CHAPITRE 15 - Item 25 – Dénutrition

Objectifs pédagogiques

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  • Diagnostiquer une dénutrition dans les différentes populations de patients.
  • Identifier les sujets à risque de dénutrition.
  • Prescrire un soutien nutritionnel de premier recours.
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Avant de commencer…


Le diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte a fait l’objet d’une recommandation de bonne pratique de la HAS en 2019.

Les mécanismes et la prise en charge de la dénutrition sont similaires à ceux de l’adulte, ce dernier ayant des caractéristiques différentes (croissance terminée, vieillissement, polypathologies et besoins nutritionnels différents).

I. Pour bien comprendre

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La dénutrition protéino-énergétique est un état pathologique qui résulte d’une insuffisance des apports par rapport aux besoins en protéines et en énergie. Elle a des conséquences fonctionnelles délétères et aboutit à un arrêt de croissance et à une perte tissulaire.

Dans les pays occidentaux, la dénutrition concerne principalement les enfants atteints de maladies chroniques et s’observe le plus souvent en hospitalisation (10 à 20 % des enfants).
Une dénutrition peut être aussi le signe inaugural d’une pathologie et peut donc se rencontrer dans toute pratique pédiatrique.

II. Diagnostiquer une dénutrition dans les différentes populations de patients

A. Anthropométrie

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Le suivi régulier de la croissance staturo-pondérale sur les courbes figurant dans le carnet de santé permet d’identifier le signe cardinal de la dénutrition qui est la perte ou l’absence de prise de poids, avec ou sans ralentissement secondaire de la croissance staturale.
L’analyse des courbes de croissance permet le diagnostic de dénutrition de l’enfant sans aucun examen complémentaire et permet de juger de l’efficacité de la prise en charge quand la crois-sance reprend (croissance de rattrapage).

Les critères de dénutrition validés par la HAS en 2019 sont l’association d’au moins un critère phénotypique et d’un critère étiologique (les deux critères sont nécessaires) :

  • critère phénotypique (un seul critère suffit) :
    • perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou perte ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;
    • IMC < courbe IOTF 18,5 (courbe correspondant à un IMC à 18,5 à l’âge de 18 ans) ;
    • stagnation pondérale aboutissant à un poids situé 2 couloirs en dessous du couloir ha-bituel (courbe de poids) ;
    • réduction de la masse musculaire et/ou de la fonction musculaire (lorsque les normes et/ou les outils sont disponibles) ;
  • critère étiologique (un seul critère suffit) :
    • réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’1 semaine ou toute réduction des apports pendant plus de 2 semaines par rapport à la consommation alimentaire habi-tuelle quantifiée ou aux besoins protéino-énergétiques estimés ;
    • absorption réduite (maldigestion, malabsorption) ;
    • situation d’agression (hypercatabolisme protéique avec ou sans syndrome inflamma-toire) : pathologie aiguë ou pathologie chronique évolutive ou pathologie maligne évolu-tive.

Cette dénutrition est dite modérée si (un seul critère suffit) :

  • courbe IOTF 17 < IMC < courbe IOTF 18,5 ;
  • perte de poids ≥ 5 % et ≤ 10 % en 1 mois ou > 10 % et ≤ 15 % en 6 mois par rapport au poids antérieur ;
  • stagnation pondérale aboutissant à un poids situé entre 2 et 3 couloirs en dessous du couloir habituel.

Cette dénutrition est dite sévère si (un seul critère suffit) :

  • IMC ≤ courbe IOTF 17 ;
  • perte de poids > 10 % en 1 mois ou > 15 % en 6 mois par rapport au poids antérieur ;
  • stagnation pondérale aboutissant à un poids situé au moins 3 couloirs en dessous du couloir habituel ;
  • infléchissement statural (avec perte d’au moins 1 couloir par rapport à la taille habituelle).

L’ancienneté de la dénutrition peut aussi être évaluée.
Le poids rapporté au poids attendu pour la taille (PpT) et l’IMC dépistent une dénutrition récente, alors que la taille rapportée à la taille attendue pour l’âge (TpA) évalue une dénutrition ancienne. Pour rappel, une TpA diminuée peut aussi être d’origine endocrinienne (voir chapitre 1).
Par exemple, le poids attendu d’un garçon qui mesure 1 m (soit un âge statural de 4 ans sur la courbe) est de 16 kg. Ceci permet de calculer le PpT par le rapport du poids mesuré de l’enfant sur le poids attendu pour la taille. Si ce garçon pèse en réalité 13 kg ; il a ainsi un PpT égal à 13/16 = 0,81 (81 %). On parle de dénutrition lorsque le PpT est inférieur à 90 %.

Dans les situations cliniques ne permettant pas une interprétation fiable du poids et de l’IMC (as-cite, tumeur volumineuse, par exemple), le rapport du périmètre brachial (PB) sur celui du péri-mètre crânien (PC) peut avoir un intérêt en particulier chez les enfants de moins de 4 ans.
Un rapport PB/PC < 0,3 doit faire suspecter une dénutrition.

B. Examen clinique

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Données cliniques à rechercher :

  • signes cliniques de dénutrition et/ou de carence :
    • une fonte du pannicule adipeux ;
    • une fonte musculaire (appréciée au niveau des fesses, des cuisses et des bras) éven-tuellement associée à une baisse de l’activité ;
    • des œdèmes (signes de kwashiorkor) ou des troubles des phanères (exceptionnels) ;
  • signes de malnutrition orientant vers une carence spécifique (anémie, rachitisme, etc.).

Données anamnestiques pour objectiver la cause d’une dénutrition :

  • des régimes aberrants, notamment le végétalisme ;
  • toute maladie chronique : digestive (incluant les allergies alimentaires), cardiopulmonaire, ORL (notamment hypertrophie amygdalienne obstructive), rénale, hépatique, cutanée, tumorale ou inflammatoire ;
  • des troubles des interactions parents-enfant ;
  • des anomalies graves du comportement alimentaire ;
  • une négligence/maltraitance.

C. Place des examens complémentaires

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Le diagnostic de dénutrition est clinique.
Les examens à visée étiologique sont à discuter au cas par cas.

Les marqueurs biologiques de dénutrition : albumine, transthyrétine (anciennement préalbu-mine), Retinol Binding Protein (RBP) n’ont aucun intérêt pour porter le diagnostic de dénutrition, mais peuvent être utiles pour le suivi des situations sévères.
Des déficits spécifiques peuvent être recherchés (ferritine, 25(OH)-vitamine D3, folates, vita-mine B12, etc.).

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Suivi régulier des paramètres de croissance : poids, taille, IMC.
Critères de dénutrition HAS : association d’au moins un critère phénotypique et d’un critère étiolo-gique.

III. Identifier les sujets à risque de dénutrition

A. Évaluer le risque nutritionnel

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L’évaluation de l’état nutritionnel doit être différenciée de l’évaluation du « risque nutritionnel » dont l’objectif est de prédire une dénutrition survenant en cours d’hospitalisation, que l’enfant soit dénutri ou non à l’admission.

Plusieurs scores de risque nutritionnel ont été établis chez l’enfant reposant sur la sévérité de la maladie, la douleur, l’appétit. Il s’agit ici de dépister les situations à risque afin de mettre en place des mesures préventives ou un soutien nutritionnel précoce, avant que la dénutrition ne soit évidente.

B. Population pédiatrique concernée

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Dans les pays développés, la dénutrition par carence primitive d’apports est exceptionnelle chez l’enfant en dehors de certaines situations particulières (sévices, régimes aberrants).

Comme chez l’adulte, la dénutrition est en général une complication d’une pathologie aiguë ou chronique, qui peut augmenter les besoins protéiques et énergétiques (inflammation, hypercatabolisme) et/ou réduire les apports (anorexie, intolérance alimentaire). Toutes les pathologies pédiatriques peuvent donc causer une dénutrition. Les plus jeunes enfants sont les plus exposés.

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Ne pas négliger le risque nutritionnel chez un enfant infecté hospitalisé.

IV. Prescrire un soutien nutritionnel de premier recours

A. Établir les besoins

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Toute dénutrition nécessite d’établir une stratégie nutritionnelle intégrée à la prise en charge globale de l’enfant.

Dans un premier temps, il convient de déterminer le poids « cible » qui est le poids attendu pour la taille (celui qui correspond à l’âge statural) et qui va servir de base aux évaluations des besoins.
Dans un deuxième temps, il est nécessaire de déterminer : l’apport énergétique, la composition de cet apport et comment l’administrer.

B. Définir les modalités de soutien nutritionnel

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Le mode d’administration dépend de la fonctionnalité de l’intestin :

  • si intestin fonctionnel :
    • alimentation orale fractionnée (AOF), enrichie ou non, avec ou sans compléments nu-tritionnels oraux ;
    • nutrition entérale si l’AOF ne peut suffire à elle seule, par sonde nasogastrique ou gas-trostomie selon les situations ; des produits spécifiques à l’enfant doivent être préférés s’ils existent ;
  • si intestin non fonctionnel :
    • nutrition parentérale par cathéter central ;
    • avis en milieu spécialisé indispensable.

Dans les situations de dénutrition sévère, le syndrome de renutrition inappropriée devra être prévenu par une renutrition très progressive avec suivi clinico-biologique quotidien en milieu hospitalier. Il est dû à une renutrition trop rapide.

Il se manifeste cliniquement par une confusion et une rétention hydrosodée et biologiquement par, avant tout, une hypophosphorémie et, plus rarement, une hyperglycémie, une hypoma-gnésémie et une hypokaliémie. La supplémentation en phosphore devra être systématique.

C. Évaluer l’efficacité du soutien nutritionnel

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L’analyse de la croissance permet de juger de l’efficacité de la prise en charge quand la crois-sance reprend (croissance de rattrapage).

La stratégie nutritionnelle sera associée au traitement causal (régime sans gluten au cours de la maladie cœliaque par exemple, kinésithérapie et antibiothérapie dans la mucoviscidose, etc.).

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Prévention du syndrome de renutrition inappropriée dans les situations de dénutrition sévère.

Références

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HAS, FFN. Diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte. Recommandation de bonne pratique. 2019.
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/reco277_re…
rbp_denutrition_cd_2019_11_13_v0.pdf