Malaise grave du nourrisson

Texte

 

ITEM 345 Malaise grave du nourrisson et mort inattendue du nourrisson

  • Diagnostiquer un malaise grave du nourrisson.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge pré-hospitalière et hospitalière. 

 

Avant de commencer…

Le malaise du nourrisson est un motif fréquent de consultation aux urgences pédiatriques.
Il se définit par un accident inopiné et brutal entraînant des modifications du tonus et de la coloration des téguments, avec ou sans perte de connaissance.
Les nourrissons d'âge < 6 mois sont les plus concernés, avec une prédominance masculine.

L'analyse anamnestique du malaise doit être rigoureuse et chronologique :
• avant : circonstances ayant précédé l'épisode ;
• pendant : description des signes observés durant le malaise ;
• après : rapidité et qualité du retour à l'état antérieur.

Symptôme relevant d'étiologies diverses, le malaise est souvent bénin, mais source d'une anxiété parentale. Le nourrisson est habituellement hospitalisé pendant au moins 24–48 heures au décours d'un malaise authentifié et récent.
Cela permet de prescrire quelques examens complémentaires à titre systématique voire d'autres orientés par les données cliniques, de surveiller l'évolution à court terme, et de rassurer les parents dans la majorité des cas.

 

I. Faire le diagnostic de malaise

A. Identifier un malaise

Le malaise se définit comme un accident inopiné et brutal associant à des degrés variables :

  • des modifications du tonus : hypotonie, hypertonie ;
  • des modifications de la coloration des téguments : pâleur, cyanose, parfois érythrose ;
  • avec ou sans modification du rythme respiratoire : bradypnée, tachypnée, apnées ;
  • avec ou sans perte de connaissance.

La description du malaise est souvent rapportée par les parents, seuls témoins de l'épisode.
Les signes fonctionnels décrits sont transitoires et le premier examen clinique est souvent normal. L'anamnèse est essentielle, tant pour évaluer la gravité du malaise que sa cause.

Malaise : accident inopiné et brutal entraînant des modifications du tonus et de la coloration des téguments, avec ou sans perte de connaissance.

 

B. Identifier les situations d'urgence

1. Généralités

Le malaise est fréquemment bénin, mais souvent considéré comme grave par les parents. L'impression de mort imminente conduit les parents à pratiquer parfois des manœuvres de réanimation sur leur enfant (bouche-à-bouche, secouage, percussions dorsales…).
Il importe donc de distinguer le vécu dramatique de l'épisode par l'entourage, du réel degré de gravité sur des critères objectifs cliniques et paracliniques.

Être systématique dans sa démarche diagnostique, pour pouvoir rassurer à bon escient les parents… sans méconnaître une cause potentiellement sévère.

 

2. Critères cliniques de gravité

L'examen clinique du nourrisson doit être rigoureux et orienté. Il recherche avant tout des signes de gravité (tableau 66.1).

Tableau 66.1. Critères cliniques de gravité d'un malaise du nourrisson.
Hémodynamiques
  • Teint gris
  • Bradycardie ou tachycardie, hypotension ou hypertension
  • Allongement du temps de recoloration cutanée, état de choc
  • Signes d'insuffisance cardiaque
Ventilatoires
  • Cyanose
  • Irrégularités du rythme respiratoire persistantes (bradypnée, apnée)
  • Signes de lutte respiratoire
  • SpO2 < 90 % sous air
Neurologiques
  • Geignement, bombement de la fontanelle, augmentation du PC
  • Troubles de conscience (perte de contact prolongée ou répétée, somnolence, coma)
  • Déficit focalisé, hypotonie ou hypertonie axiale/périphérique
  • Mouvements anormaux (clonies, mâchonnements, pédalage)

 

La sévérité symptomatique est appréciée au domicile par la famille, mais aussi lors de la prise en charge médicale susceptible de mettre en œuvre des mesures de réanimation.

Malaise « grave » : détresse brutale hémodynamique, ventilatoire ou neurologique.

 

3. Examens paracliniques systématiques

Ces examens (tableau 66.2) sont à prescrire en urgence pour :

  • attester a posteriori de la bénignité ou au contraire de la gravité du malaise ;
  • rechercher les très rares causes susceptibles d'induire un traitement immédiat.
Tableau 66.2. Examens complémentaires systématiques.
Bilan sanguin
  • Glycémie capillaire puis veineuse
  • NFS-plaquettes
  • CRP, PCT (si disponible)
  • Ionogramme sanguin (+ créatininémie, urée)
  • Calcémie, transaminases
  • Lactate
Autres
  • BU
  • Radiographie de thorax (face)

 

mesure du qt
Fig. 66.1. Mesure du QT corrigé.

Un QTc > 440 ms doit faire suspecter un syndrome du QT long.

Faire une glycémie capillaire dès l'arrivée.

 

II. Planifier la prise en charge

A. Orientation

Tout nourrisson ayant fait un malaise authentifié et récent (≤ 24 heures) doit être orienté vers des urgences pédiatriques pour être évalué.

Une hospitalisation d'au moins 24–48 heures se justifie si :

  • anamnèse faisant redouter une cause grave (sémiologie, circonstances) ;
  • et/ou critères de gravité lors de l'évaluation clinique initiale et/ou sur le bilan réalisé ;
  • et/ou inquiétude parentale majeure et/ou conditions difficiles de retour au domicile.

Ce maintien en observation a pour objectifs de :

  • traiter en urgence une cause de détresse vitale (exceptionnellement) ;
  • poursuivre les investigations à visée étiologique ;
  • surveiller le nourrisson avec monitoring cardiorespiratoire ;
  • s'assurer de la bonne évolution clinique et rassurer les parents.

Certains malaises évoquant de manière évidente une origine bénigne (régurgitations avec faciès érythrosique, par exemple), ne s'accompagnant d'aucun signe de gravité clinique et/ou paraclinique, peuvent bénéficier d'un suivi ambulatoire après une courte surveillance de 6-12 heures.

Hospitalisation justifiée en cas de malaise authentifié et récent chez un nourrisson.

 

B. Enquête étiologique

1. Causes de malaise

Il importe de « hiérarchiser » ces causes (tableau 66.3) selon leur fréquence et les données cliniques. En fonction du contexte, l'épisode de malaise peut être rapporté à une cause infectieuse, digestive, respiratoire, cardiaque, neurologique, ou encore métabolique. Leur intrication est néanmoins possible. Sur un plan physiopathologique, une hypertonie vagale sous-tend fréquemment les malaises compliquant un RGO ou une douleur aiguë.

Tableau 66.3. Causes de malaise chez un nourrisson.
Reflux gastro-œsophagien

 

Douleur aiguë
  • Œsophagite
  • Invagination intestinale aiguë
  • Sévices physiques
  • Ischémie myocardique (anomalie d'implantation des coronaires)
Causes obstructives mécaniques hautes
  • Rhinite obstructive
  • Vomissements, fausses routes (bébé glouton, médicament à la pipette)
  • Inhalation de corps étranger (mobile)
Causes neurologiques
  • Crise fébrile, crise épileptique
  • Hémorragies intra- ou péricérébrales, syndrome du bébé secoué
Causes infectieuses
  • Apnées : bronchiolite, coqueluche, grippe, adénovirus
  • Sepsis
Autres causes
  • Cardiaques : tachycardie supraventriculaire, syndrome du QT long, cardiopathie malformative
  • Métaboliques : hypoglycémie, hypocalcémie, anomalie de la β-oxydation des acides gras
  • Intoxications : CO, médicament
  • Allergie : anaphylaxie, SEIPA
  • Mécaniques : asphyxie par enfouissement facial, trachéomalacie, fistules
  • Spasme du sanglot
  • Syndrome de Münchhausen

 

2. Enquête clinique

Anamnèse

Antécédents familiaux :

  • MIN, décès en bas âge, malaises ;
  • terrain vagal familial ;
  • consanguinité, cardiopathie.

Antécédents personnels et terrain :

  • déroulement de la grossesse, prématurité ;
  • RGO, autre pathologie connue ;
  • développement psychomoteur, vaccinations.

Mode de vie et entourage :

  • modalités de couchage, alimentation ;
  • environnement familial (tabagisme, maltraitance), contage infectieux.

Description sémiologique du malaise : avant/pendant/après (tableau 66.4).

Tableau 66.4. Description sémiologique du malaise.
Avant
  • Contexte : prise de biberon ou change (RGO), repas (corps étranger), coucher, sommeil
  • Environnement : témoins, lieu, position de l'enfant
  • Prodromes : fièvre et/ou syndrome infectieux, troubles digestifs, modification du comportement
Pendant
  • Signes fonctionnels d'orientation
  • Signes de gravité clinique éventuels
  • Chronologie, durée des symptômes
Après
  • Récupération : spontanée ou aidée, rapide ou lente
  • Suivi : stabilisation ou récidive immédiate
  • Délai écoulé entre l'épisode et la consultation
Examen clinique

L'examen clinique doit être complet, avec notamment : la mesure du périmètre crânien, la recherche de bruits respiratoires, d'hématomes, d'ecchymoses, de rétrognathisme, de palais ogival. L'enfant est observé durant son sommeil et durant un repas lacté (succion-déglutition).

Cet examen est le plus souvent normal à distance de l'épisode (au moment de la consultation), ce qui ne permet d'exclure aucune cause, notamment neurologique.

 

3. Enquête paraclinique

Aucun bilan paraclinique (en dehors des examens à l'arrivée de l'enfant aux urgences) ne doit être prescrit de manière systématique. L'enquête paraclinique à visée étiologique doit être orientée par les données anamnestiques et cliniques.

En cas d'orientation vers une cause neurologique, il faut discuter :

  • ammoniémie et gaz du sang + lactate (si possible dès l'admission) ;
  • EEG ;
  • imagerie cérébrale : TDM/IRM ;
  • fond d'œil.

Un holter cardiaque est indiqué en cas de :

  • existence d'anomalies à l'ECG (troubles du rythme, troubles de conduction) ;
  • récidives de malaise sans étiologie retrouvée.
Raisonner selon : « avant/pendant/après » le malaise.

 

C. Mesures préventives

Identifier la cause du malaise a un intérêt pronostique majeur.
Le pronostic du malaise est celui de l'affection sous-jacente, qu'il faut traiter pour prévenir les récidives. Dans tous les cas, les parents doivent avoir compris les mécanismes physiopathologiques de l'événement, la cause retenue et le traitement prescrit.
On rappellera de manière systématique les consignes de prévention de la MIN.

Le pronostic de l'épisode est celui de l'affection causale.