CHAPITRE 50 - Item 224 – Hypertension artérielle

Objectifs pédagogiques

Texte
  • Expliquer l’épidémiologie, les principales causes et l’histoire naturelle de l’hypertension artérielle.
  • Réaliser le bilan initial d’une hypertension artérielle.
  • Reconnaître une urgence hypertensive et une HTA maligne.
  • Connaître la stratégie du traitement médicamenteux de l’HTA (voir item 330).
Texte

Avant de commencer…

La pression artérielle doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l’âge de 3 ans et à chaque consultation quel que soit l’âge chez les enfants à risque (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l’aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la pression artérielle, grande prématurité).

L’hypertension artérielle est définie par une valeur supérieure au 95e percentile des références pour le sexe, la taille et l’âge. La pression artérielle normale est inférieure au 90e percentile.

Avant l’âge de 10 ans, les causes secondaires sont les plus fréquentes ; le bilan doit s’acharner à trouver une étiologie, d’autant plus que les valeurs de pression artérielle sont élevées et que l’enfant est jeune.
Après l’âge de 10 ans, l’HTA essentielle (primaire) prédomine mais il s’agit d’un diagnostic d’élimination.
La Société française d’hypertension artérielle et la Société de néphrologie pédiatrique ont publié des recommandations sur le dépistage et la prise en charge de l’HTA de l’enfant en 2021.

I. Pour bien commencer

A. Définitions

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La pression artérielle (PA) augmente normalement avec l’âge.   
Des abaques en ligne (notamment celles du Baylor College of Medicine) permettent de calculer rapidement le percentile de la PA systolique et de la PA diastolique en fonction du sexe, de l’âge et de la taille. Des courbes simplifiées pour le dépistage ont été proposées dans les nouvelles recommandations françaises de 2021(voir références) et sont reprises dans le tableau 50.1 (don-nées chiffrées à ne pas connaître pour l’ENCi).

La PA normale est inférieure au 90e percentile.   
L’hypertension artérielle (HTA) chez l’enfant est définie par une mesure de PA supérieure au 95e percentile (ou supérieure à 130/80 mmHg chez l’adolescent) pour le sexe, l’âge et la taille de l’enfant.   
Entre le 90e et le 94e percentile (ou entre 120/80 et 130/80 mmHg chez l’adolescent), il s’agit d’une PA élevée persistante.

Afin de fournir une estimation grossière mais pratique pour l’étudiant, le tableau 50.2 présente une formule estimant une référence tensionnelle limite normale (90e percentile) et limite HTA (95e percentile). Un contrôle avec l’un des abaques précités est indispensable en cas de valeur d’alerte et/ou de signes cliniques évocateurs d’HTA.   
 

Tableau 50.1. Tableau pour le dé-pistage de l’HTA, 90e percentile de PA pour l’âge et pour le sexe pour une taille au 5e percentile. 

Âge (années) Pression artérielle (mmHg)
Garçons Filles
PA systolique PA diastolique PA systolique PA diastolique
1 94 49 97 52
2 97 54 98 57
3 100 59 100 61
4 102 62 101 64
5 104 65 103 66
6 105 68 104 68
7 106 70 106 69
8 107 71 108 71
9 109 72 110 72
10 111 73 112 73
11 113 74 114 74
12 115 74 116 75
13 117 75 117 76
14 120 75 119 77
15 122 76 120 78
16 125 78 121 78
17 127 80 122 78

 

 Tableau 50.2. Références tensionnelles (en mmHg).

90e percentile (limite normotension) 0,95 × 95e percentile
95e percentile (limite HTA) PA systolique   100 + 2 × Âge (ans)
PA diastolique 1–10 ans 60 + 2 × Âge (ans)
11–17 ans 70 + 2 × Âge (ans)

 

D’après : Simonetti GD, et al. HTA chez l’enfant et l’adolescent. Rev Med Suisse 2011;7:1041–2.

 

B. Mesure de la pression artérielle chez l’enfant

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La PA doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l’âge de 3 ans et à chaque consultation chez les enfants à risque quel que soit l’âge (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l’aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la PA, grande prématurité).

Le manomètre à mercure et le stéthoscope restent les instruments de référence, bien que le mercure soit progressivement retiré en raison du risque toxique.
La mesure oscillométrique avec des appareils automatiques est la plus largement diffusée, mais le brassard doit être adapté au bras de l’enfant. Les appareils d’automesure peuvent être utilisés s’ils sont adaptés à la taille du poignet ou du bras de l’enfant. Un brassard trop grand sous-estime la PA (et vice versa) ; idéalement la hauteur du brassard sera des deux tiers de la hauteur du bras.
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) est définie comme la mesure intermittente de la PA pendant 24 heures, chez les sujets ambulatoires, dans le cadre de leurs activités habituelles. Cet examen est utile pour évaluer la moyenne tensionnelle sur les 24 heures, y compris la nuit.
Tous les appareils automatiques doivent être validés pour l’usage chez l’enfant, et faire l’objet de révisions et de calibrations régulières.

C. Épidémiologie

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La prévalence de l’HTA chez l’enfant est estimée à 3,5 %.
Contrairement à la population adulte, en pédiatrie, l’HTA est toujours a priori secondaire et doit conduire à la réalisation d’un bilan étiologique, qui doit être d’autant plus exhaustif que l’HTA est de niveau élevé et que l’enfant est jeune

II. Diagnostic d’hypertension artérielle

A. Circonstances diagnostiques et urgences

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Les circonstances diagnostiques sont très variées lorsque la prise de la PA fait partie de l’examen clinique. Les points d’appel cliniques sont peu spécifiques mais doivent alerter le clinicien. Des céphalées d’apparition récente, une nycturie ou une épistaxis récidivante doivent inciter à faire mesurer la PA, sans renoncer aux explorations spécifiques à chaque signe.

L’urgence est en rapport avec le retentissement clinique et la rapidité d’installation des symptômes. Les premiers signes, mineurs (céphalées matinales en « casque » parfois pulsatiles, douleurs abdominales, anorexie, vomissements, crampes, vertiges, bourdonnements d’oreille [acouphènes], impressions de mouches volantes ou brouillard visuel [myodésopsies]) doivent conduire à une prise en charge adaptée afin d’éviter l’apparition de signes plus sévères (amaigrissement rapide, syndrome polyuropolydipsique, cassure de la courbe de croissance staturo-pondérale, syndrome hémorragique [épistaxis], paralysie faciale récidivante), qui justifient une hospitalisation en milieu spécialisé urgente. Sans traitement urgent, des manifestations encore plus graves (encéphalopathie hypertensive, œdème aigu du poumon, insuffisance cardiaque) peuvent entraîner un risque vital.

B. Conduite diagnostique

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Le bilan étiologique dépend avant tout des symptômes cliniques d’orientation éventuels.
La conduite diagnostique repose sur un interrogatoire et un examen clinique soigneux, ainsi que des examens complémentaires simples (ionogramme sanguin, créatinémie, bilan phosphocalcique, bandelette urinaire, échographie rénale) qui seront complétés en milieu spécialisé.

C. Causes (tableau 50.3)

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Avant l’âge de 10 ans, les causes secondaires sont les plus fréquentes ; le bilan doit s’acharner à trouver une étiologie. Après l’âge de 10 ans, l’HTA essentielle (primaire) prédomine mais il s’agit d’un diagnostic d’élimination.

Dans 80 % des cas, une cause secondaire est identifiée.  
Les causes chez l’enfant peuvent être classées de la façon suivante : rénales (les plus fréquentes), vasculaires, endocriniennes, toxiques et médicamenteuses, neurologiques, métaboliques.

Les causes rénales sont les plus fréquentes. Les anomalies rénales parenchymateuses sont responsables de 80 % des causes, les anomalies vasculaires rénales d’environ 10 %. Les maladies glomérulaires, la maladie rénale chronique à un stade avancé et les reins dysplasiques ou cicatriciels liés aux uropathies malformatives, ou CAKUT (Congenital Anomalies of the Kidney and the Urinary Tract), ou à des pyélonéphrites peuvent s’accompagner d’une HTA.  
Les causes rénovasculaires sont dominées par la dysplasie fibromusculaire (70 % d’entre elles). Un bilan d’extension de cette maladie doit être effectué pour rechercher des sténoses d’autres artères (troncs supra-aortiques, artères mésentériques) associées à d’autres pathologies générales (par exemple, phacomatose).  
La coarctation de l’aorte est le plus souvent découverte chez le nouveau-né après la fermeture du canal artériel ; cependant, des formes moins sévères peuvent être découvertes chez l’enfant et même chez l’adolescent. La recherche des pouls fémoraux doit être systématique lors de l’examen clinique d’un jeune nourrisson.  
Les causes endocriniennes sont beaucoup moins fréquentes, estimées entre 0,5 et 6 % des causes d’HTA. Il s’agit des pathologies entraînant un excès de catécholamines, de minéralocorticoïdes, de cortisol, d’hormones thyroïdiennes, des tumeurs à rénine, et des HTA dites monogéniques.  
Les intoxications au mercure, plomb, cadmium et phtalates peuvent être responsables d’HTA, tout comme certains médicaments.  
Concernant les causes métaboliques, la prévalence de l’HTA est un peu plus fréquente en cas d’obésité, mais bien moins que chez l’adulte. Ainsi, devant la découverte d’une HTA chez un enfant obèse, il est nécessaire d’éliminer les autres causes avant de l’attribuer à la surcharge pondérale.

L’HTA essentielle (primaire) reste un diagnostic d’élimination.  
 

 

 Tableau 50.3.  Principales étiologies secondaires de l’HTA chez l’enfant. 

Causes rénales parenchymateuses HTA aiguë ou transitoire
  • Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse
  • Nécrose tubulaire aiguë
  • Syndrome hémolytique et urémique
  • Microangiopathie thrombotique
HTA chronique
  • Maladie rénale chronique : IRC, IRT, transplantation
  • Polykystose rénale dominante/récessive
  • Glomérulopathies chroniques acquises ou héréditaires
  • Vascularite des petits vaisseaux : purpura rhumatoïde
  • CAKUT
Causes rénovasculaires Atteinte de la paroi
  • Dysplasie fibromusculaire
  • Neurofibromatose de type 1
  • Syndrome d’Alagille
  • Syndrome de Williams-Beuren
  • Syndrome médio-aortique
  • Vascularite des gros vaisseaux : maladie de Kawasaki
Atteinte extrinsèque
  • Neuroblastome
  • Tumeur de Wilms
  • Autres tumeurs
Atteinte de la lumière
  • Thrombose rénale artérielle ou veineuse
  • Invasion tumorale
Autres
  • Cathéter ombilical en période néonatale
  • Traumatisme
  • Transplantation rénale : sténose de l’anastomose artérielle
Coarctation de l’aorte  
Causes endocriniennes Excès de cortisol : syndrome de Cushing
Excès de minéralocorticoïdes : hyperplasie congénitale des surrénales
Excès de cathécholamines
Excès d’hormones thyroïdiennes : hyperthyroïdie
Tumeur à rénine
Causes toxiques et médicamenteuses
  • Médicaments : glucocorticoïdes, anticalcineurines, vasoconstricteurs nasaux
  • Surcharge volémique Mercure et métaux lourds, plomb
  • Drogues : amphétamines, cocaïne
  • Réglisse
Causes neurologiques
  • Traumatisme crânien
  • Hypertension intracrânienne
  • Douleur Convulsions
Causes orthopédiques
  • Traction
  • Fracture des os longs, fracture du bassin
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil  
Causes métaboliques
  • Obésité
  • Hypercalcémie
  • Porphyrie

 

CAKUT : Congenital Anomalies of the Kidney and the Urinary Tract ; IRC : insuffisance rénale chronique ; IRT : insuffisance rénale terminale.

 

III. Principes de prise en charge thérapeutique

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La mesure régulière de la PA chez l’enfant permet de repérer les enfants hypertendus chez qui une démarche rigoureuse clinique et paraclinique permet d’aboutir à un diagnostic étiologique.
La découverte de la cause permet d’adapter au mieux le traitement, certaines étiologies requérant un traitement très spécifique. La normalisation des chiffres de PA dans l’enfance a pour but de préserver l’état cardiovasculaire futur.

Sur le plan thérapeutique, les traitements intraveineux sont réservés aux HTA menaçantes et non contrôlées (anticalciques ou bêtabloquants). Les traitements oraux (anticalciques, bêtabloquants, IEC) visent à normaliser la pression artérielle qui doit être contrôlée par des mesures ambulatoires continues (MAPA).
Lorsqu’il est possible, le traitement de la cause doit toujours être privilégié au traitement médicamenteux. La maîtrise des apports sodés doit être réalisée préalablement à toute prescription médicamenteuse.

L’HTA chronique est responsable de lésions cardiaques, cérébrales, vasculaires et ophtalmiques. Il s’agit d’un tueur silencieux. Les anomalies cardiovasculaires s’installent dès l’enfance et sont associées à une morbi-mortalité à l’âge adulte. Non contrôlée, l’HTA est un facteur de progression de la MRC.

Références

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Bouhanick B, Sosner P, Brochard K, et al. Hypertension in Children and Adolescents: A Position Statement From a Panel of Multidisciplinary Experts Coordinated by the French Society of Hypertension. Front Pediatr 2021;9:680803. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fped.2021.680803/full
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Boyer O. HTA de découverte fortuite. Pas à pas en pédiatrie. Arbres décisionnels commentés des Sociétés de pédiatrie. 2010. https://pap-pediatrie.fr/files/boyer-2010.pdf