Items, objectifs pédagogiques
Item 286 – Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte
- Diagnostiquer une diarrhée aiguë chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte.
- Diagnostiquer un état de déshydratation chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte.
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Item 176 – Diarrhées infectieuses de l’adulte et de l’enfant
- Connaître les principaux agents infectieux causes de diarrhées.
- Reconnaître les signes de gravité d’une diarrhée infectieuse.
- Connaître les indications et savoir interpréter les résultats d’un examen bactériologique, virologique et parasitologique des selles.
- Connaître les principes des traitements des diarrhées infectieuses.
- Connaître les principes de prévention de la toxi-infection alimentaire et savoir la diagnostiquer.
- Connaître les principes de la conduite à tenir en cas de toxi-infection alimentaire familiale ou collective.
Item 332 – État de choc. Principales étiologies : hypovolémique [ici]
- Diagnostiquer un état de choc chez l’adulte et chez l’enfant.
- Prise en charge immédiate pré-hospitalière et hospitalière.
Avant de commencer…
La diarrhée aiguë liquidienne est la plus fréquente.
Elle est majoritairement d’origine virale. Des vomissements (gastro-entérite) et une fièvre de degré variable sont souvent associés.
Le principal risque est la déshydratation aiguë qui survient particulièrement chez le nourrisson. Sa prévention repose sur la compensation des pertes hydroélectrolytiques par la prescription de solutés de réhydratation orale (SRO) par voie orale ou entérale (sonde) en cas d’échec, ou d’une réhydratation IV dans les cas sévères ou en cas d’intolérance alimentaire totale.
Son risque secondaire est la dénutrition. Elle justifie le choix d’une renutrition précoce qui accompagne le traitement et la prévention de la déshydratation.
La diarrhée aiguë glairosanglante est plus rare.
Elle est majoritairement d’origine bactérienne. Elle peut être très fébrile. Des douleurs abdominales (shigelloses) et d’éventuels signes neurologiques (fièvre typhoïde) sont parfois au premier plan.
Le principal risque est la dissémination bactérienne systémique. Une antibiothérapie est parfois prescrite selon le terrain, la symptomatologie et le germe suspecté puis identifié à la coproculture.
I. Diarrhée aiguë liquidienne et déshydratation aiguë
A. Généralités
1. Épidémiologie
La diarrhée aiguë de l’enfant est responsable de nombreuses consultations et hospitalisations dans les pays développés (7–10 % des hospitalisations à cet âge).
Il s’agit d’une affection potentiellement sévère chez le nourrisson et le jeune enfant.
La mortalité par diarrhée aiguë représente 20 % de tous les décès des enfants âgés de moins de 5 ans dans les pays en voie de développement. En France, elle serait responsable d’une vingtaine de décès par an.
Le pronostic de la diarrhée aiguë liquidienne est lié avant tout au risque de déshydratation aiguë sévère et d’hypovolémie.
Les causes de diarrhées aiguës liquidiennes de l’enfant sont le plus souvent virales.
Les rotavirus sont les premiers agents responsables de diarrhée aiguë chez le nourrisson (30 à 50 %) et la gastro-entérite à rotavirus est la première cause de diarrhée grave avec déshydratation avant 5 ans.
La contagion se fait par l’eau, les selles ou les mains souillées. L’enfant gardé en collectivité est particulièrement exposé à ces modes de contamination.
Fréquence de la diarrhée aiguë liquidienne à rotavirus chez le nourrisson.
2. Physiopathologie
Diarrhée aiguë liquidienne
Mécanismes physiopathologiques impliqués :
- malabsorption des nutriments (glucides surtout) induisant une diarrhée osmotique ;
- hypersécrétion intestinale de chlore et d’eau.
L’absorption de l’eau à travers la muqueuse intestinale est un phénomène passif selon un gradient osmotique dépendant des mouvements d’électrolytes. L’absorption des électrolytes a lieu au ni-veau des villosités de l’intestin grêle, avec comme moteur principal le sodium. Le sodium pénètre dans l’entérocyte par diffusion, et surtout par transport couplé avec le glucose, le chlore et les acides aminés.
Le cotransporteur sodium/glucose (SGLT1) situé sur la membrane apicale des entérocytes de l’intestin grêle est à la base de la réhydratation orale avec les solutés de réhydratation orale (SRO). Ainsi, l’absorption couplée du sodium et du glucose par les villosités de l’intestin grêle permet l’absorption de l’eau.
La composition des SRO doit ainsi respecter :
- apport d’électrolytes (Na = 50 mmol/l, Cl = 80 mmol/l, K = 20–25 mmol/l) ;
- apport de sucres (glucose ou dextrine maltose = 20 à 30 g/l) ;
- osmolarité de la lumière intestinale (solutions à 250 mOsm/l) ;
- prévention ou traitement d’une acidose par supplémentation en bicarbonates ou citrates.
Les sodas, les jus de fruits ne sont pas adaptés à la réhydratation d’un nourrisson car ils sont trop sucrés (environ 100 g/l de sucre), hyperosmolaires (entre 400 et 550 mOsm/l) et pauvres en électrolytes (Na = 1 mmol/l, K = 0,1 mmol/l). À noter que le jus de pomme a été étudié comme une alternative possible chez les enfants plus âgés qui refuseraient le SRO. L’eau pure est contre-indiquée, responsable d’hyponatrémie de dilution.
Déshydratation aiguë
La déshydratation aiguë est consécutive à un déficit de la balance hydroélectrolytique, d’installation rapide. La diarrhée aiguë est responsable d’une déshydratation globale avec perte d’eau et de sodium.
Le nourrisson est plus à risque de déshydratation rapide, car son secteur hydrique est proportionnellement plus élevé que chez l’adulte, avec une composante extracellulaire prédominante.
Pas de réhydratation à l’eau pure.
B. Porter le diagnostic et identifier des situations d’urgence
1. Identifier une diarrhée aiguë
La diarrhée aiguë est définie comme l’émission brutale, depuis moins de 7 jours, de selles trop fréquentes ou trop liquides.
La perte de poids est souvent corrélée à l’importance de la déshydratation induite par la perte d’eau et d’électrolytes en raison de la diarrhée et des vomissements, sauf en cas de constitution d’un troisième secteur digestif où la perte de poids peut alors être transitoirement minorée lors de la pesée de l’enfant malgré une déshydratation clinique patente.
Le calcul du pourcentage de perte de poids est parfois approximatif, dans la mesure où un poids récent précédant l’épisode diarrhéique est rarement disponible. Ainsi, on prend comme référence le dernier poids connu (carnet de santé). Le pourcentage de perte de poids correspond au rapport (Poids ancien – Poids actuel)/Poids ancien. Chez le nourrisson, il faut tenir compte du gain pondéral théorique entre les deux dates, et l’ajouter au poids ancien pour le calcul (voir chapitre 1). C’est parce que le poids n’est pas toujours disponible ou informatif qu’il faut bien (re)connaître les signes cliniques de déshydratation.
2. Identifier les situations d’urgence
Situations à risque de déshydratation rapide :
- nombre quotidien de selles important, augmentation rapide du débit des selles ;
- vomissements répétés voire incoercibles ;
- refus ou incapacité d’une réhydratation orale.
Signes de déshydratation avérée :
- cernes péri-oculaires, fontanelle antérieure déprimée (peu appréciable après 6 mois du fait de sa possible fermeture), pli cutané persistant (fig. 35.1) ;
- sécheresse des muqueuses (face ventrale de langue), soif, absence de larmes ;
- troubles de conscience ou du tonus (troubles ioniques).
Troubles hémodynamiques (hypovolémie) :
- accélération de la fréquence cardiaque (non expliquée par la fièvre) ;
- TRC allongé (≥ 3 s), extrémités froides (marbrures) ;
- pouls périphériques mal perçus, diminution de la PAS (tardif chez l’enfant) ;
- troubles de conscience (apathie, somnolence), hypotonie.
Les recommandations européennes ont proposé l’utilisation d’un score de déshydratation fondé sur l’apparence générale, l’aspect des yeux et des muqueuses, la présence ou non de larmes. Il est en pratique peu utilisé en consultation de ville ou d’urgence.

Fig. 35.1. Pli cutané.
Diarrhée aiguë → risque de déshydratation aiguë → risque d’hypovolémie et de choc.
3. Connaître les causes possibles de diarrhée aiguë
Avant tout les causes infectieuses :
- diarrhées virales (surtout) ;
- à rotavirus (âge < 5 ans, épidémies automno-hivernales) ;
- à norovirus (tout âge, épidémies familiales ou en collectivité) ;
- à adénovirus ou à entérovirus ;
- diarrhées bactériennes, parfois reliées à une situation de TIAC (rarement).
Autres causes à rechercher si l’origine infectieuse n’est pas la plus probable :
- accélération du transit liée à une infection extradigestive (en particulier ORL, urinaire) ;
- diarrhées reliées à une cause chirurgicale (appendicite aiguë…) ;
- diarrhées d’origine allergique (APLV), mais aussi d’origine inflammatoire ;
- diarrhées sous antibiothérapie (association amoxicilline et acide clavulanique).
Piège : remettre parfois en question le diagnostic de gastro-entérite aiguë infectieuse.
C. Justifier les examens complémentaires pertinents
1. Diarrhée aiguë liquidienne sans ou avec déshydratation modérée (< 5 %)
Aucun examen complémentaire n’est habituellement nécessaire.
Ionogramme sanguin, urée, créatinémie uniquement dans les cas où une réhydratation IV ou par voie entérale est programmée :
- déshydratation aiguë sévère (10 %) ;
• déshydratation modérée (5 à 10 %) avec échec d’une réhydratation orale ou entérale par SRO ;
• terrain à risque de déshydratation.
Ce bilan a pour objectifs d’évaluer le retentissement hydroélectrolytique et d’adapter la composition de la réhydratation (notamment les apports sodés). Il peut mettre en évidence :
- une hypernatrémie par perte d’eau dans les selles supérieure à celle de sodium (déshydratation intracellulaire) ;
- une hyponatrémie par perte de sodium supérieure à la perte d’eau ;
- une hyperprotidémie par déshydratation extracellulaire (hémoconcentration) ;
- une hypokaliémie par perte de potassium principalement dans les selles (parfois masquée en cas d’acidose) ;
- une acidose par perte de bicarbonates dans les selles ;
- une hyperglycémie liée aux hormones de stress ;
- une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.
Les autres examens sont d’un intérêt limité ou nul dans ce contexte :
- examen virologique des selles : intérêt avant tout épidémiologique, parfois dans certains contextes (éviter une transmission hospitalière) ;
- coproculture si suspicion de diarrhée bactérienne (voir infra) ;
- parasitologie des selles si retour de voyage en zone à risque (amibiase) ;
- frottis sanguin + goutte épaisse ou PCR si fièvre associée après retour d’une zone endémique pour le paludisme.
Diagnostic de déshydratation = clinique.
Ionogramme sanguin utile pour les formes les plus sévères afin d’adapter la réhydratation IV ou par sonde entérale. Analyse des selles le plus souvent non indiquée.
D. Planifier la prise en charge
1. Orientation de l’enfant
Critères d’hospitalisation (un seul item suffit) :
- troubles hémodynamiques ;
- troubles neurologiques (conscience anormale, léthargie, irritabilité, convulsions) ;
- déshydratation sévère ≥ 10 % ;
- vomissements incoercibles ou bilieux ;
- impossibilité de boire le SRO ou échec du SRO ;
- doute sur un abdomen chirurgical (invagination intestinale aiguë ou appendicite) ;
- risque de mauvaise compliance au traitement (mode de garde inadéquat, compréhension difficile des parents, milieu social en difficulté).
D’autres facteurs de risque peuvent justifier une hospitalisation : maladie sous-jacente, âge < 3 mois, enfant dénutri.
La prise en charge ambulatoire concerne la grande majorité des enfants.
En cas de non-hospitalisation, il est indispensable d’évaluer la capacité de l’entourage à assurer le traitement et la surveillance de l’enfant, ainsi que sa connaissance des règles d’utilisation des SRO et des signes d’alerte devant conduire à une nouvelle consultation médicale. La surveillance impose un suivi médical (poids, hydratation, état général) rapproché et adapté à chaque famille.
2. Objectifs thérapeutiques communs
La prise en charge thérapeutique a pour objectifs de :
- prévenir ou corriger les pertes hydroélectrolytiques : réhydratation initiale ;
- prévenir la dénutrition et raccourcir la durée de la diarrhée : l’alimentation ne doit pas être interrompue.
Les modalités de prise en charge sont synthétisées en figure 35.2 :
- diarrhée avec déshydratation estimée < 10 % :
- SRO per os à volonté dans un premier temps ;
- SRO par voie entérale (sonde) ou réhydratation IV en cas d’échec des SRO ;
- diarrhée avec déshydratation estimée ≥ 10 % :
- SRO par voie entérale (sonde) ou réhydratation IV pendant au moins 6 heures ;
- relais avec SRO selon l’allure évolutive de la diarrhée et des autres signes ;
- diarrhée avec troubles hémodynamiques (hypovolémie = forme la plus sévère) :
- voie IV (ou intraosseuse en cas d’échec de perfusion) ;
- expansion volémique avec un soluté cristalloïde isotonique balancé (à défaut ou si anurie, utiliser un soluté cristalloïde non balancé = NaCl 0,9 %) : administrer un bolus de 10 ml/kg (maximum 500 ml par remplissage), sur 10 à 15 minutes (vérifier l’absence d’hépatomégalie au préalable) ;
- remplissage vasculaire à renouveler selon réévaluation hémodynamique très régulière (FC, TRC, chaleur des extrémités, pouls périphériques ; reprise de diurèse = meilleur critère d’efficacité clinique de la prise en charge) ;
- puis relais avec une perfusion IV pendant plusieurs heures.

Fig. 35.2. Conduite à tenir en cas de diarrhée aiguë liquidienne chez l’enfant.
Réhydratation initiale (orale, entérale ou IV), renutrition précoce, surveillance.
3. Réhydratation orale, entérale ou IV
Réhydratation orale : SRO
Les SRO constituent le seul traitement indispensable de la déshydratation de l’enfant.
Leur composition en électrolytes et en sucres ainsi que l’osmolarité sont adaptées à la réhydratation orale des nourrissons et jeunes enfants (pas d’âge limite maximal mais difficile à faire accepter après l’âge de 2 ans en pratique).
Les SRO n’arrêtent pas la diarrhée mais permettent d’empêcher et/ou de corriger la déshydratation aiguë induite par la diarrhée et/ou par les vomissements, ainsi que les troubles ioniques secondaires. Leur teneur en sucres permet souvent d’arrêter les vomissements induits par la cétose de jeune.
La réhydratation d’un nourrisson avec de l’eau pure, des SRO « maison » (sel, sucre et eau), des sodas ou des jus de fruit est dangereuse car elle peut aggraver la diarrhée et être responsable de troubles hydroélectrolytiques sévères.
La prise de SRO doit être précoce, dès les premiers symptômes.
Les SRO se présentent sous la forme d’un sachet de poudre à diluer dans 200 ml d’eau pure. Une fois reconstituée, la préparation se conserve au réfrigérateur et est à utiliser dans les 24 heures.
L’enfant déshydraté adapte ses besoins à sa soif (marqueur de l’état d’hydratation). Le SRO doit ainsi être proposé « à volonté » (sans forcer, ni limiter), mais par petites quantités régulières (40–50 ml) et à intervalles rapprochés (15 minutes), tant que les selles liquides persistent.
Des vomissements initiaux ne sont pas une contre-indication à leur utilisation. La prise fractionnée et répétée de SRO les atténuera le plus souvent. En revanche, des vomissements persistants malgré une administration correcte de SRO témoignent de l’échec de cette technique de réhydratation. On peut alors avoir recours à la voie entérale ou la voie IV.
SRO = traitement de choix en l’absence de signes de gravité immédiate.
Réhydratation entérale continue sur sonde nasogastrique
Elle peut être utile au stade de réhydratation initiale en cas de diarrhée avec déshydratation sévère.
Une dose de 200 ml/kg par jour de SRO est souvent prescrite, à adapter selon l’évolution.
Les vomissements initiaux et lors de l’essai de prise orale de SRO ne sont pas une contre-indication à la réhydratation entérale.
Elle est parfois utilisée lorsqu’un abord veineux apparaît difficile.
Réhydratation IV
Il s’agit de solutés polyioniques :
- comportant du glucose à 5 % ;
- avec au moins 4 g/l de NaCl.
Leur composition est adaptée en fonction de l’état clinique et de la natrémie prélevée avant le début de la perfusion.
Attention :
- risques neurologiques si modification trop rapide de l’osmolarité avec un soluté glucosé hypo-osmolaire ;
- pas de correction trop rapide d’une hypernatrémie aiguë (sa mise en évidence ne doit pas conduire à baisser la dose de NaCl dans la composition, mais à l’augmenter).
Un débit de perfusion de 150 ml/kg par jour chez le nourrisson et de 100–120 ml/kg par jour chez l’enfant plus âgé est prescrit au début, puis adapté selon l’évolution.
La surveillance clinique repose principalement sur la reprise de poids (en l’absence de troisième secteur) et de la diurèse.
4. Nutrition
Le maintien de la nutrition permet de prévenir la dénutrition.
Allaitement maternel :
- pas d’interruption ;
- alterner tétées et SRO.
Alimentation lactée :
- pas d’arrêt non plus ; elle doit être proposée à la demande ; la réhydratation exclusive par SRO sans alimentation ne doit pas excéder 4 à 6 heures maximum. Avec :
- la préparation standard antérieure en cas de diarrhée peu sévère (ne nécessitant pas d’hospitalisation) ;
- une préparation sans lactose pendant 1 à 2 semaines, qui peut être utile en cas de diarrhée sévère (hospitalisation) et/ou traînante (> 5 jours sous lait habituel) ;
– proposer du SRO entre les biberons de lait tant que la diarrhée persiste.
Alimentation diversifiée :
- un régime « antidiarrhéique » n’est ni indispensable ni d’efficacité prouvée ; il peut même compromettre la renutrition chez un enfant encore anorexique par son caractère hypocalorique et peu attractif ;
- aucun régime particulier ne doit donc être prescrit.
Maintien de la nutrition, pas de régime particulier d’efficacité prouvée.
Médicaments antidiarrhéiques
Leur efficacité sur la réduction du débit des selles ou la durée de l’épisode est très modérée. Ils ne traitent pas la déshydratation et ne corrigent pas les troubles ioniques qu’elle entraîne. Leur place est mineure ; aucun d’entre eux n’est indispensable.
Ces médicaments, s’ils sont prescrits, doivent donc toujours être associés à un SRO.
Le racécadotril et le diosmectite ont une AMM dans les diarrhées aiguës de l’enfant. Ils réduisent potentiellement la durée de la diarrhée de quelques heures, sans effet sur la motricité intestinale.
Le lopéramide est contre-indiqué avant l’âge de 2 ans.
Antibiothérapie
Elle n’a pas sa place dans le contexte d’une diarrhée aiguë liquidienne.
Autres traitements
Les antiémétiques ne sont pas recommandés dans une gastro-entérite aiguë.
Les traitements antiseptiques intestinaux n’ont pas d’indication.
SRO avant tout. Aucun autre traitement médicamenteux n’est indispensable.
E. Assurer le suivi
1. Surveillance de l’enfant
Chez l’enfant hospitalisé et perfusé, surveiller :
- constantes : température, FC, PA ;
- poids et diurèse des 6 heures, nombre de selles et de vomissements ;
- ionogramme sanguin, urée, créatininémie en cas d’anomalie initiale et si réhydratation IV ;
- voie d’abord (absence de diffusion).
Chez l’enfant pris en charge en ambulatoire, reconsulter en urgence si :
- réhydratation orale impossible (enfant hypotonique, vomissements incoercibles) ;
- intensification de la diarrhée ;
- fièvre avec frissons ou persistante ;
- sang dans les selles.
L’hospitalisation est préférable si la surveillance des signes cliniques de déshydratation et du poids ne peut pas être effectuée par les parents au domicile.
Consignes de surveillance en cas de prise en charge ambulatoire.
2. Complications possibles
Une diarrhée traînante (> 5 jours après la reprise de l’alimentation) peut s’installer.
Elle peut être due à l’importance des lésions villositaires (rotavirus) et peut justifier un régime sans lactose quel que soit l’âge pendant 1 à 2 semaines.
Dans d’autres cas, elle est secondaire à une dénutrition avec absence de réparation muqueuse du grêle.
Complications sévères :
- état de choc hypovolémique ;
- neurologiques :
- convulsions (parfois reliées à une baisse trop rapide de la natrémie due à une réhydratation IV par un soluté pas assez riche en sodium) ;
- hématome sous-dural ;
- thromboses veineuses cérébrales ;
- rénales :
- nécrose corticale (secondaire au choc) ;
- thromboses des veines rénales (exceptionnelles après l’âge de 6 mois).
Les complications sévères sont exceptionnelles. Elles sont liées avant tout à l’intensité et à la durée du choc hypovolémique.
3. Mesures préventives
Mesures générales pour lutter contre la transmission infectieuse :
- hygiène des mains dans les collectivités (avec une solution hydroalcoolique) ;
- restriction de fréquentation de la collectivité à la phase aiguë (pas d’éviction obligatoire) ;
- isolement de contact en milieu hospitalier.
Une diarrhée aiguë est dite nosocomiale lorsqu’elle survient plus de 3 jours après l’admission du patient en milieu hospitalier.
Vaccination contre le rotavirus : voir chapitre 41.
Prévention des épidémies nosocomiales dans les services hospitaliers.
II. Diarrhées aiguës invasives bactériennes
A. Généralités
Mécanismes physiopathologiques impliqués :
- pénétration et multiplication de bactéries invasives amenant à une destruction de l’entérocyte ;
- réaction exsudative inflammatoire conduisant à l’émission de selles glairosanglantes ;
• - des capacités d’absorption intestinale due aux lésions entérocytaires ; la plupart des diarrhées bactériennes concernent cependant principalement le côlon (salmonelle, shigelle).
Le sujet des fièvres typhoïdes n’est pas abordé ici, car leur mécanisme physiopathologique est avant tout celui d’une septicémie et non d’une diarrhée invasive.
B. Porter le diagnostic et identifier des situations d’urgence
1. Évoquer une diarrhée aiguë invasive bactérienne
Arguments pour le diagnostic de diarrhée aiguë invasive bactérienne :
- selles glairosanglantes (une diarrhée glairosanglante n’atteste pas obligatoirement de l’étiologie bactérienne) ± sepsis ;
- voyage récent en zone endémique ;
- symptomatologie apparaissant au même moment chez deux personnes ayant consommé un repas en commun évoquer une toxi-infection alimentaire collective (TIAC).
Le syndrome dysentérique associe : selles nombreuses, glaireuses, sanglantes, parfois mucopurulentes ; douleurs abdominales ; épreintes coliques, ténesme anal, faux besoins ; présence de fièvre selon la cause. Il témoigne de l’existence d’une colite inflammatoire.
La diarrhée peut être sévère avec des troubles hémodynamiques.
2. Identifier les situations d’urgence
Signes de sévérité clinique :
- fièvre élevée et mal tolérée (enfant pâle, plaintif, hypotonique, hyporéactif) ;
- sepsis : tachycardie, TRC ≥ 3 s, marbrures, extrémités froides ;
- œdèmes, purpura, pâleur, convulsions → évoquer un SHU.
Le syndrome hémolytique et urémique (voir chapitre 48) associant insuffisance rénale aiguë, anémie hémolytique (avec schizocytes), thrombopénie et hématurie microscopique survient en général dans les suites plutôt qu’à la phase d’état d’une diarrhée glairo-sanglante à E. coli entérohémorragique (EHEC) productrice de shigatoxine (également appelé STEC, Shigatoxin Producing Escherichia coli). Les EHEC sont à différencier des E. coli entérotoxinogènes (ETEC) qui sont responsables de diarrhées cholériformes autrement appelées « diarrhées sécrétoires ».
La survenue et la sévérité du SHU sont aggravées par l’utilisation d’antibiotiques bactéricides. Il convient de bien respecter les indications d’antibiothérapie (voir infra).
Gravité = sepsis avec troubles hémodynamiques.
C. Justifier les examens complémentaires pertinents
Bilan infectieux en cas de signes d’état septique :
- NFS, CRP ;
- hémocultures ;
- frottis sanguin + goutte épaisse ou PCR (si retour d’une zone endémique de paludisme).
Indications générales de la coproculture :
- diarrhée glairosanglante invasive ;
- diarrhée et état septique ;
- retour d’un voyage récent en zone à risque ;
- diarrhée dans l’entourage d’un patient atteint de shigellose avérée ;
- diarrhée en collectivité justifiant la recherche d’une origine bactérienne (TIAC) ;
- diarrhée chez un immunodéprimé.
La coproculture recherche les bactéries pathogènes habituellement responsables de diarrhée aiguë : salmonelles, shigelles, EHEC, Campylobacter jejuni (5 jours de culture sont nécessaires) et E. coli entérotoxigènes. Les autres germes parfois retrouvés à la culture n’ont aucun caractère pathogène chez l’enfant immunocompétent : la plupart des autres E. coli, staphylocoques, Pseudomonas, Proteus.
La PCR multiplex sur les selles, récemment développée, permet un diagnostic d’identification bactérienne plus rapide. Ses indications et interprétations sont cependant identiques à celles de la coproculture.
Coproculture systématique au cours d’une diarrhée aiguë glairosanglante d’allure invasive.
D. Planifier la prise en charge
1. Orientation de l’enfant
Hospitalisation nécessaire en cas de :
- diarrhée glairosanglante fébrile avec troubles hémodynamiques ;
- terrain fragile : immunodépression, drépanocytose (à risque de salmonellose sévère).
2. Mesures urgentes en cas de sepsis
La prise en charge thérapeutique est détaillée dans le chapitre 67.
3. Antibiothérapie
Recommandations
En pratique, la grande majorité des diarrhées aiguës de l’enfant ne nécessite pas d’antibiothérapie, même lorsqu’un pathogène bactérien est retrouvé dans la coproculture, à l’exception des shigelloses, de la typhoïde/paratyphoïde.
Antibiothérapie probabiliste (avant résultats de la coproculture) indiquée si :
- diarrhée invasive sévère : signes de sepsis avec selles glairosanglantes et fièvre élevée ;
- diarrhée invasive chez le nourrisson âgé de moins de 3 mois ;
- diarrhée invasive chez un sujet immunodéprimé ;
- diarrhée invasive chez un sujet hypo- ou asplénique (salmonellose et drépanocytaire) ;
- diarrhée aiguë dans l’entourage immédiat d’un malade atteint de shigellose avérée ;
- diarrhée invasive au retour de voyage en pays étranger avec risque entérique.
Antibiothérapie selon un germe entéropathogène isolé à la coproculture indiquée si :
- Shigella ;
- Salmonella typhi ou S. paratyphi A, B, C.
Antibiothérapie discutée selon le germe et le terrain si :
- Salmonella sp. (mineures) ou Yersinia enterocolitica : pas d’indication si gastro-entérite simple et sujet non à risque ;
- Campylobacter : intérêt pour la diminution des signes digestifs surtout si débutée tôt dans les 3 premiers jours de la maladie (utilité de l’examen direct des selles).
Modalités
Les antibiotiques prescrits sont précisés dans le tableau 35.1.
Tableau 35.1. Choix de l’antibiothérapie selon le germe.
Shigella sp. | Azithromycine 3 j | Ceftriaxone 3 j |
Salmonella sp. | Non | Ceftriaxone 3 j |
Campylobacter | Azithromycine 3 j | Non |
Yersinia | Cotrimoxazole 5 j | Ceftriaxone 5 j |
Les quinolones par voie systémique font l’objet d’une restriction d’usage selon l’ANSM (2019) du fait de leur profil de tolérance (risque valvulaire cardiaque). Elles doivent donc être réservées à certaines infections bactériennes pour lesquelles l’utilisation d’une quinolone est indispensable et ne doivent pas être prescrites dans les situations où d’autres antibiotiques peuvent être utilisés.
Indication de l’antibiothérapie en fonction du terrain, des signes, du germe suspecté ou identifié.
E. Mesures associées
1. Surveillance de l’enfant
Chez l’enfant hospitalisé :
- constantes : température, hémodynamique (dont diurèse) ;
- bilan inflammatoire en fonction de l’évolution clinique.
En cas de non-hospitalisation, il est indispensable d’informer la famille sur les signes d’alerte devant conduire à une nouvelle consultation médicale.
2. Mesures préventives
Prévention des infections nosocomiales en hospitalisation :
- isolement de contact ;
- désinfection des mains avec des solutions hydroalcooliques.
Éviction des collectivités obligatoire pour :
- shigelloses et diarrhées aiguës à E. coli entérohémorragiques ;
- typhoïdes et paratyphoïdes.
Dans ces situations, le retour dans la collectivité est autorisé sur présentation d’un certificat médical attestant de deux coprocultures négatives à au moins 24 heures d’intervalle, et effectuées au moins 48 heures après l’arrêt de l’antibiothérapie.
Il n’y a pas d’éviction recommandée pour les infections à salmonelle mineure ou à Campylobacter.
Un diagnostic de TIAC justifie une déclaration obligatoire à l’ARS.
Mesures administratives : isolement de contact, ± éviction scolaire, déclaration obligatoire.