Boiteries et infections ostéoarticulaires

Texte

 

ITEM 54 Boiterie chez l'enfant

  • Devant une boiterie chez l'enfant, connaître les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

 

ITEM 156 Infections ostéoarticulaires (IOA) de l'enfant et de l'adulte

  • Connaître les principaux agents infectieux responsables des IOA selon l'âge, le terrain et leur profil de résistance.
  • Diagnostiquer et connaître les principes du traitement d'une arthrite avec ou sans matériel, d'une ostéite avec ou sans matériel.

 

Avant de commencer…

La boiterie correspond à une anomalie récente de la marche (à distinguer des troubles de la démarche anciens ou apparus depuis l'acquisition de la marche), qui devient asymétrique.
Elle témoigne, le plus souvent, d'une pathologie sous-jacente responsable d'une douleur à l'appui sur le membre inférieur (boiterie d'esquive).
Le diagnostic étiologique repose sur une bonne anamnèse, une observation de la boiterie et un examen physique des membres inférieurs et du tronc. Les examens complémentaires seront demandés en fonction des données cliniques.

L'urgence est d'éliminer les causes les plus graves ou nécessitant un traitement urgent (fracture, infection ostéoarticulaire à tout âge surtout en cas de syndrome infectieux, épiphysiolyse de hanche chez l'adolescent, très rarement tumeur osseuse ou leucémie).
L'âge de l'enfant est déterminant, la majorité des pathologies orthopédiques de l'enfant (infectieuses ou non) ayant leur âge de prédilection.

 

I. Stratégie diagnostique

A. Interrogatoire

Concernant l'enfant :

  • âge : essentiel à l'orientation ;
  • antécédents (pathologie néonatale de type prématurité ou asphyxie périnatale, drépanocytose, obésité) ;
  • évaluation de l'impotence fonctionnelle en fonction du développement neuromoteur attendu compte tenu de son âge (voir chapitre 3).

Circonstances :

  • contexte infectieux : fièvre, porte d'entrée cutanée (plaie, varicelle), infection ORL récente ;
  • traumatisme récent (chute), corps étranger du pied.

Symptomatologie :

  • caractéristiques de la boiterie : survenue brutale ou progressive, ancienneté, évolution, caractère permanent ou intermittent ;
  • si douleur : date d'apparition ; localisation (parfois difficile à préciser chez le nourrisson).

Pièges diagnostiques :

  • douleurs du genou secondaires à une atteinte de la hanche (douleurs projetées) ;
  • un épisode traumatique antérieur (chute et/ou coup), banal et quotidien chez les enfants, est souvent évoqué par les parents comme cause de l'impotence fonctionnelle : le médecin doit rester vigilant dans sa démarche diagnostique ;
  • un psoïtis est susceptible d'entraîner des difficultés à la marche (par exemple, appendicite aiguë).

 

B. Examen clinique

1. Chez le petit enfant

L'origine précise de la boiterie ou de la douleur n'est pas facilement repérable. L'examen doit donc adopter une méthode très systématique à la recherche du siège de la douleur.

L'observation de la boiterie est essentielle :

  • dans la boiterie d'épaule ou d'équilibration, qui traduit une pathologie chronique de la hanche avec souvent insuffisance des muscles fessiers, les épaules basculent à chaque appui du côté pathologique ;
  • dans la boiterie d'esquive, qui est antalgique, l'enfant évite ou raccourcit le temps d'appui du côté pathologique et déporte le poids de son corps du côté opposé.

On recherche ensuite une attitude vicieuse du membre inférieur, une lésion cutanée, en particulier au niveau de la plante du pied.
Une amyotrophie quadricipitale est un signe formel d'organicité et d'ancienneté.

La palpation de tout le membre inférieur doit être méthodique, en commençant par son extrémité distale et en remontant jusqu'à la hanche.
La diaphyse tibiale est palpée avec une attention particulière (possible fracture sous-périostée) ; on lui imprime aussi un mouvement de torsion. Les métaphyses sont toutes examinées (douleur à la palpation, augmentation de la chaleur locale, voire rougeur, mais aussi découverte d'une tumeur).

La mobilisation des articulations recherche une douleur provoquée ou un déficit d'amplitude comparativement au côté opposé. Dans les atteintes de hanche, l'abduction et la rotation interne sont limitées. Un épanchement du genou se traduira par un comblement du cul-de-sac sous-quadricipital et un choc rotulien.
On recherche enfin une douleur à la palpation ou une raideur au niveau du rachis. Le refus de la station assise est parfois le seul signe objectif d'atteinte du rachis.

L'examen neurologique recherche une marche en équin, teste le tonus musculaire, la force musculaire, les réflexes ostéotendineux.

L'examen cutané recherche des ecchymoses, une porte d'entrée infectieuse, une plaie.

L'examen général est systématique (palpation abdominale…).

 

2. Chez le grand enfant et l'adolescent

L'examen, mené selon la même chronologie, peut se focaliser sur la région douloureuse, bien identifiée. Ne jamais oublier que les douleurs de hanche peuvent être projetées vers le genou.

 

C. Enquête paraclinique

Le bilan complémentaire est fonction des données de l'examen clinique.

 

1. Imagerie

Les radiographies (face + profil) sont centrées sur la zone douloureuse éventuellement identifiée. Les clichés comparatifs sont rarement justifiés.
Dans les ostéomyélites aiguës, les radiographies initiales sont normales.
Dans les arthrites septiques, elles peuvent montrer des signes indirects d'épanchement intra-articulaire (épaississement des parties molles, élargissement de l'interligne articulaire).

L'échographie (comparative) peut objectiver un épanchement articulaire de la hanche (fig. 70.1) ou de la cheville.

écho de hanche
Fig. 70.1. Échographie de hanche : épanchement articulaire*.

Échographie de hanche comparative. A. Hanche droite avec épanchement intra-articulaire (flèche rouge). B. Hanche gauche sans épanchement.

Dans le cadre d'une ostéomyélite, elle peut retrouver un épaississement des parties molles ou un abcès sous-périosté.

La scintigraphie osseuse au technétium 99 est utile chez le jeune enfant difficile à examiner, afin de localiser le site de la lésion osseuse ou articulaire responsable de l'impotence fonctionnelle (recherche d'une hyperfixation osseuse pathologique). Dans un second temps, elle pourra guider une imagerie ciblée sur la lésion (IRM).

Le choix de ces examens résulte d'une discussion avec le radiologue quand le diagnostic n'est pas fait ou si la conduite thérapeutique en dépend.

 

2. Biologie

Un bilan infectieux est indispensable en urgence en cas de suspicion d'infection ostéoarticulaire : NFS, CRP.

En cas de suspicion d'infection ostéoarticulaire, les prélèvements bactériologiques sont à effectuer en urgence, avant de débuter l'antibiothérapie :
•    hémocultures (en faire deux avant antibiothérapie) ;
•    prélèvements au bloc opératoire sous anesthésie générale de liquide articulaire en cas d'arthrite ou du pus d'un abcès sous-périosté.

 

D. Orientation diagnostique

Elle est illustrée figure 70.2.

Image
Fig. 70.2. Approche diagnostique d'une boiterie de l'enfant.

 

Diagnostic étiologique : anamnèse précise (âge ? fièvre ? traumatisme ?), observation de la marche pour préciser la boiterie, examen physique des membres inférieurs et du tronc.

 

II. Boiterie fébrile : toujours rechercher une infection ostéoarticulaire

A. Pour bien comprendre

1. Préambule

Les infections ostéoarticulaires (IOA), arthrite septique et ostéomyélite, doivent être suspectées devant une impotence fonctionnelle partielle (boiterie) ou totale d'un membre, le plus souvent fébrile, à tout âge.
La fièvre peut être modérée, en particulier chez le nourrisson, ou dans les localisations rachidiennes (spondylodiscites).
La CRP est le plus souvent > 20 mg/l ; la polynucléose peut être modérée ou absente.

Les IOA constituent une urgence diagnostique et thérapeutique. En effet, le pronostic de ces infections est lié à la qualité et à la rapidité de la prise en charge.

En cas de suspicion clinique d'IOA, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour débuter le traitement rapidement, qui comprend le drainage chirurgical des collections (arthrite, abcès sous-périosté) sous anesthésie générale et une antibiothérapie débutée par voie IV.
Les radiographies de la zone douloureuse sont systématiques. L'échographie peut mettre en évidence un épanchement articulaire (hanche surtout) ou un abcès sous-périosté.
Les prélèvements à visée bactériologique (hémocultures, ponction articulaire ou de pus profond) doivent être pratiqués en urgence et ne pas retarder l'antibiothérapie IV.

Le retard diagnostique et/ou thérapeutique de ces infections peut être sanctionné, à court terme, par des complications dans les premières heures (choc septique à Staphylococcus aureus ou à streptocoque de groupe A) ou jours de traitement (abcès sous-périosté, abcès des parties molles, arthrite septique) et, à distance, par des séquelles orthopédiques définitives : destruction du cartilage articulaire responsable de coxarthrose précoce (fig. 70.3), atteinte du cartilage de croissance responsable de sa stérilisation puis de déformation ou d'inégalité de longueur des membres inférieurs.

radio du bassin
Fig. 70.3. Radiographie du bassin : séquelle d'arthrite septique de hanche*.

Garçon de 9 ans ayant développé une arthrite septique de hanche à pneumocoque, prise en charge avec un retard thérapeutique de 48 heures. Sept mois plus tard, le pincement articulaire est sévère. Une prothèse totale de hanche sera implantée à l'âge de 24 ans.


2. Physiopathologie

Chez l'enfant, une IOA se développe par voie hématogène.
Elle atteint les membres inférieurs dans plus de 50 % des cas, en particulier les zones fortement vascularisées (métaphyses osseuses, synoviale).

Les bactéries véhiculées par voie sanguine infectent :
•    soit directement l'os : ostéomyélite aiguë ;
•    soit la synoviale d'une articulation : arthrite septique.

 

3. Épidémiologie clinique et bactérienne

L'IOA survient le plus souvent chez un enfant sain.

Les principaux germes impliqués sont :

  • à tout âge : Staphylococcus aureus ;
  • chez le jeune nourrisson (âge < 3 mois) : streptocoque de groupe B et Escherichia coli (penser à l'infection néonatale) ;
  • chez l'enfant entre 6 mois et 4 ans : Kingella kingae (majoritaire), rarement pneumocoque ou streptocoque de groupe A ;
  • chez l'enfant de plus de 4 ans : Staphylococcus aureus (majoritaire) ; rarement streptocoque de groupe A ;
  • chez l'enfant drépanocytaire : Salmonella sp. (en plus des autres germes impliqués, selon l'âge).
Les portes d'entrée à rechercher sont cutanées (traumatisme, plaie) pour S. aureus et le streptocoque de groupe A, et ORL (rhinopharyngite, stomatite) pour Kingella kingae.

B. Arguments diagnostiques

1. Données cliniques et d'imagerie

Ostéomyélite aiguë

Tableau clinique habituel :

  • début brutal avec fièvre > 39 °C ou présentation subaiguë (fièvre peu élevée) ;
  • localisation préférentielle à l'extrémité inférieure du fémur ou supérieure du tibia (métaphyses osseuses les plus vascularisées : « près du genou, loin du coude ») ;
  • boiterie douloureuse ou appui impossible ;
  • augmentation de la température locale (rougeur et tuméfaction à un stade tardif) ;
  • palpation métaphysaire très douloureuse.

Examens d'imagerie en urgence :

  • radiographies osseuses initiales normales (anomalies osseuses après 8–10 jours d'évolution avec appositions périostées, abcès de Brodie…) ;
  • échographie : à la recherche d'une complication (en cas de douleur intense) nécessitant une prise en charge urgente (abcès sous-périosté).

L'infection osseuse est suspectée sur ces éléments mais le diagnostic devra être confirmé dans les premiers jours de prise en charge par une IRM ou une scintigraphie osseuse.
L'IRM est le meilleur examen pour le diagnostic d'IOA (plus sensible et plus spécifique que la scintigraphie osseuse) en montrant un hyposignal T1 et un hypersignal T2 osseux (fig. 70.4). Elle permet aussi de visualiser les complications (abcès sous-périosté, abcès des parties molles, arthrite associée…).
La scintigraphie osseuse (fig. 70.5) est utile surtout chez les jeunes enfants pour lesquels une IRM est difficilement réalisable (besoin de sédation) ou en cas de difficultés cliniques à localiser l'infection. Elle montre un foyer d'hyperfixation osseuse.

imagerie
Fig. 70.4. Imagerie d’ostéomyélite aiguë*.

Ostéomyélite aiguë épiphyso-métaphyso-diaphysaire tibiale inférieure gauche. IRM. Séquence en pondération T1 (A) objectivant une inflammation diffuse et contenant plusieurs zones de signal liquidien, confirmées sur l’imagerie coronale T1 + gadolinium en saturation de graisse (B).

 

cliché
Fig. 70.5. Cliché de scintigraphie osseuse*.

Temps osseux. Hyperfixation de l'extrémité distale du fémur droit en faveur d'une ostéomyélite aiguë.


Arthrite septique

Tableau clinique habituel :

  • survenue brutale d'un syndrome douloureux fébrile avec impotence fonctionnelle partielle ou totale ;
  • localisations les plus fréquentes : hanche ou genou ;
  • mobilisation de l'articulation extrêmement douloureuse ;
  • épanchement articulaire (par exemple, choc rotulien au niveau du genou).

Examens d'imagerie en urgence :
•    radiographies : normales, parfois gonflement des parties molles ;
•    échographie : pour objectiver un épanchement intra-articulaire : hanche ou cheville — l'examen clinique (choc rotulien) est suffisant pour le diagnostic d'arthrite du genou et ne nécessite pas, le plus souvent, une échographie.

Spondylodiscite

Tableau clinique habituel :

  • douleur rachidienne ;
  • impossibilité de marcher, de s'asseoir (refus de s'asseoir sur le pot) ;
  • fièvre modérée ou absente.

Chez le nourrisson, la présentation subaiguë de la spondylodiscite peut rendre le diagnostic difficile et conduire à un retard diagnostique.

Examens d'imagerie en urgence :

  • radiographies du rachis face et profil centrées sur la zone douloureuse : recherche d'une raideur du rachis ; on ne visualise pas initialement d'anomalies du disque ou des corps vertébraux. Après 2 semaines d'évolution, on peut observer un applatissement du plateau vertébral, un pincement discal et, plus tardivement, une ostéolyse vertébrale de part et d'autre du disque ;
  • IRM : examen de référence pour le diagnostic positif (hypersignal osseux de deux vertèbres contiguës, disparition du signal aqueux du disque) et des complications (compression médullaire ou d'une racine nerveuse, abcès paravertébral) ;
  • scintigraphie osseuse au technétium 99m : peut retrouver une hyperfixation osseuse de deux vertèbres contiguës.

 

2. Données biologiques

Le bilan sanguin (NFS, CRP) peut montrer un syndrome inflammatoire mais il peut être normal.

Les prélèvements bactériologiques (hémocultures, prélèvements bactériologiques profonds), faits avant antibiothérapie, permettent la confirmation étiologique et l'adaptation secondaire de l'antibiothérapie.
La rentabilité des cultures microbiologiques standards dépend du germe impliqué, des conditions de prélèvement et d'acheminement des prélèvements.
La biologie moléculaire (PCR dans le liquide de ponction articulaire) améliore le diagnostic des arthrites septiques à K. kingae.

 

C. Prise en charge thérapeutique

1. Orientation

En cas de suspicion d'IOA, l'enfant doit être hospitalisé, avec avis auprès d'un chirurgien pédiatrique. Si l'indication d'un drainage chirurgical est retenue, l'enfant est maintenu à jeun et transféré en orthopédie pédiatrique en urgence.

 

2. Indications d'un drainage chirurgical

La prise en charge d'une IOA nécessite le drainage chirurgical et le lavage mécanique d'une collection purulente (abcès sous-périosté ou des parties molles) ou d'une arthrite septique. Chez l'enfant, ces gestes sont toujours pratiqués au bloc opératoire sous anesthésie générale.
Une analyse bactériologique doit être réalisée sur ces prélèvements profonds.
L'antibiothérapie est commencée immédiatement après ces prélèvements bactériologiques.

 

3. Antibiothérapie

L'antibiothérapie initiale est urgente, intraveineuse et probabiliste :

  • efficace sur S. aureus sensible à la méticilline et K. kingae (germes les plus fréquents) ;
  • céfazoline ou amoxicilline + acide clavulanique.

Sous traitement adapté, dans les cas d'évolution favorable (disparition de la fièvre et des douleurs), le relais antibiotique per os est possible 3 à 5 jours après le début du traitement IV.
L'antibiothérapie est secondairement adaptée au germe retrouvé et à son antibiogramme. Si le germe n'est pas identifié, l'antibiothérapie orale sera l'association amoxicilline + acide clavulanique, efficace sur S. aureus sensible à la méticilline et K. kingae.

La durée totale de l'antibiothérapie des IOA d'évolution rapidement favorable est de 2 semaines pour les arthrites septiques et de 3 semaines pour les ostéomyélites.


4. Autres mesures thérapeutiques

Le traitement des douleurs constitue une priorité du traitement symptomatique.
Pour les arthrites septiques, l'immobilisation par une attelle peut avoir un intérêt antalgique à la phase initiale du traitement.

Boiterie en contexte fébrile : infection ostéoarticulaire jusqu'à preuve du contraire.
Retenir comme germes : S. aureus à tout âge et K. kingae entre 6 mois et 4 ans.
Confirmation diagnostique : IRM ou scintigraphie osseuse.
Prélèvements bactériologiques : indispensables avant le début de l'antibiothérapie.

III. Boiterie non fébrile

A. Avant l'âge de 3 ans

1. Luxation congénitale de hanche

La boiterie est observée dès l'acquisition de la marche.

Un diagnostic tardif est la conséquence d'un échec du dépistage précoce (fig. 70.6). La limitation de l'abduction de la hanche est toujours nette.

radio du bassin
Fig. 70.6. Radiographie du bassin : luxation congénitale de hanche droite chez une fillette de 16 mois*.

Échec de dépistage précoce. La prise en charge thérapeutique requerra une hospitalisation de 4 semaines et deux interventions chirurgicales.

 

2. Fracture sous-périostée du tibia (fracture « en cheveu »)

Cette lésion est très particulière pour plusieurs raisons :

  • elle est liée à un traumatisme bénin par torsion du membre, souvent passé inaperçu : simple chute de sa hauteur ou pied pris entre les barreaux du lit ;
  • le périoste est, chez le jeune enfant, un fourreau très solide qui ne se déchire pas facilement. Il assure donc la tenue mécanique de l'os, malgré la fracture. C'est ainsi la seule fracture de jambe qui soit compatible avec l'appui et la marche.

L'image radiologique initiale est celle du « cheveu », trait de fracture fin à peine visible (fig. 70.7)
Un cal osseux est observé 15 jours plus tard.

Une immobilisation plâtrée antalgique pendant 3 à 4 semaines est suffisante.

Fracture sous-périostée du tibia : 1re cause de boiterie non fébrile avant 3 ans.

 

radio du membre inférieur
Fig. 70.7. Radiographie du membre inférieur : fracture sous-périostée chez une fille de 2 ans.

Noter la forme spiroïde du trait qui témoigne du mécanisme habituel par torsion.

B. Entre les âges de 3 et 8 ans

1. Synovite aiguë transitoire (« rhume de hanche »)

Elle survient habituellement entre 3 et 8 ans.

C'est une boiterie aiguë non fébrile observée le matin au réveil.
La douleur peut être absente ou importante.
L'examen trouve une limitation de la rotation interne et de l'abduction de la hanche.

La radiographie de bassin de face et de la hanche douloureuse de profil est normale ; l'échographie de hanche met en évidence un épanchement intra-articulaire.
Il n'y a pas de syndrome infectieux biologique (CRP normale, pas d'hyperleucocytose).

Le retour à la normale est obtenu en quelques jours, sans traitement autre qu'une mise au repos de la hanche (réduction des sorties).
L'apparition d'une fièvre, l'augmentation des douleurs ou leur persistance plus de 10 jours doivent faire remettre en cause le diagnostic.
Une radiographie de contrôle doit être pratiquée à 45 jours de l'épisode, afin de dépister une ostéochondrite primitive de hanche débutante.

 

2. Ostéonécrose de la tête fémorale (ostéochondrite primitive de hanche, ou maladie de Legg-Calvé-Perthes)

Elle concerne habituellement le garçon (80 % des cas) âgé de 4 à 8 ans.
C'est la nécrose ischémique de l'épiphyse fémorale supérieure survenant au cours de la période de croissance.

La boiterie est d'installation insidieuse, augmentant à l'effort et en fin de journée.
Elle a la particularité de n'être ni permanente ni toujours douloureuse, de sorte que le diagnostic peut être retardé de quelques semaines.
Une limitation de la rotation interne et de l'abduction de la hanche est habituelle.

La radiographie de face du bassin et de la hanche de profil montre des signes variables en fonction du stade évolutif de la maladie et de son extension. Au début, les signes sont discrets : diminution de la hauteur, aplatissement du noyau épiphysaire ou image en « coup d'ongle » sous-chondral. À un stade plus avancé, le diagnostic devient évident (fig. 70.8).

L'évolution obéit à un véritable cycle radiologique qui traduit les stades évolutifs de la maladie.
La guérison est constante et spontanée, mais elle survient avec des séquelles morphologiques plus ou moins graves. C'est sur l'importance de ces séquelles que l'on peut agir par différentes méthodes thérapeutiques orthopédiques ou chirurgicales.

radio du bassin
Fig. 70.8. Radiographie du bassin : ostéochondrite primitive de la hanche droite chez un garçon de 7 ans*.

Noter l'augmentation de volume de la tête fémorale et l'accourcissement du col fémoral.

Quand une hanche « souffre », la rotation interne et l'abduction sont presque toujours réduites, quelle que soit la cause.

C. Chez le préadolescent et l'adolescent

1. Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS)

Généralités

C'est la principale cause de boiterie de hanche de la période pubertaire. C'est une maladie du cartilage de croissance responsable du glissement de l'épiphyse fémorale supérieure sur la métaphyse. Dans plus de la moitié des cas, les patients présentent une surcharge pondérale.
Il s'agit d'une maladie non exceptionnelle mais trop souvent méconnue : le délai moyen entre les premiers signes et le diagnostic est encore actuellement de 3 mois. Pourtant, le diagnostic tardif expose au risque de séquelles. La maladie devient bilatérale dans 20 % des cas.
Elle se manifeste sous deux formes cliniques complètement différentes : stable ou instable.

EFS : forme stable

L'épiphyse reste solidaire du col du fémur. L'appui est possible mais la boiterie est permanente, avec rotation externe du membre inférieur lors de la marche.

La douleur est plutôt inguinale, mais elle peut être projetée et siéger au niveau du genou. La rotation interne et l'abduction de la hanche sont toujours diminuées. La mise en rotation interne et en abduction réveille une douleur vive. La flexion de hanche entraîne une rotation latérale automatique.

Les incidences radiologiques nécessaires et suffisantes pour confirmer le diagnostic sont : bassin de face et deux hanches de profil.
Le glissement est au début postérieur de sorte que la radiographie de bassin de face peut paraître normale. Celle-ci met en évidence les signes directs de la maladie du cartilage de croissance (aspect élargi, feuilleté et mal dessiné) ou les signes indirects du glissement postérieur (diminution de la hauteur de l'épiphyse fémorale supérieure ; fig. 70.9A).
C'est le cliché de profil qui met en évidence le signe direct du glissement : bascule postérieure de l'épiphyse fémorale supérieure (fig. 70.9B). À un stade plus évolué, la bascule épiphysaire est évidente sur les clichés de face : la classique ligne de Klein, tangente au bord supérieur du col fémoral, ne croise plus le pôle supérieur de l'épiphyse.

radio bassin/hanches
Fig. 70.9. Radiographies du bassin/hanche : épiphysiolyse fémorale supérieure gauche chez une jeune fille de 12 ans*.

De face (A), on note seulement une diminution de la hauteur du noyau épiphysaire qui glisse vers l'arrière. De profil (B), le glissement postérieur est évident.

EFS : forme instable

Les circonstances du diagnostic sont complètement différentes.
L'adolescent présente une impotence fonctionnelle complète et hyperalgique du membre inférieur évoquant une fracture. Mais le traumatisme causal est minime, voire inexistant.
Presque constamment, on retrouve un antécédent de boiterie douloureuse, négligée depuis plusieurs semaines.
La radiographie de bassin de face est suffisante pour porter le diagnostic ; il n'est le plus souvent pas possible ni souhaitable d'obtenir un cliché de profil chez un malade réveillé en raison de la douleur que provoque la mobilisation de la hanche.
Dans tous les cas, un retard thérapeutique expose à trois graves complications : la raideur et la coxite laminaire ou la nécrose fémorale supérieure.

Cinq critères cliniques pour diagnostiquer une épiphysiolyse fémorale supérieure :
•    il s'agit d'un adolescent ou préadolescent ;
•    qui se plaint de douleurs de la hanche ou du genou ;
•    qui marche en rotation externe ;
•    avec une boiterie douloureuse dans les formes instables ;
•    et qui présente à l'examen une douleur et une raideur en abduction et rotation interne.

 

2. Affections du genou

Les affections du genou chez l'adolescent sont, hormis l'ostéochondrite disséquante, rarement responsables de boiterie.

 

D. Pathologies pouvant être observées à tout âge

1. Tumeurs osseuses

La boiterie n'a pas de caractère spécifique.
Le diagnostic repose sur l'imagerie et l'anatomopathologie.

Les tumeurs osseuses bénignes, rarement douloureuses, peuvent fragiliser l'os qui, en se fissurant, peut entraîner une boiterie.

Les tumeurs osseuses malignes de l'enfant sont dominées par les sarcomes osseux (voir chapitre 27). Ils sont plus souvent localisés au niveau du genou (extrémité inférieure du fémur ou supérieure du tibia).
Malheureusement, leur diagnostic est trop souvent retardé, alors qu'une tendinite ou une douleur de croissance ont été d'abord évoquées.

Les localisations osseuses des hémopathies malignes peuvent être révélées par une boiterie rebelle.

 

2. Pathologies malformatives ou congénitales

Les inégalités de longueur des membres inférieurs ne peuvent être une cause de boiterie que si elles sont de grande amplitude (plus de 3 à 5 cm selon l'âge).
Une asymétrie de hauteur des hanches de 1 ou 2 cm sur une radiographie de bassin de face est physiologique et ne suffit pas à expliquer une boiterie. La radiomensuration des membres inférieurs permet, seule, de mesurer valablement une inégalité.

 

3. Pathologies neuromusculaires

Une myopathie (voire une amyotrophie spinale) peut être révélée par une perturbation de la démarche plus qu'une boiterie au sens strict, puisque l'atteinte est diffuse.

Une hémiplégie cérébrale infantile dans une forme fruste peut être révélée par une boiterie.
La perturbation est ici ancienne, assortie d'un retard à l'acquisition de la marche.

Une tumeur de la moelle spinale (primitive ou secondaire) peut se révéler par une compression médullaire ou une atteinte de la queue-de-cheval.
Le signe clinique à rechercher est la raideur du rachis.

 

4. Rhumatismes infantiles

Dans une forme oligo- ou monoarticulaire, l'atteinte intéresse le genou ou la cheville, exceptionnellement la hanche.
Le problème diagnostique ne se pose que lors du premier épisode.

La hanche est identifiée à l'origine de moins de 40 % des boiteries de l'enfant.
L'examen du rachis et l'examen neurologique font partie intégrante de l'examen clinique de tout enfant présentant un trouble de la démarche.

Références

HAS. Impotence fonctionnelle du membre inférieur chez l’enfant âgé de 3 mois à 18 ans : diagnostic; 2005.  http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_272442/fr/impotence-fonctionnelle-du-membre-inferieur-chez-l-enfant-age-de-3-mois-a-18-ans-diagnostic
GPIP. Guide de prescription d’antibiotique en pédiatrie. Arch Ped 2016;23(HS 3):S1–55.   https://www.sfmu.org/upload/consensus/arcped_gpip_15_juin_new_couv_bs.pdf
Guedj R., Aroulandom J., Lecarpentier T., de Suremain N. Boiterie de l’enfant. Pas à pas en pédiatrie. Arbres décisionnels commentés des Sociétés de pédiatrie. 2019.   https://pap-pediatrie.fr/urgences/boiterie-de-lenfant