Items, objectifs pédagogiques
Item 364 – Fractures chez l’enfant : particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques
- Connaître le diagnostic les complications et les principes du traitement des fractures de l’enfant.
- Connaître les caractères spécifiques et les complications des fractures du coude et de la cheville de l’enfant et de l’adolescent.
Item 365 – Surveillance d’un malade sous plâtre/résine, diagnostiquer une complication
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Item 334 – Prise en charge immédiate pré-hospitalière et à l’arrivée à l’hôpital, évaluation des complications chez : un traumatisé crânien ou crânio-encéphalique
Avant de commencer…
L’item « Fractures » exige de connaître les particularités pédiatriques.
Ce chapitre répond strictement à cet objectif et n’a pas pour but de détailler de manière exhaustive la prise en charge des fractures de l’enfant, qui relève des spécialistes. Seules les spécificités des fractures du coude et de la cheville sont précisées.
Retenir les particularités des fractures chez l’enfant :
- les terrains et l’épidémiologie des fractures qui ont une importance dans la compréhension des lésions ;
- les types de fractures spécifiques à l’âge pédiatrique ;
- les complications des décollements épiphysaires en cas d’atteinte du cartilage de croissance ;
- la place prépondérante du traitement non chirurgical.
Les items concernant les « Traumatismes cranio-faciaux » sont vastes.
Les spécificités pédiatriques de la conduite à tenir en cas de traumatisme crânien (motif de recours fréquent aux urgences) seront détaillées ici.
Connaître la conduite à tenir aux urgences en cas de traumatisme crânien :
- repérer les rares situations de gravité ;
- assurer le maintien des fonctions vitales ;
- prescrire si nécessaire une imagerie cérébrale ;
- savoir expliquer les consignes de surveillance aux parents.
Fractures
I. Épidémiologie
Les traumatismes sont la première cause de consultation chirurgicale en urgence pédiatrique.
La traumatologie est la première cause de mortalité entre 1 an et 19 ans. Le sex-ratio est de 2 garçons pour 1 fille.
Les causes de fracture varient en fonction de l’âge :
- avant l’âge de la marche : il peut s’agir d’une chute accidentelle, mais il importe de ne pas sous-estimer le risque de maltraitance dont les enfants peuvent être victimes à tout âge ;
- de l’âge de la marche à l’adolescence : la traumatologie domestique domine chez les jeunes enfants, elle est suivie chez les plus âgés de la traumatologie sportive puis, à l’approche de l’adolescence, de la traumatologie de la voie publique ;
- à l’adolescence : les comportements deviennent plus à risque et les activités deviennent plus violentes (gymnastique aux agrès, trampoline, équitation, sports collectifs) ou à plus haute vélocité (deux-roues motorisés ou non).
II. Particularités des traumatismes de l’enfant
A. Généralités
L’organisation de la trame osseuse de l’os de l’enfant lui confère une plus grande plasticité, qui diminue au cours du temps en raison de la densification osseuse. Elle varie aussi en fonction des régions anatomiques : métaphyse ou diaphyse. Cette modification des propriétés mécaniques au cours du temps conduit à ce qu’un traumatisme donné provoquera, en fonction de son énergie et de l’âge de l’enfant, d’abord une incurvation plastique (fig. 71.1) puis une fracture en « bois vert » (fig. 71.2) et enfin une fracture complète. Un traumatisme axial provoquera une fracture en « motte de beurre » métaphysaire (fig. 71.3). Un mécanisme en torsion sera responsable d’une fracture spiroïde, d’abord sous-périostée (cf. fig. 70.7) puis complète.

Fig. 71.1. Fracture plastique des deux os de l’avant-bras.
On note que la déformation du radius arrive à la limite de la rupture (fracture en « bois vert »).

Fig. 71.2. Fracture en « bois vert ».
La partie antérieure de la corticale du radius est rompue et la partie postérieure est continue (incurvation plastique).
L’ulna présente une fracture complète.

Fig. 71.3. Fracture en « motte de beurre ».
Le traumatisme axial du radius (chute avec réception sur la main) entraîne un tassement métaphysaire.
On notera que ce tassement se produit dans la zone où il n’y a plus d’os cortical.
L’os métaphysaire, spongieux, se plicature de façon circonférentielle, sous la force de la pression axiale.
La survenue d’une fracture chez un nourrisson avant l’âge de la marche ou qui n’a pas présenté de traumatisme particulier, tout comme la discordance entre le mécanisme traumatique annoncé et la fracture observée à tout âge (fig. 71.4) doit faire suspecter une maltraitance. Plus la découverte est fortuite, plus la probabilité de traumatisme infligé est élevée (voir chapitre 10).
On doit aussi rechercher une fracture pathologique sur un os fragilisé par une maladie osseuse constitutionnelle ou une tumeur osseuse bénigne ou maligne.
Retenir les fractures types de l’enfant.
La maltraitance doit être évoquée en cas de fracture avant l’âge de la marche et à tout âge en cas de discordance entre le mécanisme invoqué et la lésion observée.

Fig. 71.4. Traumatisme infligé.
Ce nourrisson âgé de 11 mois a une fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus survenue selon les dires des parents en s’accrochant aux barreaux de son lit. La fracture est ancienne, donc négligée, chez une enfant qui n’a acquis la marche que 2 mois plus tard. Le bilan osseux a révélé une fracture du radius, une fracture des deux métaphyses fémorales. L’enfant, dont les parents ont plaidé une fragilité osseuse pathologique, n’a plus présenté aucune autre fracture, ni lors de l’acquisition de la marche ni après avoir été placée en pouponnière sur décision de justice.
B. Traumatismes du cartilage de croissance
1. Classification
Le cartilage de croissance (physe) est plus fragile que les ligaments et capsules articulaires. On observe donc plus souvent des décollements épiphysaires (traumatismes des cartilages de croissance) que des fractures diaphysaires ou métaphysaires.
La description de ces traumatismes a été simplifiée et systématisée par Salter et Harris qui ont décrit différents types de décollement épiphysaire en fonction du type de trait (fig. 71.5). Les risques de complications sont directement liés à l’atteinte ou au respect de la couche germinative du cartilage de croissance qui se trouve située sur le versant épiphysaire du cartilage :
- Type I : le trait passe intégralement par la physe au niveau du front d’ossification et respecte la couche germinative.
- Type II : le trait passe par la physe avec un refend vers la métaphyse ; la couche germinative a peu de chance d’être touchée.
- Type III : le trait passe par la physe avec un refend vers l’épiphyse ; la couche germinative est obligatoirement traversée par le trait.
- Type IV : le trait de fracture va de la métaphyse à l’épiphyse et transfixie la physe ; la couche germinative est obligatoirement traversée par le trait.
- Type V : il résulte d’un traumatisme axial qui lèse la couche germinative ; le fragment métaphysaire vient s’impacter dans la physe (diagnostic rétrospectif à distance du traumatisme initial).
Une atteinte de la couche germinative du cartilage de croissance menace gravement le pronostic de croissance, et ce d’autant plus que l’enfant est jeune.
2. Épiphysiodèse
C’est la complication la plus grave des traumatismes du cartilage de croissance, qu’ils soient accidentels (liés au traumatisme) ou liés à un traitement inapproprié (ostéosynthèse traversant la physe).
Elle entraîne un arrêt de croissance en créant un pont osseux définitif. La conséquence est un raccourcissement associé le plus souvent à un défaut d’axe (fig. 71.6). Sa prise en charge varie en fonction de l’âge de survenue et de la surface de physe concernée.

Fig. 71.5. Traumatismes des cartilages de croissance : classification de Salter et Harris.
La couche germinative est symbolisée par une ligne en pointillé.
Elle n’est pas touchée dans les types I et II. Elle est constamment intéressée dans les types III, IV et V.
Illustration de Carole Fumat.

Fig. 71.6. Épiphysiodèse.
Radiographie standard de cheville.
Épiphysiodèse de l’extrémité distale et médiale du tibia gauche secondaire à une fracture Salter IV de la malléole médiale.
La cheville est déformée en varus
3. Rôle du périoste
Il contribue à la croissance en épaisseur de l’os, assure la consolidation rapide des fractures des os longs et permet le remodelage des cals osseux (passage du cal périosté à un os cortical de type haversien).
Pour une fracture proche d’une physe fertile et chez le jeune enfant, il peut corriger un cal vicieux angulaire par une action combinée avec celle de la physe (fig. 71.7).
En revanche, il ne faut en aucun cas compter sur son aptitude à corriger des cals vicieux rotationnels ou dans des zones à faible potentiel de croissance.

Fig. 71.6. Remodelage périosté.
Radiographie du bras. Garçon de 5 ans présentant une fracture bicorticale déplacée en « baïonnette » diaphysaire de l’humérus gauche (A).
Cette fracture est immobilisée coude au corps sans réduction. Au 34e jour, le cal est bien visible (B).
Au 4e mois post-traumatique, le remodelage de la fracture est presque complet (C).
Tout défaut ne se corrige pas avec la croissance. La reconstruction anatomique des traumatismes du cartilage de croissance et des fractures épiphysaires est obligatoire.
III. Prise en charge initiale
A. Interrogatoire
Le recueil précis des circonstances traumatiques est fondamental pour comprendre les lésions observées et rechercher des lésions associées éventuelles. Toute discordance est suspecte de fracture pathologique ou de maltraitance.
En prévision d’une éventuelle anesthésie générale, on précise l’heure du dernier repas et l’enfant doit être maintenu à jeun.
B. Examen clinique et antalgie
L’examen clinique identifie une attitude antalgique, recherche des points douloureux exquis et des déformations du membre (fig. 71.8).
Il faut toujours rechercher une lésion cutanée (plaie même punctiforme) en regard des déformations, et des complications vasculo-nerveuses.
La palpation des pouls distaux, l’évaluation comparative de la température et de la coloration cutanée, la recherche d’un déficit sensitif ou moteur sont essentiels à l’établissement du pronostic et du plan de prise en charge. Ces éléments doivent être consignés dans l’observation médicale.

Fig. 71.8. Enfant de 4 ans consultant suite à une chute au centre de loisirs.
A. Évaluation clinique : déformation du membre supérieur droit sans complication cutanée. B. Radiographie standard : fracture diaphysaire du tiers inférieur des deux os de l’avant-bras droit. Prise en charge aux urgences : réduction fermée puis traitement orthopédique par contention circulaire.
Source : Grégoire Benoist.
Toute suspicion de fracture impose une immobilisation transitoire par attelle, première étape du traitement antalgique.
Une antalgie utilisant un ou plusieurs antalgiques adaptés (voir chapitre 11) et une immobilisation du membre douloureux sont pratiquées dès l’accueil et avant les mobilisations pour réaliser l’imagerie.
C. Imagerie
Le bilan radiographique doit porter sur tous les segments de membres suspects et englobe systématiquement les articulations sus- et sous-jacentes. Il s’efforce de donner des incidences orthogonales.
Si l’enfant est trop douloureux et qu’il présente à l’évidence une fracture déplacée, la radiographie pourra se limiter à une incidence simple confirmant le diagnostic qui sera affiné sous anesthésie par les incidences complémentaires.
Le cartilage de croissance est radiotransparent. Un décollement Salter I non déplacé ne sera identifiable que sur la localisation de la douleur et sur l’épaississement des parties molles en regard (œdème).
Ne pas retarder le traitement de la douleur à l’arrivée de l’enfant (antalgiques et immobilisation provisoire).
IV. Principes thérapeutiques
A. Traitement orthopédique
1. Généralités
Le traitement orthopédique (immobilisation par attelle ou appareillage circulaire en plâtre) est privilégié chez le jeune enfant, avant 6 ans, pour toutes les fractures diaphysaires ou métaphysaires. Il n’y a pas d’enraidissement articulaire au terme d’une immobilisation orthopédique même prolongée pour une fracture chez l’enfant. Il faut souligner que le plâtre en résine se rétracte plus et augmente le risque de syndrome compartimental ; son utilisation est donc à éviter en traumatisme récent.
En revanche, les fractures articulaires ont un risque plus élevé à long terme (arthrose, épiphysiodèse). C’est une des raisons pour lesquelles les solutions chirurgicales auront une place importante.
Les complications thromboemboliques sont exceptionnelles. L’indication d’un traitement anticoagulant en traumatologie concerne l’enfant pubère.
La rééducation est inutile voire dangereuse dans la très grande majorité des cas. En effet, la mobilisation forcée voire les massages génèrent de l’inflammation, elle-même responsable de l’aggravation de la raideur. On préférera le recours très large à l’autorééducation (reprise d’activités physiques non violentes, idéalement la natation) et le refroidissement par glaçage, qui permettent de récupérer les amplitudes articulaires physiologiques sans retard.
2. Réalisation et surveillance
Une réduction de la fracture peut avoir lieu en cas de déplacement important.
Qu’elle soit réalisée avec du plâtre (initialement) ou de la résine (secondairement), une contention circulaire impose d’avoir protégé tous les reliefs osseux avec une bande ouatée. Celle-ci apporte un meilleur confort et prévient le risque d’escarre sous plâtre. En outre, elle facilite l’ablation de l’appareillage (risque de brûlure en particulier avec la résine).
Le membre est immobilisé dans la position inverse de celle qui a provoqué la fracture (= position de réduction : poignet fléchi, par exemple pour une fracture déplacée en extension). Il faut toujours immobiliser les articulations sus-jacente et sous-jacente ; une fracture de jambe nécessite l’immobilisation du pied et du genou, une fracture de l’humérus nécessite l’immobilisation de l’épaule et du coude…
Dans les heures qui suivent la réalisation d’une contention circulaire, l’œdème peut s’accentuer, responsable de compression sous plâtre (plus de risque avec la résine).
La surveillance de la mobilité des doigts ou des orteils, du temps de recoloration pulpaire et l’évaluation de la douleur sont indispensables. Toute modification d’une seule des trois composantes doit faire évoquer le syndrome compartimental (ou syndrome de loge) et conduire à l’ablation de l’appareillage.
3. Durée d’immobilisation
La consolidation des fractures ou des décollements épiphysaires est plus rapide chez le petit enfant, en moyenne 45 jours. Les fractures non déplacées (« cheveu d’ange » ou « motte de beurre ») justifient une immobilisation antalgique de 3 à 4 semaines.
En revanche, après l’âge de 5 ans, les délais de consolidation des fractures diaphysaires sont identiques à ceux de l’adulte. Il est donc nécessaire d’immobiliser un segment de membre fracturé jusqu’à 90 jours, par exemple pour l’avant-bras.
Les résultats anatomiques sont excellents à tout âge, mais la préoccupation de la préservation de la scolarité amène à reconsidérer ce type de traitement pour les enfants d’âge scolaire.
B. Traitement chirurgical
1. Indications
Il est discuté, voire obligatoire dans plusieurs situations :
- chez le polytraumatisé pour éviter les contentions qui compliquent le nursing de l’enfant ;
- pour certaines fractures pathologiques dont la consolidation risque d’être retardée (fragilité osseuse ou lésions kystiques) ;
- pour les fractures articulaires ou les décollements épiphysaires dont la réduction doit être anatomique ;
- pour les enfants d’âge scolaire qui pourront plus rapidement écrire (fracture des deux os de l’avant-bras) ou marcher (fracture du fémur) avec une ostéosynthèse interne.
2. Principes d’ostéosynthèse
Les différentes stratégies d’ostéosynthèse doivent respecter les cartilages de croissance, le périoste et l’hématome fracturaire.
Les deux principaux moyens sont l’embrochage centromédullaire élastique stable (ECMES) des fractures diaphysaires et l’ostéosynthèse par broches fines.
L’utilisation des moyens d’ostéosynthèse plus rigides utilisés chez l’adulte (clous, ostéosynthèse par vis) est possible chez l’adolescent dès lors que les cartilages de croissance arrivent à maturité.
La fixation externe est précieuse pour les fractures ouvertes ou avec perte de substance.
Prépondérance du traitement orthopédique : réduction sous sédation et contention circulaire.
Connaître la surveillance d’un patient sous plâtre.
V. Particularités des fractures du coude
A. Généralités
Les fractures du coude sont les plus fréquentes après celles du poignet. Les cartilages de croissance de cette région sont peu fertiles, de sorte que les capacités de remodelage sont faibles.
Elles sont dominées par les fractures supracondyliennes (extra-articulaires et ne concernant pas la plaque de croissance), suivies par les fractures du condyle latéral (articulaires).
La rééducation de ces fractures est dangereuse et peut conduire à l’enraidissement du coude.
La sémiologie radiologique du coude est difficile d’analyse en raison de l’apparition au cours du temps des noyaux d’ossification.
Une fracture articulaire peut parfois être suspectée sur la présence d’un épanchement articulaire (hémarthrose). Celui-ci refoule la ligne graisseuse antérieure (soulevée) et la ligne graisseuse postérieure (alors visible) à distance de la corticale humérale (fig. 71.9).
En cas de doute clinique et en l’absence de trait de fracture visible, immobiliser et demander un avis orthopédique.

Fig. 71.9. Épanchement intra-articulaire du coude.
Radiographie du coude de profil : épanchement intra-articulaire refoulant le liseré graisseux coronoïdien vers l’avant (flèche rouge) et le liseré rétro-olécranien vers l’arrière (flèche jaune).
B. Fracture supracondylienne
Sa fréquence s’explique par la fragilité de la palette humérale des enfants. Le déplacement est en grande majorité (95 %) postérieur lors d’une chute sur le membre supérieur coude fléchi (fig. 71.10).
Le risque de complications vasculo-nerveuses et de syndrome compartimental doit être présent à l’esprit à chaque étape de la prise en charge.

Fig. 71.10. Fracture supracondylienne du coude à grand déplacement chez un garçon de 6 ans.
Radiographie du coude de profil : fracture extra-articulaire, respectant le cartilage de croissance (A). La réduction doit être anatomique et stabilisée par deux broches. À terme, le résultat est excellent (B).
L’enfant est hyperalgique, le membre supérieur est soutenu par l’autre membre. Le coude est augmenté de volume et déformé.
Les complications vasculaires sont recherchées par la coloration des doigts. Des doigts blancs ou un temps de recoloration ≥ 3 secondes traduisent une urgence vasculaire. La palpation du pouls radial est impérative. Une absence de pouls signe une compression de l’artère humérale. L’ischémie aiguë est exceptionnelle en raison des suppléances vasculaires très développées chez l’enfant. Cependant une sub-ischémie, non identifiable cliniquement, peut favoriser la survenue d’un syndrome compartimental à l’avant-bras. Il est donc nécessaire d’être très vigilant et rapide dans la prise en charge.
Les complications neurologiques peuvent toucher les trois nerfs avec une prédilection pour le nerf interosseux antérieur, branche du nerf médian.
Le nerf médian est testé par la flexion de l’interphalangienne du pouce et la flexion de l’interphalangienne distale de l’index ; le nerf radial par l’extension du poignet et des doigts ; le nerf ulnaire par l’écartement volontaire des doigts (fig. 71.11). Ces manœuvres sont simples et non ou peu douloureuses ; elle sont indispensables et leur résultat est consigné dans le dossier.
Les territoires sensitifs sont pour le nerf médian : l’éminence thénar ; pour le nerf radial : la face dorsale de la main ; pour le nerf ulnaire : le bord latéral de la main.
La classification de Lagrange et Rigault est fondée sur le déplacement fracturaire, en quatre stades :
- Stade 1 : rupture de la corticale antérieure sans déplacement.
- Stade 2 : rupture bicorticale avec déplacement postérieur sans rotation (bascule postérieure).
- Stade 3 : déplacement important avec persistance d’un contact entre les fragments.
- Stade 4 : absence de contact entre les fragments.
Le risque de complications en fait une urgence thérapeutique.
Le traitement repose sur la réduction anatomique de la fracture, sa fixation le plus souvent par bandage en flexion (méthode de Blount) ou par broches (méthode de Judet). Après chirurgie, l’immobilisation sera confectionnée en attelle pour minimiser le risque de syndrome compartimental.

Fig. 71.11. Manœuvres de tests neurologiques fonctionnels lors d’un traumatisme du membre supérieur.
On demande à l’enfant de réaliser séquentiellement les figures suivantes : « cercle – étoile – moto ». A. Cercle : l’opposition des deux premiers doigts, avec flexion des phalanges distales de DI et DII, explore le nerf médian. B. Étoile : la fermeture/ouverture latérale volontaire des espaces interdigitaux des doigts longs explore le nerf ulnaire. C. Moto : l’extension (flexion dorsale) du poignet explore le nerf radial. Un déficit de force ou l’absence de fonction lors de ces tests indique la possibilité d’une lésion nerveuse post-traumatique.
Source : d’après une séquence proposée par Bruno Dohin et photographies de Grégoire Benoist.
C. Fractures du condyle latéral
Il s’agit d’une fracture articulaire, décollement épiphysaire Salter 3 ou 4. La plus grosse difficulté est de diagnostiquer une forme non ou peu déplacée (fig. 71.12). C’est la douleur clinique qui doit faire rechercher le diagnostic.
La fixation chirurgicale par broches à ciel ouvert est toujours nécessaire pour éviter le risque de déplacement secondaire quasi systématique en raison de l’insertion des muscles épicondyliens.

Fig. 71.12. Fracture du condyle latéral de l’humérus.
Cette fracture est peu déplacée mais une immobilisation inappropriée sera responsable d’un déplacement secondaire difficile à corriger.
Toute fracture supracondylienne déplacée est une urgence en raison de son risque majeur de complications vasculo-nerveuses.
VI. Particularités des fractures de cheville
Les traumatismes en varus de cheville peuvent être responsables de lésions du cartilage de croissance de la malléole latérale avec une douleur élective à la palpation de la malléole (Salter 1 de la fibula et Salter 2 du tibia).
Les entorses sont des lésions ligamentaires pures (étirement ligamentaire) fréquentes. Une douleur élective est retrouvée à la palpation sur le trajet du ligament latéral externe sous la maléolle externe. Il faut se méfier des arrachements osseux du ligament talofibulaire, visibles sur les clichés de trois quarts de cheville, pouvant être de traitement chirugical. Les entorses graves avec ecchymose immédiate (rupture du ligament latéral) sont l’apanage des adolescents.
Le score d’Ottawa peut être utilisé à partir de l’âge de 6 ans, afin d’identifier les situations justifiant une imagerie : impossibilité de faire quatre pas, ecchymose immédiate, douleur malléolaire latérale ou médiale, douleur de la base du 5e métatarsien, douleur de l’os naviculaire.
Les décollements épiphysaires sont classés selon les stades de Salter :
- Décollement épiphysaire Salter I de la malléole latérale : il est habituellement non déplacé ; l’examen clinique confirme la douleur en regard du cartilage de croissance avec œdème en regard sur la radiographie de face ; le traitement est le plus souvent orthopédique.
- Décollement épiphysaire Salter II de l’extrémité inférieure du tibia :
- le refend métaphysaire est habituellement postérieur ;
- le traitement est le plus souvent orthopédique ;
- le risque de composante Salter V (important en cas de cinétique élevée) par écrasement partiel lors de l’accident impose une surveillance de la croissance à distance.
- Décollements épiphysaires de l’extrémité inférieure du tibia Salter III et Salter IV :
- les lésions plus fréquentes portent sur la malléole médiale (fracture de MacFarland) mais aussi sur le tubercule tibio-péronier ;
- leur risque de complication par épiphysiodèse plus important justifie une surveillance prolongée (risque plus rare chez le petit enfant en raison de traumatismes à faible cinétique mais troubles de croissance graves, risque plus élevé chez les adolescents mais conséquences souvent plus bénignes) ; leur traitement est toujours chirurgical, afin d’obtenir une restitution anatomique.
Traumatismes crâniens
I. Généralités
Le traumatisme crânien (TC) est un motif fréquent de recours aux urgences.
Les mécanismes de TC chez l’enfant sont multiples : chute de sa hauteur lors de l’apprentissage de la marche, chute de la table à langer ou d’un lit superposé, chute lors de jeux ou d’activités sportives, accident de la voie publique, situation de maltraitance.
Les lésions intracrâniennes font la gravité potentielle de la pathologie : fractures du crâne, hématomes sous-duraux et extraduraux, contusions hémorragiques, lésions axonales diffuses.
Les TC légers (TCL) représentent 95 % des TC de l’enfant. Ils sont définis par un score de Glasgow entre 13 et 15. Parmi les enfants ayant un TCL, moins de 10 % ont une lésion intracrânienne et moins de 1 % ont besoin d’une intervention chirurgicale.
La problématique est d’identifier parmi les enfants ayant eu un TCL ceux à risque de lésions intracrâniennes et qui doivent donc bénéficier rapidement d’un scanner cérébral, afin de ne pas exposer inutilement les autres à des radiations potentiellement iatrogènes.
Savoir identifier les éléments de gravité conduisant à la réalisation d’une imagerie cérébrale ainsi qu’à des mesures de surveillance et de prise en charge thérapeutique.
II. Évaluation de la gravité et des complications précoces
A. Anamnèse
Contexte :
- âge, traumatismes antérieurs, arguments pour une maltraitance ;
- trouble connu de l’hémostase, prise d’aspirine ou d’anticoagulants.
Au moment du TC :
- heure de survenue, mécanisme et cinétique, hauteur de chute, nature du sol, présence d’un témoin ;
- pleurs immédiats, perte de connaissance (et durée), amnésie de l’épisode.
Au décours du TC :
- somnolence, troubles du contact ou du comportement ;
- vomissements (délai et nombre par rapport au traumatisme), convulsions, céphalées, troubles visuels.
B. Examen physique
Évaluation des fonctions vitales en priorité :
- séquence « ABCDE » et notamment la pression artérielle (voir chapitre 65) ;
- correction d’éventuelles défaillances vitales avant la poursuite de la prise en charge
Examen neurologique rigoureux :
- score de Glasgow pédiatrique (tableau 71.1) ;
- mesure du périmètre crânien (report sur courbe), palpation de la fontanelle (chez le nourrisson) ;
- examen du scalp : embarrure (ressaut douloureux), œdème, hématome, fracture ouverte de la voûte du crâne ;• réflexe pupillaire, examen
- moteur (tonus, signes de localisation), équilibre, paires crâniennes (en particulier l’oculomotricité) ;
- recherche de signes évocateurs d’une fracture de la base du crâne : hématome rétro-auriculaire ou péri-orbitaire, hémotympan, otorrhée ou rhinorrhée de LCS.
Tableau 71.1. Score de Glasgow pédiatrique.
Ouverture des yeux | Spontanée À la demande verbale À la douleur Aucune |
4 3 2 1 |
Meilleure réponse verbale | Orientée, babille, sourit Pleurs consolables, irritable Pleurs inconsolables, cris Gémissements Aucune |
5 4 3 2 1 |
Meilleure réponse motrice | Répondant à la demande verbale, gesticulation spontanée Orientée à la douleur Évitement non adapté Décortication (flexion à la douleur) Décérébration (extension à la douleur) Aucune |
6 5 4 3 2 1 |
Recherche de lésions associées si polytraumatisme :
• palpation abdominale, inspection des urines dans la couche (hématurie) ;
• palpation des reliefs osseux (cage thoracique, clavicules, rachis, bassin, membres, mandibule).
C. Imagerie cérébrale
Le scanner cérébral sans injection est l’imagerie de choix pour apprécier l’importance des lésions intracrâniennes. Il est à réserver aux seuls TC considérés à « risque élevé » de complications (voir infra).
La radiographie du crâne et l’échographie transfontanellaire n’ont pas leur place dans l’évaluation diagnostique de lésions intracrâniennes post-traumatiques.
Des biomarqueurs prédictifs de lésions intracrâniennes (protéine S100) peuvent s’intégrer dans des règles de décision clinique pour limiter le recours à l’imagerie cérébrale (et donc l’irradiation).
Points forts : Glasgow, PC, embarrure, réflexe pupillaire, signes de localisation.
Pas de prescription de radiographie du crâne pour un TC accidentel de l’enfant.
III. Modalités de prise en charge
A. Mesures thérapeutiques urgentes
Le maintien des fonctions vitales est une priorité en cas de TC grave (Glasgow ≤ 8) :
- libération des voies aériennes, oxygénation au masque, intubation précoce ;
- décubitus dorsal à 30°, tête dans l’axe, monitoring cardiorespiratoire, pose d’une VVP et perfusion de sérum physiologique (surveillance régulière de la glycémie, surtout chez le nourrisson) ;
- mannitol IV en cas de signes d’HTIC ;
- antalgiques ;
- prévention des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) : euthermie, eutensionnel, eunatrémique, euglycémique, eucapnique, non hypoxémique.
Un transfert en réanimation pédiatrique est envisagé dès que nécessaire.
B. Algorithme décisionnel
On distingue trois niveaux de risque de lésions intracrâniennes (tableau 71.2) :
- élevé : maintien des fonctions vitales si besoin, TDM cérébrale en urgence, prévention des ACSOS, surveillance hospitalière ;
- intermédiaire : surveillance hospitalière, décision de TDM cérébrale si association de plusieurs critères et/ou selon l’évolution ;
- faible : surveillance à domicile avec consignes de surveillance écrites pour les parents.
Un avis auprès d’une équipe de neurochirurgie pédiatrique doit être demandé si doute.
Tableau 71.2. Niveaux de risque dans les TC de l’enfant*.
Risque élevé | Risque intermédiaire |
---|---|
|
|
* Sont exclus les enfants ayant eu un antécédent neurochirurgical, un retard psychomoteur, un trouble de l’hémostase, un polytraumatisme ou suspects de maltraitance.
C. Consignes de surveillance
Une décision de retour à domicile nécessite la présence d’un entourage fiable.
Des consignes de surveillance doivent être données (remise d’un document écrit).
Symptômes devant conduire à une nouvelle consultation médicale :
- troubles de conscience, irritabilité, anomalie du comportement (mou, somnolent) ;
- convulsions, troubles de l’équilibre ;
- trouble du langage ou visuel ;
- céphalées intenses ;
- vomissements répétés ;
- apparition d’un hématome du scalp non frontal.
Priorité en cas de TC grave : maintien des fonctions vitales.
Connaître les critères indiquant la réalisation en urgence d’un scanner cérébral.
Consignes de surveillance indispensables en cas de retour à domicile.
Références
![]() |
Actualisation des recommandations pour la prise en charge du traumatisme crânien léger chez l’enfant. Arch Pediatr 2014;21:790–6. http://www.crftc.org/images/articles/recos_2014_sfpediatrie_traumatisme… |