Souffle cardiaque

Texte

 

ITEM 238 Souffle cardiaque chez l'enfant

  • Connaître les principales hypothèses diagnostiques et les examens complémentaires pertinents.

 

Avant de commencer…

La découverte d'un souffle cardiaque est une situation très fréquente chez l'enfant.
Ce souffle est le plus souvent « fonctionnel » (synonymes : « innocent », « bénin » ou « anorganique ») et résulte de turbulences liées à l'écoulement normal du sang à travers le cœur et les vaisseaux.
Néanmoins, ce souffle est parfois créé par une anomalie morphologique cardiaque le plus souvent congénitale.

L'examen clinique, au premier rang duquel l'auscultation cardiaque, permet le diagnostic de souffle et précise ses caractéristiques.
Au moindre doute sur son origine, une échocardiographie par un médecin cardiologue expérimenté permet de porter le plus souvent un diagnostic précis.

 

I. Pour bien comprendre

A. Généralités

1. Nouveau-né et nourrisson

La naissance est marquée par une adaptation cardiocirculatoire transitionnelle :

  • suppression brutale de la circulation placentaire ;
  • début d'une ventilation pulmonaire avec déplissement alvéolaire et résorption du liquide alvéolaire ;
  • accroissement du débit artériel pulmonaire lié à la diminution des résistances artériolaires pulmonaires, secondaire à la ventilation pulmonaire ;
  • fermeture progressive des shunts conditionnant l'oxygénation fœtale : canal artériel, foramen ovale inter-atrial.

La recherche d'un souffle cardiaque en période néonatale et chez le nourrisson doit être systématique et répétée. Chez le nouveau-né, il peut être banal de percevoir un souffle fonctionnel lié à des turbulences circulatoires pendant l'éjection systolique, rendant compte de la morphologie de l'arbre artériel pulmonaire à cet âge.
Cependant, les souffles en période néonatale sont le plus souvent organiques.
Les résistances pulmonaires étant encore élevées durant les premiers jours de vie, les communications anormales (shunts) ne s'expriment souvent qu'après un délai de quelques jours de vie, surtout si elles sont volumineuses.

 

2. Grand enfant

La découverte d'un souffle est plus fréquente que chez l'adulte :

  • vitesse du sang dans les gros vaisseaux plus élevée ;
  • diamètre de l'aorte plus réduit ; 
  • paroi thoracique peu épaisse (stéthoscope très proche des structures cardiovasculaires).

Les souffles fonctionnels (anorganiques) sont les plus fréquents à cette période.

 

B. Cardiopathies congénitales

1. Généralités

Les cardiopathies congénitales sont fréquentes, avec une prévalence de 0,8 % des naissances vivantes.
La plupart de ces malformations cardiaques s'expriment par un souffle cardiaque organique découvert le plus souvent au cours du 1er mois de vie ; 95 % d'entre elles sont diagnostiquées avant l'âge de 4 ans. Toutefois, l'absence de souffle ne suffit pas à écarter le diagnostic.
Les malformations cardiaques congénitales les plus fréquentes sont présentées dans le tableau 64.1 et la figure 64.1.

Tableau 64.1. Principales malformations cardiaques congénitales.
Shunts gauche-droit
  • Communication interventriculaire (CIV)
  • Communication inter-atriale (CIA)
  • Persistance du canal artériel (PCA)
  • Canal atrioventriculaire (CAVC)
Obstacles du cœur droit
  • Tétralogie de Fallot (T4F)
  • Sténose valvulaire pulmonaire (SVP)
Obstacles du cœur gauche
  • Coarctation aortique (CoA)
  • Rétrécissement aortique congénital (Rao)
Malconnexions
  • Transposition des gros vaisseaux (TGV)

 

2. Points clés sur les principales cardiopathies congénitales

Communication interventriculaire (CIV)
  • Physiopathologie : shunt VG vers VD qui dépend du rapport de résistances pulmonaires et systémiques, créant une surcharge des poumons et des cavités gauches.
  • Auscultation : souffle holosystolique, maximal en parasternal gauche et irradiant en « rayons de roue » (d'intensité décroissante plus on s'éloigne du sternum) ; il est plus intense si la CIV est petite.
  • Symptomatologie :
    • CIV large : signes d'hyperdébit pulmonaire apparaissant quelques jours ou semaines après la baisse des résistances pulmonaires : sueurs et difficultés aux tétées ou aux biberons, stagnation ou cassure staturo-pondérale, polypnée, tachycardie, hépatomégalie ;
    • CIV petite et moyenne : enfant peu ou asymptomatique.
  • Radiographie pulmonaire : cardiomégalie avec vascularisation pulmonaire accentuée en cas de CIV large.
cardiopathies
Fig. 64.1. Principales cardiopathies congénitales.

OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche. (Source : Dr Caroline Ovaert.)

Communication inter-atriale (CIA)
  • Physiopathologie : shunt OG vers OD, créant une surcharge des cavités droites et des poumons.
  • Auscultation : souffle systolique doux au foyer pulmonaire, peu intense, secondaire à l'hyperdébit pulmonaire avec dédoublement fixe et constant du B2.
  • Symptomatologie : enfant le plus souvent a- ou peu symptomatique : dyspnée d'effort, infections respiratoires récidivantes, parfois retard pondéral.
  • Radiographie pulmonaire : cardiomégalie modérée et vascularisation pulmonaire accentuée en cas de CIA à shunt gauche-droite significatif.
Persistance du canal artériel (PCA)
  • Physiopathologie : shunt aorte (Ao) vers artère pulmonaire (AP) avec surcharge des poumons et des cavités gauches en cas de shunt important.
  • Auscultation : souffle continu sous-claviculaire gauche , d'autant plus intense que le shunt est important.
  • Palpation : pouls fémoraux et huméraux amples, par vol systémique diastolique par le canal artériel.
  • Symptomatologie :
    • CA large : signes de surcharge pulmonaire avec dyspnée, difficultés alimentaires, retard pondéral, infections respiratoires récidivantes ;
    • CA de petite taille : enfant asymptomatique.
  • Radiographie pulmonaire : cardiomégalie et vascularisation pulmonaire accentuée en cas de shunt gauche-droite significatif.
Tétralogie de Fallot (T4F)

C'est la cardiopathie cyanogène la plus fréquente. Elle associe quatre éléments : dextroposition de l'aorte ; CIV (aorte à cheval sur la CIV) ; sténose infundibulaire pulmonaire (± associée à une sténose valvulaire pulmonaire) ; hypertrophie ventriculaire droite.

  • Physiopathologie : la sténose valvulaire pulmonaire avec CIV favorise le passage droit-gauche du sang désoxygéné à travers la CIV, d'autant plus marqué que la sténose pulmonaire est serrée.
  • Auscultation : souffle systolique intense au foyer pulmonaire (sténose pulmonaire).
  • Symptomatologie : selon l'importance de la sténose pulmonaire :
    • T4F rose : la sténose pulmonaire est peu serrée ; l'enfant est asymptomatique et est normalement (ou quasi normalement) saturé ;
    • T4F bleue : la sténose pulmonaire est serrée ; il y a cyanose réfractaire ; – la complication aiguë de la T4F est le malaise de Fallot : il survient lors d'une tachycardie engendrée par des pleurs, un effort… : l'obstacle sous-valvulaire pulmonaire se majore et augmente le shunt droite-gauche par la CIV, avec cyanose majeure ; c'est une urgence médicale voire chirurgicale.
  • Radiographie pulmonaire : cœur de taille normale, en « sabot » (arc moyen creux et pointe relevée) ; la vascularisation pulmonaire sera pauvre en cas de forme bleue.
Sténose valvulaire pulmonaire (SVP)
  • Physiopathologie : obstacle à l'éjection du VD d'où augmentation de la pression du VD et hypertrophie du VD. Dans les formes néonatales très sévères, l'obstacle à l'éjection engendre un shunt droite-gauche au niveau du foramen ovale avec cyanose (sténose « critique »).
  • Auscultation : souffle systolique au foyer pulmonaire ; le souffle est d'autant plus intense que la sténose est serrée.
  • Symptomatologie :
    • sténose modérée : enfant asymptomatique ;
    • sténose sévère hors contexte néonatal : dyspnée à l'effort pouvant évoluer vers l'insuffisance cardiaque droite, syncope ;
    • sténose critique du nouveau-né : cyanose réfractaire se majorant à la fermeture du canal artériel.
  • Radiographie pulmonaire : cœur de taille normale, arc moyen convexe (dilatation post-sténotique du tronc de l'artère pulmonaire).
Coarctation de l'aorte (CoA) 
  • Physiopathologie : l'obstacle de l'aorte au passage du sang engendre une hypertension artérielle en amont, elle-même engendrant une hypertrophie ventriculaire gauche. Chez le nouveau-né avec CoA sévère, la fermeture du canal artériel engendre un obstacle serré avec réduction critique de la perfusion de l'hémicorps inférieur évoluant vers le choc cardiogénique.
  • Auscultation : souffle typiquement systolique, perçu dans le dos, parfois en sous-claviculaire gauche et dans l’aisselle gauche.
  • Palpation : pouls fémoraux diminués. Existence d'un entre les membres supérieurs (plus élevée) et les membres inférieurs.
  • Symptomatologie :
    • enfant ou adulte : HTA, éventuellement dyspnée ou crampes dans les membres inférieurs lors des efforts ;
    • nouveau-né : choc cardiogénique lors de la fermeture du canal artériel.
Rétrécissement aortique congénital (Rao)
  • Physiopathologie : obstacle à l'éjection du VG, engendrant une hypertrophie du VG.
  • Auscultation : souffle cardiaque systolique au foyer aortique, proportionnel au degré de sténose.
  • Palpation : pouls faiblement perçus (pincés) en cas de sténose serrée.
  • Symptomatologie :
    • enfant ou adulte avec Rao sévère : dyspnée ou douleur thoracique à l'effort ;
    • nouveau-né avec Rao sévère : choc cardiogénique lors de la fermeture du canal artériel.
Transposition des gros vaisseaux (TGV)
  • Physiopathologie : l'aorte naît du VD et l'artère pulmonaire naît du VG. Les deux circulations sont donc en parallèle et la survie n'est possible que s'il existe des communications entre les deux circuits, via le foramen ovale perméable et le canal artériel.
  • Auscultation : cyanose réfractaire isolée à la naissance, sans souffle cardiaque.
  • Radiographie pulmonaire : pas de cardiomégalie, vascularisation pulmonaire normale ou augmentée.
Les cardiopathies congénitales sont nombreuses et les tableaux cliniques variés.
La sévérité et la tolérance clinique peuvent varier d'un enfant à l'autre et évoluer dans le temps.
La compréhension des principes physiopathologiques de base permet de mieux repérer les symptômes.

 

II. Sémiologie cardiovasculaire chez l'enfant

A. Interrogatoire des parents

Marqueurs de risque de cardiopathie congénitale :

  • antécédents familiaux de cardiopathies congénitales : incidence d'une cardiopathie congénitale plus élevée lorsqu'un parent au premier degré est atteint ;
  • antécédents familiaux de mort subite ;
  • déroulement de la grossesse : médicaments ou toxiques, alcool, diabète, infections maternelles durant la grossesse comme la rubéole, fécondation in vitro.

Évaluation de la limitation fonctionnelle et du retentissement :

  • nourrisson : évaluation des prises alimentaires et des difficultés (par exemple, tétées ou prises de biberon longues, laborieuses, fréquentes, sudation pendant ou en dehors, endormissement après prise peu importante) ;
  • enfant : asthénie aux jeux et à l'école (par exemple, enfant décrit comme anormalement sage ou fatigable).
  • à tout âge : retard de croissance (courbes, voir chapitre 1).

La douleur ou gêne thoracique est un symptôme fréquemment décrit par les enfants mais l'étiologie cardiovasculaire est très rare (< 1 %). De même, environ 15 % des enfants font au moins une syncope, le plus souvent d'origine vaso-vagale.
La survenue de ces symptômes à l'effort doit alerter !

Douleurs, syncopes ou palpitations à l'effort font évoquer :

  • obstacles sur la voie gauche (sténose valvulaire aortique, sous- ou supravalvulaire aortique, cardiomyopathie hypertrophique obstructive) ;
  • anomalies coronaires (anomalie d'implantation ou de trajet, anévrysme coronaire séquellaire d'une maladie de Kawasaki) ;
  • troubles du rythme héréditaire (syndrome du QT long, syndrome du QT court, tachycardie ventriculaire catécholergique, syndrome de Brugada…).

Attention au risque associé de mort subite de l'enfant.

 

B. Examen physique

1. Inspection

L'examen commence par l'observation de l'enfant à la recherche d'anomalies morphologiques, de difficultés de la respiration et d'anomalies de la coloration.

Dysmorphie :

  • recherche de dysmorphie faciale, anomalie des extrémités et/ou anomalie des organes génitaux externes pouvant orienter vers un syndrome génétique ;
  • syndromes le plus fréquemment associés aux cardiopathies congénitales :
    • trisomie 21 (voir chapitre 12) : cardiopathies congénitales dans 1 cas sur 2, dont 50 % de canal atrioventriculaire ;
    • syndrome de Turner (voir chapitre 1) : risque accru de coarctation de l'aorte ;
    • syndrome de Di George (microdélétion 22q11) : cardiopathies congénitales très fréquentes, en particulier la tétralogie de Fallot ;
    • syndrome de Marfan (mutation génétique d'un gène de l'élastine) : maladie du tissu élastique avec risque de dilatation, anévrisme et rupture de l'aorte ascendante, insuffisance valvulaire aortique ou mitrale.

Respiration :

  • observation de la dynamique respiratoire, recherche de polypnée superficielle, tirage intercostal, balancement thoraco-abdominal ;
  • observation de la forme du thorax : un thorax bombant en « tonneau » est un élément d'orientation vers une cardiopathie avec dilatation ventriculaire.

Cyanose :

  • l'aspect bleuté des téguments et des muqueuses oriente vers la cyanose. Elle est confirmée par l'oxymétrie de pouls (saturation normale > 96 %) ;
  • lorsque la cyanose est prolongée, elle peut s'accompagner d'autres signes chez l'enfant comme l'hippocratisme digital ;
  • causes :
    • cardiopathies congénitales : par shunt droite-gauche (par exemple, T4F) ou par malconnexion (par exemple, TGV) → l'hypoxie ne répond pas à l'oxygénothérapie : on parle d'hypoxie réfractaire ;
    • maladies respiratoires : elle est liée à un défaut de l'hématose pulmonaire → l'hypoxie répond à l'oxygénothérapie.

 

2. Auscultation

Une bonne auscultation d'un nourrisson ou petit enfant nécessite de bonnes conditions d'examen, un enfant calme et rassuré par la présence des parents, une membrane de stéthoscope de diamètre adapté à la taille de l'enfant.
L'examen débute par la palpation du thorax avec la paume de la main pour localiser la pointe du cœur et rechercher un éventuel frémissement.

Analyse des bruits et recherche de souffle :

  • identification des bruits cardiaques :
    • le B1 correspond à la fermeture des valves tricuspide et mitrale ;
    • le B2 correspond à la fermeture des valves aortique et pulmonaire ;
    • des bruits surajoutés B3 et B4 signent un galop et sont audibles dans une myocardiopathie dilatée hypokinétique ;
  • caractérisation d'un souffle : voir encadré 64.1.

 

Encadré 64.1

Caractéristiques d'un souffle à l'auscultation
  • Timing au sein du cycle cardiaque :
    • systolique ou/et diastolique ; continu (systolo-diastolique) ;
    • au début, au milieu ou à la fin de la période (proto-, méso-, télé- respectivement).
  • Localisation : le foyer où le souffle est le mieux perçu.
  • Timbre : aigu, grave, doux, râpeux, aspiratif, humide, sec, rude…
  • Intensité, cotée de 1 à 6 :
    • 1 : souffle difficilement audible ; 
    • 2 : souffle léger mais entendu immédiatement ;
    • 3 : souffle très distinct sur une faible surface ;
    • 4 : souffle très distinct sur une large surface ;
    • 5 : souffle frémissant ;
    • 6 : souffle entendu avec le stéthoscope décollé de la poitrine.
  • Irradiation : espace de diffusion où le souffle est étendu.
  • Signes associés : clicks valvulaires, dédoublement constant du B2.

 

Particularités auscultatoires chez l'enfant :

  • six foyers : foyer pulmonaire, foyer aortique, foyer tricuspidien (xiphoïde), foyer mitral (apex), foyer sous-claviculaire gauche, foyer interscapulaire gauche (dos) ;
  • bruits bien frappés ;
  • arythmie respiratoire fréquente, surtout chez le grand enfant ;
  • dédoublement uniquement inspiratoire et variable du B2 fréquemment audible ; un dédoublement fixe du B2 est anormal et doit faire suspecter une CIA.

 

3. Autres points de l'examen physique

Palpation des pouls

La palpation des pouls fémoraux et axillaires est systématique.
Les caractéristiques à rechercher sont : fréquence, régularité, intensité.
Particularités et anomalies des pouls chez l'enfant :

  • la palpation des pouls peut être difficile chez le nourrisson ;
  • en cas de suspicion d'anomalie, l'examen doit être complété par une prise de pression artérielle aux quatre membres avec un brassard de taille adaptée.

Principales causes d'anomalies d'intensité des pouls :

  • pouls mal perçus aux quatre membres : insuffisance circulatoire, sténose aortique sévère ;
  • pouls des membres supérieurs mieux perçus que les pouls fémoraux : coarctation de l'aorte ;
  • pouls bondissants : large canal artériel persistant, insuffisance aortique sévère.
Pression artérielle

La pression artérielle augmente normalement avec l'âge. Les mesures doivent être comparées aux normes pour l'âge, la taille et le sexe (voir chapitre 50).
La prise de pression artérielle doit être faite avec un brassard de taille adaptée.

Anomalies de la pression artérielle chez l'enfant :

  • un gradient tensionnel > 20 mm Hg entre le membre supérieur (plus élevé) et le membre inférieur (moins élevé) est très évocateur d'une coarctation de l'aorte ;
  • une HTA chez l'enfant doit toujours faire rechercher une cause secondaire ; elle est le plus souvent d'origine néphrologique ou endocrinologique mais doit faire rechercher une coarctation de l'aorte.
Signes congestifs

Particularités chez le nourrisson :

  • la présence d'un débord hépatique pouvant atteindre 1 à 2 cm est habituelle et normale à cet âge ;
  • l'hépatomégalie doit être recherchée car marqueur constant d'insuffisance cardiaque par hyperdébit pulmonaire ou d'insuffisance cardiaque droite ;
  • la turgescence jugulaire et le reflux hépatojugulaire sont moins marqués que chez l'adulte ;
  • les œdèmes des membres inférieurs sont rares ;
  • les signes d'intolérance respiratoire avec crépitants à l'auscultation se retrouvent en cas de tableaux d'hypervascularisation pulmonaire (shunts gauche-droite larges) ou en cas de pathologies du cœur gauche avec augmentation des pressions de remplissage.
L'interrogatoire et l'examen clinique en période néonatale et chez le nourrisson permettent le diagnostic de la majorité des cardiopathies congénitales. Le souffle est un élément clé du diagnostic mais peut être absent même dans des cardiopathies graves (par exemple, TGV). La recherche d'autres signes comme la cyanose, les difficultés alimentaires, une symptomatologie à l'effort est indispensable à tout âge.

 

III. Distinguer un souffle organique d'un souffle fonctionnel

A. Le souffle fonctionnel (ou innocent)

Un souffle fonctionnel est un souffle produit par l'écoulement normal du sang à travers le cœur et les vaisseaux. Une variation de débit, par exemple en cas de fièvre ou anémie, augmente l'intensité du souffle.
Les caractéristiques du souffle fonctionnel sont résumées dans le tableau 64.2.

Tableau 64.2. Caractéristiques du souffle fonctionnel.
Symptomatologie Pas de symptomatologie fonctionnelle
Temps Bref, mésosystolique
Intensité Faible (< 3/6), non frémissant
Variabilité ↓ si orthostatisme ou repos  ↑ si fièvre, effort ou anémie
Localisation maximale Endapexien, foyer pulmonaire
Irradiations Pas ou peu d'irradiation
Anomalies auscultatoires associées B1 et B2 normaux, diastole libre
Reste de l'examen cardiovasculaire Normal (pouls, PA, circulation périphérique)

 

Caractéristiques stétho-acoustiques excluant le diagnostic de souffle fonctionnel = « drapeaux rouges » :

  • souffle holosystolique → CIV, insuffisance mitrale ;
  • souffle frémissant avec tonalité râpeuse → obstacle valvulaire, aortique ou pulmonaire ;
  • présence d'un dédoublement fixe et constant du B2 → CIA ;
  • souffle d'intensité maximale au bord gauche du thorax → coarctation ;
  • présence d'un click systolique → obstacle valvulaire ;
  • souffle diastolique → jamais fonctionnel.

 

B. Points clés sur les souffles organiques

Le tableau 64.3 reprend les principales caractérisées cliniques et stétho-acoustiques des malformations cardiaques congénitales les plus fréquentes.

 

C. Quand demander une expertise cardiopédiatrique ?

Avant l'âge de 1 an, la découverte d'un souffle cardiaque même isolé doit faire demander un avis cardiopédiatrique avec une échographie cardiaque.
Après l'âge de 1 an, un souffle isolé est le plus souvent fonctionnel.
La figure 64.2 synthétise l'attitude à avoir face à un souffle cardiaque.

Tableau 64.3. Type de souffle cardiaque et signes fonctionnels des cinq cardiopathies congénitales les plus fréquentes.
tab643

CIV : communication interventriculaire ; CIA : communication inter-atriale ; PCA : persistance du canal artériel ; T4F : tétralogie de Fallot ; SVP : sténose valvulaire pulmonaire ; HTP : hypertension pulmonaire

 

conduite à tenir
Fig. 64.2. Conduite à tenir à la découverte d'un souffle cardiaque chez l'enfant.

 

D. Examens complémentaires et avis spécialisé

L'avis cardiopédiatrique avec échocardiographie transthoracique est la démarche diagnostique de choix lorsqu'une cardiopathie congénitale est suspectée.
Un bilan biologique (troponine, BNP) n'a pas d'intérêt dans l'évaluation initiale d'un souffle du nourrisson ou de l'enfant. Il pourra être utile dans l'évaluation d'une cardiopathie congénitale.
L'électrocardiogramme n'est pas systématique en cas de souffle cardiaque. Un tracé complètement normal est rassurant, mais il ne permet pas d'écarter une anomalie cardiaque mineure (petite CIV ou petite CIA, fuite ou sténose valvulaire de faible degré).

La radiographie du thorax n'est pas recommandée en cas de souffle cardiaque isolé. Elle sera réalisée en cas de signes d'insuffisance cardiaque ou pour un autre motif. Elle pourra alors orienter vers une cardiopathie en révélant une cardiomégalie ou une vascularisation pulmonaire accentuée (fig. 64.3).

Les souffles fonctionnels sont très fréquents surtout chez le plus grand enfant ; il est important d'en connaître les caractéristiques sémiologiques.
Les principales cardiopathies se caractérisent par des souffles organiques aux caractéristiques très différentes (« drapeaux rouges »).
Tout souffle chez l'enfant âgé de moins de 1 an justifie une expertise cardiopédiatrique.

 

cardiomégalie
Fig. 64.3. Cardiomégalie chez une fille avec insuffisance mitrale congénitale.

 

IV. Principes de prise en charge

A. Souffle fonctionnel

Aucune surveillance n'est nécessaire. La famille doit être rassurée.
Aucune restriction des activités sportives n'est nécessaire.
Un souffle fonctionnel peut disparaître à l'adolescence ou parfois persister à l'âge adulte.

 

B. Cardiopathies congénitales

La plupart des cardiopathies congénitales sont accessibles à un traitement définitif ou palliatif par chirurgie cardiaque ou cathétérisme interventionnel.

Un suivi « à vie », d'intensité variable en fonction des lésions, est nécessaire et habituellement planifié par le spécialiste référent. Attention : les ruptures de suivi ne sont pas inhabituelles en cas de conflit familial, de déménagement, à l'adolescence ou simplement par oubli quand « tout va bien ». Ces enfants doivent être réorientés pour un suivi cardiopédiatrique.
La persistance d'un souffle dans ce contexte peut être liée à une particularité anatomique mais peut aussi révéler une lésion résiduelle ou une néolésion évolutive redevable d'une nouvelle intervention. Un avis spécialisé est nécessaire.

La plupart des enfants peuvent participer aux activités sportives. Ceci doit toutefois toujours être discuté avec le spécialiste référent.

 

C. Prophylaxie de l'endocardite

Le risque d'endocardite est élevé dans quatre situations et nécessite une antibioprophylaxie lors des gestes dentaires à risque :

  • présence d'un corps étranger intracavitaire (prothèse valvulaire, tube, pacemaker…) ;
  • antécédent d'endocardite infectieuse ;
  • cardiopathie cyanogène ;
  • dans les 6 mois suivant la fermeture d'un shunt par patch ou prothèse, ou après 6 mois en cas de persistance d'un shunt.

Dans les autres cardiopathies, le risque est plus faible et requiert « simplement » une bonne hygiène cutanée et dentaire.

 

Références

Frank J.E., Jacobe K.M. Evaluation and management of heart murmurs in children. Am Fam Physician. 2011;84(7):793–800.