Troubles mictionnels

Texte

 

ITEM 51 Troubles de la miction chez l'enfant

  • Connaître les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

 

Avant de commencer…

Les troubles de la miction constituent un motif fréquent de consultation.
Entre les âges de 6 et 8 ans, 10 à 15 % des enfants présentent des fuites urinaires diurnes ou nocturnes.

Une démarche clinique simple permet, le plus souvent, de retenir une cause fonctionnelle en relation avec une perturbation de l'acquisition du contrôle mictionnel et/ou des mauvaises habitudes mictionnelles.
Dans certains cas, une cause neurologique ou urologique peut être à l'origine de ces anomalies mictionnelles. Dans ces situations, une évaluation spécialisée est nécessaire.

Si, le plus souvent, une prise en charge adaptée conduit à une guérison ou une amélioration, il faut savoir qu'un trouble de la vidange vésicale s'intègre fréquemment dans un trouble global de l'élimination (associé à une constipation).

 

I. Pour bien comprendre

Le fonctionnement vésicosphinctérien normal permet de stocker l'urine produite continuellement par les reins et de l'éliminer volontairement à un moment et dans un endroit adéquats. Une miction « normale » doit aboutir à une vidange complète de la vessie. Elle repose sur la coordination parfaite entre la contraction du détrusor et le relâchement de l'appareil cervicosphinctérien. Ce contrôle nécessite l'intégrité d'une commande neurologique et une anatomie normale de l'appareil urinaire.

L'acquisition du contrôle mictionnel par l'enfant est un phénomène physiologique de maturation progressive de la vessie et des commandes nerveuses du bas appareil urinaire. Comme l'acquisition de la marche, celle-ci a une chronologie variable et se fait généralement entre les âges de 18 mois et 3 ans.

Les anomalies de la miction peuvent résulter de troubles du remplissage vésical (phase de stockage) ou de troubles de la vidange vésicale (miction). Il est classiquement admis de différencier les symptômes ressentis pendant la phase de remplissage et les symptômes de la phase de miction.

Le diagnostic d'un trouble mictionnel est clinique et repose essentiellement sur l'interrogatoire et l'examen physique.
Dans l'immense majorité des cas, ces troubles sont fonctionnels en relation avec une perturbation de l'acquisition du contrôle mictionnel et les mauvaises habitudes mictionnelles liées aux conditions d'accès aux toilettes scolaires.
L'examen clinique a pour objectif d'éliminer une étiologie organique.

 

II. Démarche diagnostique en cas de trouble mictionnel

A. Enquête clinique

Données anamnestiques essentielles :

  • modalités d'apprentissage et d'acquisition de la propreté ;
  • habitudes mictionnelles : nombre de mictions quotidiennes, modalités d'utilisation des toilettes scolaires (disponibilités, propreté, papier hygiénique) et apports hydriques quotidiens ;
  • symptomatologie actuelle/passée, caractère récent/ancien des troubles ;
  • utilisation éventuelle de protections et retentissement psychosocial ;
  • antécédents de troubles fonctionnels similaires chez les parents ou dans la fratrie ;
  • développements psychomoteur et statural ;
  • mesures thérapeutiques déjà mises en place.

Afin d'objectiver certains troubles urinaires et quantifier la sévérité d'une incontinence urinaire par urgenturie, on demandera de remplir un catalogue mictionnel. Il comporte l'heure et le volume de chaque miction, la quantité de prise de boissons et les épisodes de fuites pendant 48 heures.

Troubles associés à rechercher :

  • notions d'uropathie malformative (valves de l'urètre postérieur, système urinaire double avec un uretère ectopique ou une urétérocèle, un épispadias, une exstrophie vésicale), pathologies organiques (diabète, insuffisance rénale) ;
  • antécédents d'infection urinaire faisant redouter un reflux vésico-urétéral associé ;
  • douleurs abdominales et troubles ano-rectaux (constipation, encoprésie) ;
  • troubles de la motricité des membres inférieurs, retard d'acquisition de la marche, chutes fréquentes, fatigabilité ;
  • sommeil : profondeur et durée, difficultés d'éveil, ronflement nocturne, apnées évocatrices de SAOS (voir chapitre 62) ;
  • environnement socio-familial (maltraitance) et scolaire, contexte psychologique de l'enfant.

Données d'examen :

  • inspection de la culotte à la recherche de stigmates de fuites urinaires ou de selles ;
  • recherche d'un globe vésical (principales causes de rétention aiguë d'urine : inflammation locale ou infection urinaire, fécalome, obstruction organique des voies urinaires, atteinte médullaire, effets secondaires de médicaments) ;
  • examen des organes génitaux externes : palpation des testicules, aspect de la verge et du méat urétral, recherche d'une vulvite ;
  • aspect du jet urinaire ;
  • recherche d'un encombrement stercoral (fécalome) à la palpation abdominale ;
  • examen neurologique complet (motricité des membres inférieurs et sensibilité périnéale) et recherche de stigmate cutané au niveau de la région dorsolombaire (lipome, angiome, « touffe » de poils) hautement suspect d'une maladie médullaire congénitale ;
  • examen neuro-orthopédique (pied creux, inégalité de longueur des membres inférieurs, scoliose, troubles trophiques).

Au terme de cette enquête clinique, réaliser une bandelette urinaire pour exclure une infection.

 

B. Examens paracliniques

L'examen clinique bien conduit suffit, le plus souvent, pour retenir une cause fonctionnelle accessible à des mesures thérapeutiques simples. Cependant, devant des troubles persistants ou atypiques, les examens complémentaires permettent d'objectiver des troubles vésicosphinctériens et d'éliminer une origine organique.

Aucun examen complémentaire n'est nécessaire pour des fuites d'urines isolées sans dysurie. L'échographie rénale et vésicale avec étude du résidu post-mictionnel est réservée aux fuites non isolées ou résistant au traitement d'épreuve. D'autres examens pourront être proposés après avis spécialisé.

 

C. Orientation diagnostique

La démarche diagnostique est résumée dans la figure 49.1.

algorithme
Fig. 49.1. Algorithme de prise en charge diagnostique et thérapeutique d'un trouble mictionnel.

* Troubles neuro-orthopédiques.
TUBA : Troubles urinaires du bas appareil ; HD : hyperactivité détrusorienne ; DVS : dyssynergie vésicosphinctérienne ; OGE : organes génitaux externes.

 

D. Principales causes à évoquer

1. Dysfonction du bas appareil urinaire diurne de l'enfant

L'appellation « dysfonction du bas appareil urinaire diurne » (Lower Urinary Tract Symptoms), ou troubles urinaires du bas appareil (TUBA), est le terme à utiliser pour les problèmes d'incontinence fonctionnelle chez l'enfant. La dysfonction du bas appareil urinaire représente l'étiologie la plus fréquente et regroupe des situations variées.
Ce trouble peut être réparti en deux groupes : les anomalies de la phase de remplissage et celles de la phase mictionnelle.

Anomalies de la phase de remplissage

Une contraction désinhibée du détrusor primitive pendant le remplissage peut augmenter la pression vésicale au-delà de la pression de clôture sphinctérienne et provoquer la fuite urinaire.
La persistance d'une hyperactivité détrusorienne au-delà de l'âge de 5 ans (anciennement dénommée « vessie hyperactive » ou « instabilité vésicale ») est une cause fréquente de fuites urinaires diurnes et éventuellement nocturnes, d'urgenturie et de pollakiurie due à une immaturité vésicale.
Elle peut favoriser la survenue d'infections urinaires et/ou de reflux vésico-urétéral. Une hyperactivité détrusorienne peut aussi être secondaire à une « épine irritative » telle qu'une infection urinaire, une constipation ou la présence d'un résidu postmictionnel.

Anomalies de la phase de vidange

La dyssynergie vésicosphinctérienne est caractérisée par l'absence de relâchement sphinctérien au moment de la miction. Cette hypertonie sphinctérienne est due à de mauvaises habitudes mictionnelles mais peut également apparaître dans l'évolution d'une immaturité vésicale (contraction excessive du sphincter pour éviter les fuites).
Elle survient parfois dans un contexte psychologique particulier ou en cas d'abus sexuels.
Ce défaut de relâchement périnéal lors de la miction favorise l'apparition d'un résidu postmictionnel. Sa persistance peut aboutir à une grande vessie rétentionniste à mictions rares par hypocontractilité détrusorienne.

Complications

La dysfonction du bas appareil urinaire diurne est souvent associée à des troubles ano-rectaux (constipation, douleur défécatoire, encoprésie).
Elle peut être à l'origine de complications urologiques parfois sévères : vessie de lutte, reflux vésico-urétéral, insuffisance rénale dans les formes les plus graves.

 

2. Malformations congénitales des voies urinaires

Certaines uropathies malformatives se traduisent par des troubles de la continence et/ou de la miction.

Implantation ectopique d'uretère chez la fille

Dans le cadre d'une duplication de la voie urinaire, l'uretère du pyélon supérieur peut s'implanter en dehors de la vessie et court-circuiter le système sphinctérien. L'abouchement se fait soit dans la partie terminale de l'urètre, soit dans le vagin, soit dans la vulve.
Ceci est responsable de fuites d'urines permanentes, mais entrecoupées de mictions normales, et de vulvovaginites à répétition.
Les examens complémentaires préciseront la disposition anatomique.

Valves de l'urètre postérieur chez le garçon

Il s'agit d'une pathologie qui correspond à la persistance d'un (ou plusieurs) repli muqueux urétrogénital au-dessous du veru montanum. Ces valves réalisent un obstacle urétral à l'écoulement de l'urine.
Suivant le degré d'obstruction, elles peuvent entraîner l'apparition d'une vessie de lutte et une dégradation de la fonction rénale.

 

3. Causes neurologiques

Le diagnostic de vessie neurologique doit systématiquement être évoqué lorsque la situation et l'évolution clinique ne correspondent pas à l'hypothèse étiologique proposée et que les troubles persistent malgré une prise en charge thérapeutique adaptée.
Ainsi, devant tout trouble mictionnel, il faut rechercher systématiquement une anomalie médullaire congénitale occulte.

 

4. Énurésie primaire nocturne isolée

Il s'agit d'une miction involontaire pendant le sommeil survenant chez un enfant âgé d'au moins 5 ans. Environ 10 % de ces enfants ont un trouble avec déficit d'attention et hyperactivité (TDAH).
L'énurésie est dite primaire si l'enfant n'a pas eu de période sèche de plus de 6 mois depuis la naissance.
L'énurésie primaire est dite isolée ou monosymptomatique s'il n'existe aucun autre symptôme associé, en particulier diurne.
Le diagnostic positif est clinique. Aucun examen complémentaire d'imagerie n'est nécessaire en première intention.

 

Références

Aubert D., Berard E., Blanc J.-P., Lenoir G., Liard F., Lottmann H. Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic et prise en charge. Recommandations par consensus formalisé d'experts. Prog Urol, 2010;20:343–9. Neveus T., Eggert P., Evans J., et al. Evaluation of and treatment for monosymptomatic enuresis: A standardization document from the International Children's Continence Society. J Urol, 2010;183:441–7.