Spécificités infectiologiques pédiatriques

Texte

 

ITEM 177 Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l'adulte et l'enfant (voir item 330)

  • Prescrire et surveiller un traitement anti-infectieux.
  • Bon usage des anti-infectieux :
    • Connaître les principales situations cliniques nécessitant une documentation microbiologique.
    • Connaître l'impact écologique des anti-infectieux et les facteurs d'émergence de la résistance aux anti-infectieux.
    • Connaître les principales situations cliniques en infectiologie ne relevant pas d'une prescription d'anti-infectieux.
    • Connaître les recommandations de prise en charge des patients porteurs ou susceptibles de porter des bactéries hautement résistantes.
    • Préciser les critères de choix de l'antibioprophylaxie dans le cadre chirurgical.
    • Connaître l'organisation de la lutte contre les infections associées aux soins dont la surveillance des infections du site opératoire ;
    • Expliquer les mesures de prévention des principales infections associées aux soins (voir item 4).

 

I. Données générales de microbiologie pédiatrique

A. Bactéries les plus fréquentes au cours des infections

1. Caractérisation microbiologique

Examen direct au Gram (fig. 28.1)

Rendu de l'examen : < 1 heure.

gram
Fig. 28.1. Bactéries fréquentes en pédiatrie.

 

Cocci Gram-positifs :

  • diplocoques et chaînettes : streptocoques ;
  • diplocoques lancéolés : pneumocoques ;
  • diplocoques et amas : staphylocoques.

Cocci Gram-négatifs :

  • diplocoques en « grains de café » : méningocoques

Bacilles Gram-négatifs :

  • entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella spp., salmonelles) ;
  • Haemophilus influenzae ;
  • Bordetella pertussis.

Bacilles Gram-positifs :

  • Listeria monocytogenes.
Cultures

Rendu de l'examen : 24 à 48 heures après la mise en culture du prélèvement.

Fréquence de positivité des hémocultures :

  • méningites purulentes : méningocoque = 40 %, pneumocoque = 75 % ;
  • pyélonéphrites aiguës (si âge ≤ 3 mois) : 10 % ;
  • pneumonies : < 10 %.

Seuil de détection à l'examen direct (ECBU, LCS) ↔ ≥ 104 UFC/ml à la culture.

Antibiogramme et concentration minimale inhibitrice (CMI)

Rendu de l'examen : 24 heures après l'obtention d'une culture.

Pour chaque antibiotique, des concentrations critiques sont établies de façon internationale sur la base des concentrations sériques obtenues après administration d'une posologie usuelle et d'une posologie maximale tolérée par l'individu.

La CMI est la plus faible concentration d'antibiotiques inhibant toute culture visible en 18–24 heures.

Une souche est dite :

  • sensible (S) lorsque la CMI est inférieure à la concentration sérique obtenue à la suite d'administration d'une posologie usuelle ;
  • résistante (R) lorsque la CMI est supérieure à la concentration sérique obtenue après administration d'une posologie maximale ;
  • entre les deux valeurs, la souche est dite intermédiaire (I) : une efficacité thérapeutique peut cependant être envisagée dans des situations particulières où la bactérie peut être atteinte par un traitement local ou par une augmentation de la dose usuelle ou grâce à une concentration physiologique particulière.

En pratique, l'antibiogramme est effectué par la méthode des disques qui mesure les diamètres d'inhibition de la croissance bactérienne, diamètres qui sont inversement proportionnels à la concentration d'antibiotique qui diffuse à partir du disque. Selon le diamètre observé, le résultat est ainsi rendu S, I ou R.
La mesure de la CMI par bandelettes E-test® est plus précise et plus rapide. Elle peut être effectuée sur demande auprès du laboratoire, uniquement pour les liquides normalement stériles.

 

2. Résistance et données épidémiologiques actualisées

Définitions

Une résistance in vitro implique une forte probabilité d'échec thérapeutique.

Deux types de résistance :

  • naturelle : par exemple, mycoplasme et bêtalactamines (absence de paroi) ;
  • acquise : par exemple, pneumocoque et pénicilline (diminution d'affinité des protéines de liaison à la pénicilline, ou PLP).

La résistance aux bêtalactamines et aux macrolides est variable selon les pays et évolutive selon les politiques de santé publique à visée antibactérienne mises en œuvre.

BLSE

La surconsommation d'antibiotiques est responsable de l'émergence croissante d'entérobactéries digestives productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) dont la diffusion actuelle en milieu communautaire constitue un grave problème de santé publique.
Elles sont désormais parfois retrouvées au cours des infections urinaires communautaires (E. coli) du nourrisson et de l'enfant (5–10 %).
Parmi les antibiotiques utilisés, les plus sélectionnants sont les céphalosporines.

De tels constats conduisent à des recommandations exigeantes de réduction de prescription des C3G en particulier au cours des infections des voies respiratoires hautes.

 

B. Un modèle physiopathologique des infections à pneumocoque

L'infection virale favorise la colonisation rhinopharyngée et la traversée des muqueuses par le pneumocoque, pouvant conduire à une bactériémie, susceptible de générer (si prolongée et élevée) des localisations secondaires septiques comme une méningite bactérienne.
Le vaccin pneumococcique conjugué, en réduisant la colonisation nasopharyngée, permet la réduction des risques de bactériémie et de localisation septique secondaire liées à ce germe.

 

II. Prescription et surveillance des antibiotiques chez l'enfant

A. Prescription d'une antibiothérapie

1. Évaluer la pertinence d'une prescription d'antibiotiques

Toute décision d'indication d'un traitement antibiotique doit être instituée en ayant à l'esprit des réponses adaptées à la double question :

  • quel bénéfice direct pour l'enfant ?
  • quelle conséquence écologique pour l'environnement ?

Le bénéfice direct ne se discute pas en termes d'indication face aux infections bactériennes sévères (méningites, pneumonies, pleuropneumonies, pyélonéphrites, ostéoarthrites).

Dans les infections bactériennes communes les moins sévères (infections des voies respiratoires hautes), le bénéfice rationnel d'une antibiothérapie repose sur les effets attendus :

  • réduction de la durée d'évolution des symptômes (fièvre, algies) habituellement accessibles à un traitement symptomatique de confort (paracétamol) ;
  • prévention des complications liées à la pathologie bactérienne initiale présumée : par exemple, OMA purulente et méningite ou mastoïdite ; angine et complications infectieuses locorégionales, voire post-streptococciques (RAA) dans les pays non industrialisés.

Les conséquences écologiques peuvent être antagonistes :

  • bénéfiques : baisse de la dissémination du streptocoque du groupe A à l'entourage (traitement antibiotique des angines confirmées à SGA) ;
  • nuisibles : sélection et diffusion de souches bactériennes résistantes (céphalosporines orales et augmentation du risque d'infections à bactéries productrices de BLSE).

 

2. Préciser les critères de choix d'une antibiothérapie probabiliste

L'antibiothérapie est le plus souvent probabiliste chez l'enfant du fait de la difficulté de réalisation d'examens bactériologiques à cet âge (par exemple, OMA purulente et paracentèse ; pneumonie et absence d'expectoration chez l'enfant).

Avant de prescrire un traitement antibiotique, il est nécessaire de répondre aux questions suivantes :

  1. Quel est le tableau clinique ? Celui-ci représente-t-il une indication d'antibiothérapie ?
  2. Quel est le germe cible (au maximum deux germes) ?
  3. Quelle est la sensibilité actuelle habituelle de ce (ou ces germes) aux antibiotiques ?
  4. Quels sont les antibiotiques qui ont les meilleurs critères pharmacocinétiques-pharmacodynamiques (PK/PD) prédictifs d'efficacité ?
  5. Parmi les antibiotiques retenus, quel est celui qui a le pouvoir sélectionnant de résistance le plus faible ? (Éviter, si possible, les céphalosporines.)

Les paramètres PK/PD intègrent les caractéristiques microbiologiques (CMI), pharmacocinétiques (concentration des antibiotiques en fonction du temps) et pharmacodynamiques (bactéricidie en fonction des concentrations antibiotiques). Pour certains antibiotiques, certaines bactéries et certaines situations cliniques (septicémie, pneumonies, pyélonéphrites, otites), une corrélation a pu être démontrée entre des critères PK/PD sériques (chiffre seuil défini atteint par le paramètre PK/PD étudié) et la guérison clinique. Ces critères prédictifs d'efficacité peuvent varier pour un même antibiotique selon la bactérie considérée et/ou le site de l'infection.

Pour les bêtalactamines (céphalosporines et pénicillines), le paramètre PK/PD qui est le mieux corrélé à une efficacité in vivo, est le pourcentage de temps pendant lequel la concentration sérique est supérieure à la CMI (T > CMI24h). Ces antibiotiques sont dits « temps-dépendants ». Pour des infections non sévères (par exemple otite), le critère PK/PD prédictif d'efficacité est un T > CMI24h supérieur à 40 %. Pour des infections plus sévères (comme les méningites), un T > CMI égal à 100 % doit être obtenu. La juste répartition des doses sur 24 heures améliore le T > CMI des bêtalactamines (intervalle de 6 heures pour les infections sévères).
Pour les aminosides, l'efficacité n'est pas « temps-dépendante » mais « dose-dépendante ». Le paramètre PK/PD considéré est donc ici le quotient inhibiteur (QI), qui correspond au rapport entre la concentration sérique maximale obtenue au pic et la CMI du germe. D'où l'intérêt de réduire le nombre d'administrations à une dose unique par 24 heures.

Dans certaines situations, un antibiotique déclaré sensible vis-à-vis d'un germe à l'antibiogramme pourra être inefficace in vivo si les critères PK/PD ne sont pas atteints. Ainsi, E. coli peut être sensible à l'amoxicilline et/ou l'association amoxicilline + acide clavulanique sur un antibiogramme, mais leur T > CMI étant très inférieur à 40 %, ces deux antibiotiques ne peuvent pas être choisis pour le traitement d'une pyélonéphrite aiguë.

En pratique, le clinicien choisira :

  • un antibiotique a priori sensible (épidémiologie, antibiogramme) ;
  • et ayant le meilleur paramètre PK/PD pour la situation clinique donnée.

C'est cette approche qui est systématiquement retenue dans les recommandations thérapeutiques des sociétés savantes en infectiologie.

 

3. Connaître les règles pratiques de prescription antibiotique

Modalités habituelles chez l'enfant :

  • voie orale le plus souvent utilisée au cours des prescriptions ambulatoires ;
  • voie injectable réservée aux infections sévères ;
  • adaptation des doses au poids de l'enfant : prescription en mg/kg par jour.

Rationnel :

  • utilisation de fortes doses pour obtenir une bactéricidie rapide (méningite) ;
  • répartition des doses toutes les 6 heures pour améliorer le paramètre PK/PD (T > CMI24h) et assurer une meilleure diffusion au sein des sites fermés (méningites, pleurésies).

 

B. Surveillance de l'enfant sous antibiothérapie

1. Connaître les principaux effets indésirables

L'allergie à la pénicilline et aux céphalosporines est souvent surestimée.
Elle est trop souvent évoquée chez l'enfant devant la survenue de signes cutanés ou digestifs en cours de traitement, dont le lien de causalité avec la prise médicamenteuse est le plus souvent non démontré (voir chapitre 58).

 

2. Analyser les critères d'efficacité et les causes d'échec

Surveillance d'un enfant traité

D'une façon générale, l'efficacité d'un traitement est jugée sur la diminution voire la disparition des signes généraux (fièvre) et fonctionnels (douleur…) ; et pour les infections les plus sévères, la diminution du syndrome inflammatoire biologique.

Les parents doivent être informés de l'évolution attendue sous traitement et des signes devant conduire à une nouvelle consultation.

Analyse des causes d'échec thérapeutique

Définition d'un échec thérapeutique :

  • permanence des signes généraux (fièvre) et/ou des signes fonctionnels locaux ;
  • à 48–72 heures d'un traitement spécifique bien conduit ;
  • et confirmé éventuellement par la non-stérilisation des prélèvements bactériologiques locaux ciblés (par exemple, LCS).

Causes possibles de l'échec :

  • pharmacologiques :
    • défaut d'observance ;
    • défaut d'absorption (vomissements ou diarrhée aiguë) ;
    • posologies insuffisantes ou inadaptées aux cibles tissulaires concernées ;
  • diagnostiques et/ou reliées à l'évolution :
    • erreur diagnostique ;
    • microbiologie probabiliste inexactement évaluée ;
    • co-infection bactérienne et surtout virale ;
    • complication avec foyer infectieux clos (par exemple, pleurésie, abcès méningé).

Modifications de prise en charge à envisager :

  • revoir le diagnostic initial et rechercher une complication ;
  • éducation thérapeutique vis-à-vis de la nécessité d'une bonne observance ;
  • substitution de l'antibiothérapie probabiliste initiale par un antibiotique ayant une meilleure diffusion au niveau des sites concernés ;
  • correction d'une antibiothérapie probabiliste inadaptée sur un mauvais pari initial (substitution d'une bêtalactamine par un macrolide en cas d'échec du traitement d'une pneumonie non compliquée supposée à pneumocoque) ;
  • évacuation par drainage, s'il y a lieu, d'une collection purulente inaccessible à l'antibiotique : par exemple, drainage pleural en cas de pleurésie purulente, drainage articulaire ou osseux en cas d'infection ostéoarticulaire (arthrite septique, abcès intraosseux ou sous-périosté), drainage d'abcès en cas de dermohypodermite profonde.

L'échec thérapeutique doit être distingué de la rechute, définie par la réapparition après l'arrêt du traitement d'un syndrome infectieux lié à la même bactérie.

Durée de traitement et critères de guérison

La durée d'un traitement antibiotique est extrêmement variable selon le germe, la localisation infectieuse et le traitement. Elle peut être souvent considérée comme empirique.

On peut considérer comme seuls critères de guérison l'absence de rechute et de complications à l'arrêt du traitement.

 

III. Principes de prise en charge anti-infectieuse

A. Bon usage des antibiotiques

1. Connaître les principales situations cliniques nécessitant une documentation microbiologique

Toutes les pathologies sévères de l'enfant et en particulier :

  • méningites purulentes : examen du LCS, hémocultures ;
  • pyélonéphrites : (BU)/ECBU, hémocultures chez le jeune nourrisson ou en cas de sepsis ;
  • pneumonies nécessitant une hospitalisation : hémocultures ;
  • pleuropneumopathies : hémocultures ; examen microbiologique du liquide pleural ;
  • septicémie, endocardite : hémocultures ;
  • infections ostéoarticulaires et des parties molles (tissus cutanés et profonds) : prélèvement in situ si possible, au minimum hémocultures pour les infections ostéoarticulaires.

Les autres pathologies infectieuses notamment des voies aériennes supérieures (OMA purulentes, rhinosinusites…) ne doivent conduire à une documentation microbiologique qu'en cas d'échecs renouvelés (par exemple, pour l'OMA purulente, paracentèse après deuxième substitution d'antibiotique).

 

2. Connaître l'impact écologique des anti-infectieux et les facteurs d'émergence de la résistance aux anti-infectieux

Malgré la baisse substantielle de leur consommation depuis le début des années 2000, la France reste l'un des pays les plus gros consommateurs d'antibiotiques. Les infections ORL en sont le principal motif de prescription. Les incertitudes du diagnostic entre infections virales et infections bactériennes sont, chez l'enfant, un déterminant majeur des prescriptions inutiles.

L'impact écologique s'appuie sur :

  • la relation consommation/résistance : les données d'évolution les plus récentes sur les résistances acquises du pneumocoque aux bêtalactamines et aux macrolides ont été reliées à la réduction de leur prescription ; des constatations identiques ont pu être portées vis-à-vis de la résistance de Streptococcus pyogenes aux macrolides ;
  • les conséquences du choix des antibiotiques sur l'ensemble des écosystèmes bactériens :
    • digestifs : E. coli : l'évolution de sa résistance est largement attribuée à la surconsommation des antibiotiques prescrits pour traiter des infections respiratoires hautes et basses, surtout les céphalosporines (BLSE) ;
    • respiratoires : pneumocoque ;
    • cutanées : S. aureus.

Facteurs d'émergence de résistances aux antibactériens :

  • utilisation irrationnelle d'antibiotiques et automédication ;
  • mauvaise observance du traitement ;
  • recours à une antibiothérapie systématique devant tout épisode aigu fébrile chez l'enfant attribué par excès à une infection bactérienne.

L'impact écologique des anti-infectieux et les facteurs d'émergence de la résistance aux rares antibiotiques actuellement disponibles chez l'enfant doivent conduire à une surveillance continue des données épidémiologiques nationales et mondiales, susceptibles de dépister l'émergence et la résistance aux anti-infectieux habituellement utilisés, et d'évaluer le retentissement écologique de toute nouvelle molécule antibiotique prescrite.
Les meilleurs objectifs de restriction de prescription des antibiotiques s'inscrivent dans une politique d'antibiothérapie ciblée sur un diagnostic d'orientation clinique bien conduit (par exemple, diagnostic otoscopique rigoureux pour l'OMA purulente) parfois accompagné de tests simples (généralisation des tests de diagnostic rapide pour l'angine) intégrés au sein d'une démarche utilisant une règle de décision clinique.

 

3. Connaître les principales situations cliniques en infectiologie ne relevant pas d'une prescription d'anti-infectieux (antibiotiques)

Prescription d'antibiothérapie non recommandée en cas de :

  • rhinopharyngite aiguë ; • otite congestive ou otite séreuse ;
  • angine aiguë à TDR négatif ou chez l'enfant d'âge < 3 ans ;
  • rhinosinusite maxillaire (signes bilatéraux diffus d'intensité modérée avec rhinorrhée séreuse, peu fébrile et même si durable) ;
  • bronchiolite aiguë en l'absence de signe évocateur de surinfection microbienne (principalement ORL) ;
  • diarrhée aiguë liquidienne peu fébrile (cas le plus fréquent).

 

4. Connaître les principales résistances bactériennes

  • S. pneumoniae et résistance aux bêtalactamines : modification quantitative et qualitative des protéines de liaison aux pénicillines (PLP), d'affinité diminuée aux bêtalactamines. Le niveau de résistance varie suivant les bêtalactamines et est corrélé à l'augmentation des CMI : l'amoxicilline et les C3G injectables ont une meilleure activité que les pénicillines G/V et les C2G/C3G orales.
  • S. aureus et résistances.
    • S. aureus est résistant à la pénicilline G et à l'amoxicilline par production d'une bêtalactamase (90 % des souches) : la sensibilité à l'amoxicilline est restaurée par un inhibiteur de bêtalactamase comme l'acide clavulanique ;
    • S. aureus est résistant à la méticilline (SARM) par production d'une PLP modifiée (PLP2a) qui a une affinité diminuée aux bêtalactamines : le SARM est résistant à toutes les bêtalactamines, sauf aux nouvelles céphalosporines "anti-SARM" comme la ceftaroline.
  • Entérobactéries et résistance aux céphalosporines : bêtalactamases/céphalosporinases, en particulier à spectre étendu (BLSE).

 

5. Connaître les recommandations de prise en charge des enfants porteurs ou susceptibles de porter des bactéries hautement résistantes

Exemples de bactéries hautement résistantes (BHR) :

  • entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) ;
  • entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC).

Quels enfants et quel dépistage ?

  • enfants ayant des antécédents d'hospitalisation dans les zones à risque au cours des 12 mois précédents ou ayant reçu des antibiothérapies multiples et prolongées ;
  • dépistage dès l'admission (écouvillonnage rectal ou prélèvement de selles).

Mesures d'isolement :

  • jusqu'au retour des résultats des examens bactériologiques ;
  • chambre individuelle ;
  • précautions de contact :
    • port de gants pour tout contact avec les liquides biologiques et change de couches, surblouse à usage unique lors des contacts avec l'enfant ;
    • hygiène des mains ;
  • spécificités pédiatriques de l'item :
    • impliquer les parents dans les mesures d'isolement ;
    • difficultés d'isolement des enfants (incompréhension).

Mesures générales :

  • signalement en interne (direction, CLIN) et aux autorités sanitaires (CCLIN, ARS, InVs) de tous les enfants (et familles) porteurs de BHR ;
  • renforcement d'isolement des enfants porteurs de BHR :
    • sectorisation avec personnel dédié :
      • des enfants « porteurs » ;
      • des sujets contacts (enfants pris en charge par la même équipe soignante que l'enfant porteur) ;
    • sectorisation des nouveaux patients indemnes.

Objectifs :

  • éviter la diffusion en France des bactéries jusqu'alors peu présentes ;
  • préserver l'efficacité de certains antibiotiques (vancomycine, carbapénèmes).

 

B. Conduite à tenir vis-à-vis des collectivités d'enfants

1. Rappels sur la transmission des maladies infectieuses

Les collectivités d'enfants (habituellement nombreux dans un espace plus ou moins restreint) favorisent la transmission des agents infectieux.

Étapes nécessaires à la transmission d'une maladie infectieuse :

  • émission de l'agent pathogène par le sujet malade (secrétions respiratoires, selles, urines, sang) ou par une source environnementale ;
  • transmission au sujet sain, par voie directe (de personne à personne) ou indirecte (par objet contaminé) ;
  • introduction de l'agent pathogène chez le sujet sain qui devient colonisé puis éventuellement infecté.

La période de contagion des maladies transmissibles peut contribuer à définir, s'il est nécessaire de l'évaluer, la durée d'exclusion (risque de transmission aux autres membres de la collectivité).

Les mesures préventives d'exclusion doivent être considérées de par leur spécificité vis-à-vis de leurs conséquences possibles chez les enfants à risques au sein de la collectivité (déficit immunitaire), ou ayant une pathologie à risques accrus par la transmission de la maladie infectieuse.

La survenue d'une maladie transmissible nécessite de renforcer les mesures d'hygiène appliquées au quotidien, et de lutter vis-à-vis de la survenue de cas secondaires ou épidémiques.

Tableau 28.1. Durée d'éviction de certaines maladies infectieuses.
 
Angine Non streptococcique Pas d'éviction
Angine streptococcique Éviction pendant 2 jours après le début de l'antibiothérapie
Bronchiolite, rhynopharyngite Pas d'éviction
Coqueluche Éviction pendant 5 jours après le début de l'antiobiothérapie par macrolides (réduit à 3 jours avec l'azithomycine)
GEA à E. coli entérohémorragiques, GEA à shigelles Éviction jusqu'à présentation d'un certificat médical attestant de 2 coprocultures négatives à au moins 24h d'intervalle (coprocultures effectuées au moins 48 h après l'arrêt de l'antibiothérapie)
Autre GEA virales ou non documentées, salmonelles mineures Pas d'éviction
Grippe saisonnière Pas d'éviction (vaccination recommandée des sujets à risque)
Gingivostomatite herpétique (HSV) Pas d'éviction (éviter le contact avec une dermatite atopique)
Impétigo étendu Éviction pendant 3 jours après le début de l'antibiothérapie (si indiqué)
Pas d'éviction si lésions limitées, protégées
Méningite à ménagocoque Éviction jusqu'à guérison clinique
Méningite à pneumocoque Pas d'éviction
Méningite virale Pas d'éviction
Mononucléose infectieuse Pas d'éviction
Oreillons Pas d'éviction
Otites Pas d'éviction
Pédiculose du cuir chevelu Pas d'éviction
Roséole (exanthème subit) Pas d'éviction
Rougeole Éviction pendant 5 jours après le début de l'éruption
Rubéole Pas d'éviction
Scarlatine Éviction pendant 2 jours après le début de l'antibiothérapie
Teigne du cuir chevelu Éviction jusqu'à présentation d'un certificat médical de non-contagiosité
Tuberculose Éviction jusqu'à présentation d'un certificat médical de non-contagiosité (non bacillifère)
Varicelle Pas d'éviction (avis médical pour les sujets à risque non immunisés)
Verrue vulgaire Pas d'éviction
VIH Pas d'éviction
 

 

2. Recommandations générales

Données à retenir à propos des maladies transmissibles :

  • la période de contagiosité est présente voire plus élevée encore avant le début des signes cliniques conduisant au diagnostic au cours de certaines pathologies (par exemple, rhinite précédant une bronchiolite) ;
  • la fréquentation de la collectivité à la phase aiguë d'une maladie infectieuse n'est pas souhaitable, même en l'absence de recommandation officielle d'éviction ;
  • le retour d'un enfant malade en collectivité n'est sous-tendu à la prescription d'antibiotiques que dans de rares cas (infections à streptocoque du groupe A, coqueluche, shigelles).

Dans ces cas précités seulement, la collectivité peut exiger une preuve que l'antibiotique a bien été prescrit (copie d'ordonnance) ou des examens faisant preuve de la négativité des examens bactériologiques (Escherichia coli entérohémorragiques, shigelles). La collectivité est, dans tous les autres cas, infondée à exiger des certificats de non-contagion que les médecins traitants doivent s'abstenir de rédiger.

 

3. Recommandations d'éviction

La fréquentation de la collectivité à la phase aiguë d'une maladie infectieuse n'est pas souhaitable en toutes circonstances.

Certaines pathologies font l'objet d'une durée légale d'éviction.
Le HCSP a révisé en 2012 le guide des maladies transmissibles en collectivité. Le tableau 28.1 présente les durées d'éviction d'un enfant malade.

 

Références

HCSP. Guide des conduites à tenir en cas de maladies infectieuses dans une collectivité d'enfants ou d'adultes. 2012. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=306

GPIP. Guide de prescription d'antibiotique en pédiatrie. Arch Ped, 2016 ; 23, HS 3 : S1-55. https://www.sfmu.org/upload/consensus/arcped_gpip_15_juin_new_couv_bs.pdf