinique du choc toxinique streptococcique associe une fièvre à un rash scarlatiniforme (exanthème sans intervalle de peau saine) avec une progression rapide vers le choc (souvent chaud et vasoplégique) et une défaillance multiviscérale.
Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes sont définies par une nécrose des tissus conjonctifs et adipeux (derme et hypoderme). La douleur est intense et spontanée, disproportionnée par rapport aux signes locaux visibles.
La fasciite nécrosante correspond à une nécrose profonde des tissus (fascias intermusculaires) dépassant l’aponévrose superficielle. L’infection et la nécrose débutent initialement en profondeur entre le tissu sous-cutané et le fascia du muscle. La douleur est intense et spontanée, disproportionnée par rapport aux signes locaux visibles.
Infections cutanées bactériennes superficielles : impétigo, furoncle.
Infections cutanées bactériennes profondes : dermohypodermites bactériennes (anciennement cellulites) non compliquées, dermohypodermites bactériennes compliquées de choc septique ou toxinique, ou de nécrose des tissus profonds (dermohypodermites nécrosantes et fasciites nécrosantes).
III. Prise en charge thérapeutique
A. Infections cutanées bactériennes superficielles
1. Impétigo
Nettoyage des lésions cutanées à l’eau et au savon :
- le savonnage décolle les bactéries ;
- le rinçage les élimine.
Antibiothérapie locale :
- formes peu graves : ≤ 6 lésions, absence d’extension rapide des lésions ;
- mupirocine (active sur S. aureus et sur le SGA) 2 à 3 fois par jour pendant 5 jours.
Antibiothérapie par voie générale :
- formes plus graves : > 6 lésions ou surface corporelle atteinte > 2 % de la surface corporelle totale (chez l’enfant 1 % = surface d’une paume de main), ecthyma (forme nécrotique creusante), extension rapide des lésions ;
- amoxicilline-acide clavulanique par voie orale, 80 mg/kg par jour d’amoxicilline pendant 7 jours (maximum 3 g par jour).
Il est inutile de prescrire une antibiothérapie locale en plus d’une antibiothérapie générale dans le cadre d’un impétigo. En cas de recours à une antibiothérapie générale, il faut prescrire des applications de vaseline 2 fois par jour (après les soins de toilette), afin de ramollir les croûtes et de faciliter leur détersion.
Éviction d’une collectivité d’enfant (crèche, école) :
- non indiquée si les lésions peuvent être protégées par un pansement ;
- indiquée si les lésions ne peuvent pas être protégées : 72 heures après le début de l’antibiothérapie.
2. Furoncle
Furoncle isolé :
- pas de manipulation du furoncle (pour limiter le risque de complications), changement de linge et lavage quotidien à l’eau et au savon, incision de l’extrémité et évacuation du bourbillon (si furoncle volumineux), protection de la lésion avec un pansement ;
- pas d’antibiothérapie locale ni générale.
Furoncle compliqué ou à risque de complications :
- mesures précédentes ;
- antibiothérapie orale par amoxicilline-acide clavulanique pendant 5 jours ;
- pas d’antibiothérapie locale.
B. Infections cutanées bactériennes profondes
1. Dermohypodermite non compliquée
Si pas de facteurs de risque d’évolution vers une forme compliquée (âge < 1 an, immunodépression), ni de signes cliniques de gravité (fièvre élevée, lésions cutanées étendues ou d’évolution rapide, localisation septique secondaire) :
- traitement ambulatoire possible ;
- amoxicilline-acide clavulanique par voie orale, 80 mg/kg par jour (efficace sur S. aureus et le streptocoque de groupe A) en 2 ou 3 prises par jour pendant 7 jours (les pénicillines M, cloxacilline et oxacilline, ne peuvent pas être prescrites par voie orale en raison de leur mauvaise biodisponibilité).
Si facteur de risque ou signes de gravité :
- hospitalisation initiale ;
- amoxicilline-acide clavulanique par voie IV, 100 mg/kg par jour en 3 injections pendant 2 à 3 jours puis relais oral selon évolution (durée totale d’antibiothérapie : 7 à 10 jours) ;
- surveillance rapprochée.
2. Dermohypodermite compliquée (nécrosante et/ou toxinique)
Hospitalisation initiale en réanimation pour traitement du choc septique :
- remplissage vasculaire, inotropes ;
- prévention et surveillance des défaillances d’organes.
Antibiothérapie par voie intraveineuse en urgence :
- amoxicilline-acide clavulanique 150 mg/kg par jour ;
- associée à clindamycine (action antitoxinique).
Exérèse chirurgicale des zones nécrotiques (primordiale dans les dermohypodermites nécrosantes et fasciites nécrosantes).
Antipyrétiques, antalgiques adaptés au seuil de douleur : paracétamol, morphiniques.
Surveillance rapprochée.
Références
Gillet Y, Lorrot M, Cohen R, Hau I, Grimprel E, Gras-Le Guen C. Antibiothérapie des infections cutanées. Arch Pediatr 2017;24(12S):S30–5
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HAS. Prise en charge des infections cutanées bactériennes courantes. Recommandations de bonnes pratiques. 2019. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-03/fiche_de_s… |