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ITEM 283 Constipation chez l'enfant et l'adulte

  • Connaître les principales hypothèses diagnostiques et les examens complémentaires pertinents.
  • Connaître les principes de la prise en charge.

 

Avant de commencer…

La constipation chez l'enfant est le plus souvent d'origine fonctionnelle.
Les signes d'alerte devant faire évoquer une cause organique sont à rechercher.

La prise en charge d'une constipation fonctionnelle est avant tout symptomatique.
Elle comprend des mesures hygiéno-diététiques souvent associées à un traitement médicamenteux.

 

I. Pour bien comprendre

A. Généralités

La constipation désigne une stagnation des selles dans le côlon, entraînant des selles trop rares, souvent volumineuses et dures, avec une exonération douloureuse.

Ce symptôme ne doit pas être banalisé. Les complications principales en cas de constipation sévère sont l'encoprésie (émissions fécales involontaires chez un enfant en âge d'avoir acquis le contrôle de sa défécation, ou après 4 ans ; avec les conséquences psychosociales induites), ainsi que le risque de perturbation durable de la motricité colorectale.

La constipation chez l'enfant est le plus souvent fonctionnelle.
Il convient de savoir évoquer une cause organique devant certains signes d'appel ou en cas de mauvaise réponse à un traitement de première intention bien conduit. L'identification d'une cause conduit au traitement spécifique de celle-ci.
Toute constipation « aiguë » doit faire évoquer un syndrome occlusif (urgence diagnostique), dont les principales causes sont évoquées dans le chapitre 17.

 

B. Rappels utiles

L'enfant acquiert un contrôle actif de l'exonération entre les âges de 2 et 4 ans.

Le transit varie en fonction de l'âge et de l'alimentation.
Les selles sont numériquement différentes chez un nourrisson allaité : selles fréquentes après chaque tétée ou, au contraire, rares dans la constipation au lait de mère (où l'intervalle entre les selles peut dépasser 1 semaine sans que le diagnostic de constipation au sens de pathologie soit porté), chez un nourrisson au lait infantile ou encore chez un enfant diversifié.

La constipation est définie selon les critères de Rome IV (tableau 21.1).

Tableau 21.1. Critères de Rome IV.
Avant l'âge de 4 ans
  • Au moins 2 critères depuis 1 mois :
    • < 2 selles par semaine
    • Rétention fécale excessive
    • Exonération douloureuse ou difficile
    • Selles de gros calibre
    • Présence d'un fécalome dans le rectum
  • Après l'acquisition de la propreté, les critères suivants peuvent être ajoutés :
    • ≥ 1 épisode d'incontinence par semaine
    • Selles de gros calibre qui peuvent obstruer les toilettes
Après l'âge de 4 ans
  • Au moins 2 critères survenant au moins 1 fois par semaine depuis 1 mois, en l'absence de critères de syndrome de l'intestin irritable :
    • ≤ 2 selles par semaine
    • ≥ 1 épisode d'incontinence par semaine
    • Posture de rétention ou rétention délibérée d'un volume fécal excessif
    • Exonération douloureuse ou difficile
    • Présence d'un fécalome dans le rectum
    • Selles de gros calibre qui peuvent obstruer les toilettes

 

II. Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents

A. Orientation étiologique

1. Enquête clinique

En faveur d'une origine fonctionnelle

La constipation est fonctionnelle dans la majorité des cas chez l'enfant.

Facteurs favorisants, possiblement intriqués :

  • modalités de la défécation :
    • gêne mécanique à l'exonération : douleurs anales ;
    • toilettes : installations inadaptées, accès difficiles, attitude de rétention à l'école ;
  • régime alimentaire :
    • faible volume de résidus (lait de mère, cause non pathologique) ;
    • mauvaise reconstitution du lait infantile, excès de farine ou d'épaississants (cause rare) ;
  • terrain :
    • antécédents familiaux de constipation fonctionnelle ;
    • prise médicamenteuse (morphine) ;
    • période d'acquisition de la propreté, handicap (inactivité), contexte psychosocial.
En faveur d'une cause organique

Les causes organiques sont plus rares mais doivent être systématiquement évoquées.

Éléments d'alerte faisant suspecter une cause organique :

  • terrain :
    • constipation à début néonatal ;
    • retard d'émission du méconium (> 48 heures) ;
  • signes cliniques :
    • météorisme important (un météorisme peut cependant être observé dans les constipations fonctionnelles), épisodes subocclusifs avec vomissements ;
    • signes associés reliés à une pathologie causale ;
    • anomalies de la marge anale, du périnée ou de la région sacrée ;
  • retentissement et modalités évolutives :
    • cassure staturo-pondérale ;
    • échec d'un traitement symptomatique bien conduit.

Attention : l'encoprésie est en faveur d'une constipation fonctionnelle et non organique.
Certains enfants sont constipés de façon fonctionnelle dès la naissance, avec un facteur familial et sans signes d'organicité (« tendance à la constipation ») ; le risque est l'aggravation par attitude de rétention.

 

2. Enquête paraclinique

Aucun examen complémentaire n'est justifié en cas de constipation fonctionnelle.
Le cliché d'abdomen sans préparation (ASP) n'est pas un examen sensible et spécifique pour le diagnostic « positif » de constipation. Il n'a aucune indication dans le diagnostic ou le suivi.

Les autres examens complémentaires sont fonction de l'orientation étiologique.

Rechercher systématiquement des arguments évocateurs d'une cause organique de constipation.
Ne pas prescrire un ASP pour un diagnostic ou un suivi de constipation.

 

B. Principales causes de constipation organique

Elles sont rares et représentent moins de 5 % des cas de constipation (tableau 21.2).
Elles doivent être toujours évoquées avant de conclure à une origine fonctionnelle.
On doit rechercher à l'examen clinique des signes d'alerte justifiant et orientant la prescription d'examens complémentaires.

Tableau 21.2. Causes organiques de constipation chez l'enfant.
Causes médicales
  • Hypothyroïdie, maladie cœliaque (rare)
  • Diabète insipide, hypercalcémie
  • Encéphalopathie, anorexie mentale
Anomalies neuromusculaires
  • Maladie de Hirschsprung
  • Pseudo-obstruction intestinale chronique (POIC)
Obstacles anatomiques
  • Malformations anorectales hautes ou basses
  • Sténoses anales congénitales ou acquises

 

C. Points clés à propos de la maladie de Hirschsprung

1. Généralités

Il s'agit d'une affection génétique concernant un nouveau-né sur 5 000.

Elle est liée à l'absence de cellules ganglionnaires au niveau des plexus de Meissner et Auerbach, responsable d'un défaut de propulsion fécale dans la partie distale du tube digestif.

 

2. Diagnostic

Clinique

La maladie se révèle le plus souvent en période néonatale, avec un retard à l'émission méconiale et/ou un syndrome occlusif.
Elle peut aussi se traduire par une constipation sévère chez un nourrisson ou un enfant ayant des signes évocateurs d'une cause organique.
Le diagnostic peut être suspecté au toucher rectal par la constatation d'une ampoule rectale vide, d'une hypertonie du sphincter anal et d'une débâcle de selles fétides et de gaz nauséabonds au retrait du doigt.

Examen paraclinique

L'ASP n'a pas d'intérêt diagnostique.
Le lavement opaque montre une disparité de calibre avec stagnation du produit de contraste en zone sus-jacente dilatée (fig. 21.1).
La manométrie rectale recherche une absence de réflexe recto-anal inhibiteur consécutive à l'absence d'innervation rectale. Elle ne permet pas de poser le diagnostic mais uniquement de l'éliminer s'il montre l'existence d'un réflexe recto-anal inhibiteur typique. Elle est de réalisation difficile chez le nouveau-né.
Le diagnostic est confirmé par des biopsies rectales permettant l'analyse de la sous-muqueuse avec mise en évidence d'une aganglionose avec hyperplasie schwannienne.

 

III. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi de l'enfant

A. Prise en charge thérapeutique

1. Rationnel

La prise en charge thérapeutique doit être précoce.
Ce symptôme peut en effet induire à moyen terme des complications organiques (fissures anales, prolapsus rectal, perturbations prolongées de la motricité) et/ou psychologiques, elles-mêmes responsables d'une pérennisation des troubles. L'encoprésie est l'évolution à redouter des constipations fonctionnelles sévères et chroniques.

lavement
Fig. 21.1. Lavement opaque évocateur d'une maladie de Hirschsprung*.

Flèche rouge : zone de transition. Distension du côlon d'amont (sain) au-dessus de la flèche.
 

2. Moyens de prise en charge d'une constipation fonctionnelle

Recommandations hygiéno-diététiques

Recommandations générales pour limiter les facteurs favorisants :

  • apprentissage de l'exonération : pédagogie et réassurance parentale ;
  • amélioration des conditions pratiques : siège de W.-C. adapté, plots sous les pieds (poussée abdominale efficace) ;
  • arrêt des médicaments constipants (si possible).

Conseils diététiques après enquête alimentaire :

  • augmentation des apports en fibres (fruits, légumes, céréales complètes) ; l'efficacité de ces conseils diététiques n'est qu'empirique et limitée aux formes bénignes et transitoires ;
  • correction d'éventuelles erreurs (modalités de reconstitution du lait, excès d'épaississants).
Traitement médicamenteux

Ils sont prescrits en cas de chronicité ou de sévérité des symptômes.
Ils sont complémentaires aux recommandations hygiéno-diététiques, mais il faut rapidement y recourir en cas d'inefficacité de ces mesures, notamment dans les formes sévères ou chroniques de constipation.

L'évacuation des selles accumulées (fécalomes) est primordiale si nécessaire.
Elle se fait au moyen de lavements hypertoniques prescrits pendant une durée limitée ou par des laxatifs à dose de désimpaction fécale.

La prévention de la réaccumulation des selles est assurée par le traitement de fond.
Les laxatifs à base de PEG (macrogol) sont les plus utilisés.
Les laxatifs lubrifiants (à base de paraffine liquide) ramollissent les selles, facilitant ainsi leur progression. Très efficaces, ils sont moins utilisés en raison de fuites anales possibles.

Autres traitements

Une prise en charge psychologique peut s'avérer utile, notamment en cas de cause psychologique à la rétention, de conséquences psychosociales du trouble, ou de bénéfice secondaire recherché. Elle est indispensable en présence d'encoprésie.

 

3. Traitements étiologiques

Ils concernent les rares causes de constipation organique.

Le traitement de la maladie de Hirschsprung est chirurgical et consiste en une exérèse du segment apéristaltique.

 

B. Suivi de l'enfant

L'évolution d'une constipation fonctionnelle peu sévère est souvent favorable, mais des récidives ne sont pas rares.

En cas de constipation sévère avec encoprésie, le pronostic est plus réservé selon l'ancienneté des troubles et l'observance thérapeutique. La prise en charge doit parfois être prolongée plusieurs mois, voire années.

Importance des recommandations hygiéno-diététiques, surtout pour les habitudes de défécation.
Les conseils diététiques sont de peu d'efficacité en cas de constipation sévère.
Le traitement médicamenteux à dose et durée suffisantes est alors la règle.

 

Références

Tabbers M.M., DiLorenzo C., Berger M.Y., et al. Evaluation and treatment of functional constipation in infants and children: evidence-based recommendations from ESPGHAN and NASPGHAN. J Pediatr Gastroenterol Nutr, 2014;58:258–74.