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ITEM 274 Vomissements du nourrisson, de l'enfant et de l'adulte

  • Connaître les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
  • Connaître les principes de la prise en charge médicamenteuse (indication/non-indication) et non médicamenteuse.
     

ITEM 355 Hémorragie digestive

  • Diagnostiquer une hémorragie digestive.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge pré-hospitalière et hospitalière.
     
Avant de commencer…

Les vomissements sont un motif fréquent de consultation, souvent en urgence.

Les deux questions principales auxquelles il faut répondre sont :
• celle de leur origine, dont dépend le traitement étiologique, souvent le seul à considérer ;
• celle de leur retentissement : volémie, déséquilibre ionique, état nutritionnel.

Il faut retenir la grande diversité des causes et n'en négliger aucune.
L'orientation sémiologique est essentielle, en écartant avant tout les urgences chirurgicales (voir chapitre 17), neurologiques et métaboliques.
La sténose hypertrophique du pylore est une cause très particulière au nourrisson âgé de quelques semaines, à toujours évoquer devant des vomissements progressifs.

 

I. Pour bien comprendre

Les vomissements se définissent comme des rejets actifs de tout ou d'une partie du contenu gastrique ou intestinal par la bouche. Ils associent une contraction du diaphragme et des muscles de la paroi abdominale. Ils sont souvent précédés de nausées, de pâleur, d'hypersalivation et de sueurs diffuses.

Ils doivent être distingués des régurgitations qui correspondent à une remontée passive du contenu gastrique, sans effort, fréquentes chez le nourrisson après la tétée ; ainsi que du rare mérycisme, équivalent d'une rumination volontairement régurgitée, remâchée puis à nouveau déglutie, qui nécessite une prise en charge spécifique d'ordre psychiatrique.

 

II. Conduite diagnostique générale

A. Démarche en cas de vomissements

Elle est résumée dans la figure 18.1.

 
Image
Fig. 18.1. Conduite diagnostique en cas de vomissements chez l'enfant.

 

Trois grandes urgences : chirurgicales (viscérales), neurologiques et métaboliques.

 

B. Principales causes à connaître

1. Vomissements aigus ou occasionnels

Syndrome infectieux évident

Avant tout :

  • gastroentérite (les vomissements peuvent précéder la diarrhée de plusieurs heures) ;
  • infections ORL : otite, rhinopharyngite, angine, stomatite.

Autres :

  • pyélonéphrite ;
  • méningite (symptômes souvent peu spécifiques chez le nourrisson) ;
  • appendicite, péritonite ;
  • infection respiratoire (coqueluche émétisante) ;
  • hépatite.
Absence de syndrome infectieux

Chez le nouveau-né :

  • causes mécaniques et fonctionnelles :
    • atrésie duodénale ou du grêle, iléus méconial (mucoviscidose), volvulus sur malrotation intestinale (voir chapitre 17) ;
    •  maladie de Hirschsprung ;
  • entérocolite ulcéronécrosante (en particulier chez le prématuré).

Chez le nourrisson et l'enfant plus âgé :

  • causes chirurgicales :
    • hernie inguinale étranglée, volvulus ;
    • invagination intestinale, appendicite, torsion du cordon spermatique ou d'annexe ;
    • occlusion intestinale sur bride ;
  • causes neurologiques (hypertension intracrânienne) :
    • hématome sous-dural ou extradural ;
    • tumeur cérébrale ;
  • autres causes :
    • hypoglycémie, acidocétose diabétique ;
    • toxiques : intoxication médicamenteuse ou au CO, hypervitaminoses A et D ;
    • allergies alimentaires (forme IgE-médiée, SEIPA aigu).

 

2. Vomissements chroniques ou récurrents

Erreurs diététiques

À éliminer en premier lieu par l'interrogatoire : quantités excessives, forcing alimentaire.

Affections digestives

Avant tout :

  • RGO (voir chapitre 19) ;
  • causes alimentaires :
    • APLV (forme retardée, SEIPA chronique) ;
    • maladie cœliaque (cause rare de vomissements).

Urgence chez un jeune nourrisson : la sténose du pylore (voir infra).

Affections extradigestives

Pathologies chroniques :

  • hypertension intracrânienne ;
  • insuffisance cardiaque ;
  • tubulopathies ;
  • hépatopathies ;
  • chimiothérapies anticancéreuses.

Maladies métaboliques :

  • acidocétose diabétique ;
  • hyperplasie congénitale des surrénales ;
  • galactosémie et fructosémie, anomalies du cycle de l'urée.

Autres :

  • vomissements cycliques :
    • équivalent de migraines ;
    • survenue d'épisodes répétés, espacés de plusieurs semaines, très intenses ;
    • durée de quelques heures à quelques jours ;
    • aucun symptôme entre les crises ;
  • vomissements d'origine psychogène (une des causes principales de vomissements inexpliqués chez l'enfant).

 

C. Points clés sur la sténose du pylore

La sténose du pylore est une urgence diagnostique et thérapeutique.
Elle est liée à l'hypertrophie des fibres musculaires du muscle pylore.

Circonstances :

  • jeune nourrisson, souvent un garçon, parfois avec antécédents familiaux de sténose du pylore ;
  • survenue avec un intervalle libre de 3 à 5 semaines après la naissance ;
  • vomissements :
    • explosifs, en jet, abondants ;
    • toujours de lait caillé blanc non teinté de bile ;
    • généralement à distance du repas (30 à 60 minutes) ;
  • appétit conservé contrastant avec la cassure de la courbe de poids ;
  • aggravation progressive.

Examen physique :

  • dénutrition avec déshydratation variable ;
  • palpation d'une olive pylorique et visualisation d'ondulations péristaltiques de l'estomac.

Enquête paraclinique :

  • ionogramme sanguin et gaz du sang : alcalose hypochlorémique ;
  • échographie abdominale pour confirmation du diagnostic (aspect en « cocarde », épaississement du muscle ≥ 4 mm, allongement du canal pylorique et stase gastrique, fig. 18.2).

Prise en charge :

  • urgence symptomatique : corriger la déshydratation et les troubles ioniques ;
  • traitement étiologique chirurgical : pyloro-myotomie longitudinale extramuqueuse.
sténose
Fig. 18.2. Sténose hypertrophique du pylore*.

 Échographie d'une olive pylorique. Épaississement du muscle pylorique (ici à 4 mm) de part et d'autre du canal pylorique, lui-même allongé.

 

III. Prise en charge thérapeutique

A. Traitement étiologique

Aucun traitement symptomatique d'« épreuve » ne doit faire négliger l'approche étiologique, principal guide de la conduite thérapeutique.

 

B. Traitement symptomatique

En l'absence de cause justifiant un traitement spécifique (médical ou chirurgical), un traitement symptomatique peut être proposé. Très peu d'études randomisées ont cependant mesuré l'efficacité des molécules disponibles chez l'enfant.
Seul l'ondansétron a clairement démontré son efficacité ; son AMM est toutefois actuellement réservée aux vomissements induits par les chimiothérapies cytotoxiques et aux vomissements postopératoires.

Pour rappel, le métoclopramide est contre-indiqué chez l'enfant.

 

IV. Points clés sur l'hématémèse

A. Diagnostic

L'hématémèse se définit par un rejet de sang rouge ou noirâtre au cours d'un effort de vomissements et d'origine digestive (différent du sang dégluti d'un saignement ORL et vomi, ou d'une hémoptysie).

Les trois principales causes sont, en fonction de l'âge de survenue :

  • chez le nouveau-né : œsogastrite néonatale (rapportée au stress maternel, prise de médicaments au dernier trimestre, aspiration traumatique…) ;
  • chez le nourrisson : sang d'origine maternelle dégluti chez un enfant allaité, rarement œsophagite peptique par reflux ;
  • chez l'enfant : ulcère (duodénal avant tout) et gastrite le plus souvent médicamenteuse.

Peuvent être également à l'origine d'une hématémèse : fréquemment un syndrome de Mallory-Weiss (ulcération œsophagienne dans un contexte de vomissements répétés et prolongés), plus rarement la rupture de varices œsophagiennes dans le cadre d'une hypertension portale.

Le diagnostic d'hématémèse est souvent évident cliniquement et peut être aidé par la mise en place d'une sonde gastrique (devant un collapsus inexpliqué ou une rectorragie abondante pour affirmer l'origine haute).
Il justifie la réalisation d'une endoscopie digestive haute pour déterminer la cause du saignement. Celle-ci est réalisée en urgence uniquement lorsque l'hémorragie n'est pas contrôlée et permet alors de réaliser un geste hémostatique. Elle n'est pas nécessaire en cas de syndrome de Mallory-Weiss.

 

B. Prise en charge thérapeutique

La prise en charge en urgence dépend de l'importance du saignement et de son retentissement hémodynamique.
Les hématémèses sont rarement sévères en pédiatrie.

En cas d'hémorragie importante, les principes de prise en charge sont non spécifiques : voie veineuse de bon calibre, monitorage cardiorespiratoire, remplissage vasculaire, voire transfusion.

Le traitement dépend de la cause du saignement.