Hypertension artérielle

Texte

 

ITEM 224 Hypertension artérielle de l'enfant

  • Expliquer l'épidémiologie, les principales causes et l'histoire naturelle de l'hypertension artérielle.
  • Réaliser le bilan initial d'une hypertension artérielle.
  • Reconnaître une urgence hypertensive et une HTA maligne.
  • Connaître la stratégie du traitement médicamenteux de l'HTA (voir item 330).

 

Avant de commencer…

La pression artérielle doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l'âge de 3 ans et à chaque consultation quel que soit l'âge chez les enfants à risque (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l'aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la pression artérielle).

L'hypertension artérielle est définie par une valeur supérieure au 95e percentile des références pour le sexe, la taille et l'âge. La pression artérielle normale est inférieure au 90e percentile.

Avant l'âge de 10 ans, les causes secondaires sont les plus fréquentes ; le bilan doit s'acharner à trouver une étiologie, d'autant plus que les valeurs de pression artérielle sont élevées et que l'enfant est jeune.
Après l'âge de 10 ans, l'HTA essentielle (primaire) prédomine mais il s'agit d'un diagnostic d'élimination.

 

I. Pour bien commencer

A. Définitions

La pression artérielle (PA) augmente normalement avec l'âge.
Des abaques en ligne (notamment celles du Baylor College of Medicine) permettent de calculer rapidement le percentile de la PA systolique et de la PA diastolique en fonction du sexe, de l'âge et de la taille. Des courbes françaises selon le sexe et la taille sont également disponibles (voir références).

La PA normale est inférieure au 90e percentile.

L'hypertension artérielle (HTA) chez l'enfant est définie par une mesure de PA supérieure au 95e percentile (ou supérieure à 130/80 mm Hg chez l'adolescent) pour le sexe, l'âge et la taille de l'enfant.
Entre le 90e et le 94e percentile (ou entre 120/80 et 130/80 mm Hg chez l'adolescent), il s'agit d'une PA élevée persistante.

Afin de fournir une estimation grossière mais pratique pour l'étudiant, le tableau 50.1 présente une formule estimant une référence tensionnelle limite normale (90e percentile) et limite HTA (95e percentile). Un contrôle avec l'un des abaques précités est indispensable en cas de valeur d'alerte et/ou de signes cliniques évocateurs d'HTA.

Tableau 50.1. Références tensionnelles (en mmHg).
90e percentile (limite normotension) 0,95 × 95e percentile
95e percentile (limite HTA)

 

PA systolique

 

100 + 2 × Âge (ans)
PA diastolique

 

1–10 ans 60 + 2 × Âge (ans)
11–17 ans 70 + 2 × Âge (ans)

(D'après : Simonetti D.D., et al. HTA chez l'enfant et l'adolescent. Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1041–2.)

 

B. Mesure de la pression artérielle chez l'enfant

La PA doit être mesurée annuellement chez tout enfant à partir de l'âge de 3 ans et à chaque consultation chez les enfants à risque quel que soit l'âge (maladie rénale chronique, antécédent de coarctation de l'aorte, diabète, obésité, prise de traitement augmentant la PA).

Le manomètre à mercure et le stéthoscope restent les instruments de référence, bien que le mercure soit progressivement retiré en raison du risque toxique.
La mesure oscillométrique avec des appareils automatiques est la plus largement diffusée, mais le brassard doit être adapté au bras de l'enfant. Les appareils d'automesure peuvent être utilisés s'ils sont adaptés à la taille du poignet ou du bras de l'enfant.
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) est définie comme la mesure intermittente de la PA pendant 24 heures, chez les sujets ambulatoires, dans le cadre de leurs activités habituelles. Cet examen est utile pour évaluer la moyenne tensionnelle sur les 24 heures, y compris la nuit.
Tous les appareils automatiques doivent être validés pour l'usage chez l'enfant et faire l'objet de révisions et de calibrations régulières.

 

C. Épidémiologie

La prévalence de l'HTA chez l'enfant est estimée à 3,5 %.
Contrairement à la population adulte, en pédiatrie, l'HTA est toujours a priori secondaire et doit conduire à la réalisation d'un bilan étiologique, qui doit être d'autant plus exhaustif que l'HTA est de niveau élevé et que l'enfant est jeune.

 

II. Diagnostic d'HTA

A. Circonstances diagnostiques et urgences

Les circonstances diagnostiques sont très variées lorsque la prise de la PA fait partie de l'examen clinique. Les points d'appel cliniques sont peu spécifiques mais doivent alerter le clinicien. Des céphalées d'apparition récente, une nycturie ou une épistaxis récidivante doivent inciter à faire mesurer la PA, sans renoncer aux explorations spécifiques à chaque signe.

L'urgence est en rapport avec le retentissement clinique et la rapidité d'installation des symptômes. Les premiers signes, mineurs (céphalées matinales en « casque » parfois pulsatiles, douleurs abdominales, anorexie, vomissements, crampes, vertiges, bourdonnements d'oreille [acouphènes], impressions de mouches volantes ou brouillard visuel [myodésopsies]) doivent conduire à une prise en charge adaptée afin d'éviter l'apparition de signes plus sévères (amaigrissement rapide, syndrome polyuropolydipsique, cassure de la courbe de croissance staturo-pondérale, syndrome hémorragique [épistaxis], paralysie faciale récidivante), qui justifient une hospitalisation en milieu spécialisé urgente. Sans traitement urgent, des manifestations encore plus graves (encéphalopathie hypertensive, œdème aigu du poumon, insuffisance cardiaque) peuvent entraîner un risque vital.

 

B. Conduite diagnostique

Le bilan étiologique dépend avant tout des symptômes cliniques d'orientation éventuels.
La conduite diagnostique repose sur un interrogatoire et un examen clinique soigneux, ainsi que des examens complémentaires simples (ionogramme sanguin, créatinémie, bilan phosphocalcique, bandelette urinaire, échographie rénale) qui seront complétés en milieu spécialisé.

 

C. Causes (tableau 50.2)


Avant l'âge de 10 ans, les causes secondaires sont les plus fréquentes (tableau 50.2) ; le bilan doit s'acharner à trouver une étiologie. Après l'âge de 10 ans, l'HTA essentielle (primaire) prédomine mais il s'agit d'un diagnostic d'élimination.

Dans 80 % des cas, une cause secondaire est identifiée.
Les causes chez l'enfant peuvent être classées de la façon suivante : rénales (les plus fréquentes), vasculaires, endocriniennes, toxiques et médicamenteuses, neurologiques, métaboliques.

Les causes rénales sont les plus fréquentes. Les anomalies rénales sont responsables de 80 % des causes, les anomalies vasculaires rénales d'environ 10 %. Les maladies glomérulaires, la maladie rénale chronique à un stade avancé et les reins dysplasiques ou cicatriciels liés aux uropathies malformatives ou CAKUT (Congenital Anomalies of the Kidney and the Urinary Tract), ou à des pyélonéphrites peuvent s'accompagner d'une HTA.
Les causes rénovasculaires sont dominées par la dysplasie fibromusculaire (70 % d'entre elles). Un bilan d'extension de cette maladie doit être effectué pour rechercher des sténoses d'autres artères (troncs supra-aortiques, artères mésentériques) associées à d'autres pathologies générales (par exemple, phacomatose).
La coarctation de l'aorte est le plus souvent découverte chez le nouveau-né après la fermeture du canal artériel ; cependant, des formes moins sévères peuvent être découvertes chez l'enfant et même chez l'adolescent.
Les causes endocriniennes sont beaucoup moins fréquentes, estimées entre 0,5 et 6 % des causes d'HTA. Il s'agit des pathologies entraînant un excès de catécholamines, de minéralocorticoïdes, de cortisol, d'hormones thyroïdiennes, des tumeurs à rénine, et des HTA dites monogéniques.
Les intoxications au mercure, plomb, cadmium et phtalates peuvent être responsables d'HTA, tout comme certains médicaments.
Concernant les causes métaboliques, la prévalence de l'HTA est un peu plus fréquente en cas d'obésité, mais bien moins que chez l'adulte. Ainsi, devant la découverte d'une HTA chez un enfant obèse, il est nécessaire d'éliminer les autres causes avant de l'attribuer à la surcharge pondérale.

L'HTA essentielle (primaire) reste un diagnostic d'élimination.

Tableau 50.2. Principales étiologies secondaires de l'HTA chez l'enfant.
étiologies

CAKUT : Congenital Anomalies of the Kidney and the Urinary Tract; IRC : insuffisance rénale chronique; IRT : insuffisance rénale terminale.

 

III. Principes de prise en charge thérapeutique

La mesure régulière de la PA chez l'enfant permet de repérer les enfants hypertendus chez qui une démarche rigoureuse clinique et paraclinique permet d'aboutir à un diagnostic étiologique. La découverte de la cause permet d'adapter au mieux le traitement, certaines étiologies requérant un traitement très spécifique. La normalisation des chiffres de PA dans l'enfance a pour but de préserver l'état cardiovasculaire futur.

Sur le plan thérapeutique, les traitements intraveineux sont réservés aux HTA menaçantes et non contrôlées (anticalciques ou bêtabloquants). Les traitements oraux (anticalciques, bêtabloquants, IEC) visent à normaliser la pression artérielle qui doit être contrôlée par des mesures ambulatoires continues (MAPA).
Lorsqu'il est possible, le traitement de la cause doit toujours être privilégié au traitement médicamenteux. La maîtrise des apports sodés doit être réalisée préalablement à toute prescription médicamenteuse.

L'HTA chronique est responsable de lésions cardiaques, cérébrales, vasculaires et ophtalmiques. Il s'agit d'un « tueur » silencieux. Les anomalies cardiovasculaires s'installent dès l'enfance et sont associées à une morbi-mortalité à l'âge adulte. Non contrôlée, l'HTA est un facteur de progression de la MRC.

 

Références

Flynn J.T., Falkner B.E. New clinical practice guideline for the management of high blood pressure in children and adolescents. Hypertension, 2017;70(4):683–6. André J.-L. HTA chez l'enfant et l'adolescent. EMC - ¬Cardiologie 2005;1–10 [Article 11-940-I-40].