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ITEM 253 Obésité de l'enfant et de l'adulte (voir item 71)

  • Diagnostiquer une obésité de l'enfant et de l'adulte.
  • Connaître les principes de la prise en charge thérapeutique.

 

ITEM 249 Modifications thérapeutiques du mode de vie (alimentation et activité physique) chez l'adulte et l'enfant

  • Évaluer le comportement alimentaire et diagnostiquer ses différents troubles.
  • Argumenter les bénéfices et les effets cliniques de la pratique de l'activité physique.
  • Identifier les freins au changement de comportement.
  • Savoir prescrire et conseiller en diététique.
  • Promouvoir l'activité physique chez le sujet malade (démarche, orientations).

 

Avant de commencer…

L'obésité de l'enfant implique l'existence d'un prédisposition constitutionnelle, principalement génétique. Les bases génétiques de l'obésité requièrent encore beaucoup de recherche pour être complètement élucidées.
Elle est le plus souvent commune, les obésités secondaires ou syndromiques étant rares.

Sa définition repose sur le calcul de l'IMC et sa comparaison aux normes pour l'âge et le sexe.
Les complications sont rares durant l'enfance.

La prise en charge thérapeutique s'inscrit dans le long terme et doit être individualisée.
L'objectif minimal est la stabilisation de l'excès pondéral avec un accompagnement psychosocial.

 

I. Pour bien comprendre

La prévalence du surpoids et de l'obésité en France et dans tous les pays industrialisés est stable depuis le début du siècle chez l'enfant et l'adolescent, autour de 15 à 20 %.

 

II. Diagnostiquer une obésité de l'enfant

A. Diagnostic positif

L'indice de masse corporelle (IMC) répond à la définition suivante : poids (en kg) rapporté au carré de la taille (en mètre) : IMC = Poids/Taille².

Le surpoids et l'obésité se définissent chez l'enfant à l'aide des courbes d'IMC, différentes selon le sexe. On ne peut donc appliquer des seuils fixes comme chez l'adulte. Le tableau 16.1 présente les définitions du surpoids et de l'obésité.

Tableau 16.1. Définitions du surpoids et de l'obésité.
Surpoids En France : IMC ≥ à la courbe du 97e percentile pour l'âge (équivalent à un IMC adulte de 26 kg/m2) La définition internationale utilise un seuil à 25 et non à 26 kg/m2
Obésité IMC ≥ à la courbe équivalente à un IMC adulte de 30 kg/m2Les définitions françaises et internationales sont identiques

Un calcul régulier de l'IMC en complément des mesures régulières du poids et de la taille permet de tracer la courbe d'IMC (fig. 16.1).

L'IMC varie au cours de la croissance : après une augmentation dans la 1re année de vie, l'IMC diminue pour atteindre un nadir (point le plus bas). La réascension intervenant ensuite est appelée rebond d'adiposité.
Dans la population générale, l'âge moyen physiologique du rebond d'adiposité est de 6 ans. Il est très souvent plus précoce chez l'enfant obèse, aux alentours de 3 ans.

Surveillance des courbes d'IMC, rebond d'adiposité.

 

B. Diagnostic étiologique

1. Obésité commune

L'obésité dite commune est la cause principale d'obésité de l'enfant.
Elle se traduit par une obésité sans signes associés (dysmorphie, retard mental, retard statural), avec le plus souvent des antécédents familiaux d'obésité.

Une cause psychologique est souvent invoquée (divorce parental, décès familial, stress émotionnel, etc.) mais constitue davantage un facteur déclenchant ou aggravant que causal. L'obésité commune est liée à une prédisposition génétique dont l'origine exacte est encore incomplètement élucidée.

 

2. Obésités d'origine génétique

Certaines obésités, syndromiques ou non, ont une origine génétique connue.

IMC
Fig. 16.1. Courbe d'IMC avec rebond d'adiposité précoce.

Le terme « zone de surpoids » prête à confusion. Il aurait été préférable de l'appeler « zone de surcharge pondérale ». Le surpoids correspond à un IMC situé entre le 97e percentile et l'IOTF 30 et l'obésité à un IMC supérieur à l'IOTF 30.
 

Les causes syndromiques sont à évoquer en cas de retard mental, dysmorphie, retards statural et/ou pubertaire. Les gènes de quelques-uns de ces syndromes ont été localisés et permettent donc parfois un diagnostic moléculaire.
Les plus connus sont le syndrome de Prader-Willi (associant fréquemment hypotonie au cours des premiers mois de la vie avec difficultés de prise alimentaire puis hyperphagie intense après la période infantile, dysmorphie faciale, retard statural, retard des acquisitions, hypogonadisme) et le syndrome de Bardet-Biedl (retard des acquisitions, rétinite pigmentaire, anomalies rénales, hypogonadisme, polydactylie).

Les autres causes monogéniques connues sont à évoquer en cas d'obésité précoce (avant 2 ans) et le plus souvent sévère, avec hyperphagie intense et associée parfois à des anomalies endocriniennes (hypogonadisme, insuffisance surrénale).

Des mutations sur les gènes de la voie leptine/mélanocortines ont été identifiées. D'autres mutations devraient être trouvées dans le futur, notamment dans les formes les plus sévères d'obésité.
La prescription d'analyses génétiques n'est pas faite en routine mais par des centres spécialisés.

 

3. Obésités d'origine endocrinienne

Les obésités d'origine endocrinienne sont rares.
Il serait préférable de les définir comme un diagnostic différentiel de l'obésité commune ou d'origine génétique connue plutôt que comme des causes secondaires.
Ce sont l'hypothyroïdie, l'hypercorticisme et la tumeur hypothalamo-hypophysaire (craniopharyngiome).

Elles s'accompagnent le plus souvent de signes cliniques spécifiques (goitre pour l'hypothyroïdie, par exemple) et d'un ralentissement de la vitesse de croissance staturale, alors que celle-ci est souvent accélérée en cas d'obésité commune.
L'absence de ralentissement de la courbe staturale élimine une cause endocrinienne et rend inutile la réalisation d'explorations hormonales (TSH, cortisol libre urinaire, IGF-1). On notera que la TSH est parfois augmentée, sans dysthyroïdie, chez les enfants obèses (10 à 20 %).

Obésité dite commune : cause principale d'obésité de l'enfant.
Retard mental, dysmorphie, hyperphagie intense → évoquer une cause syndromique.
Obésité précoce et sévère, hyperphagie intense → évoquer une cause monogénique connue.
Absence de ralentissement de la vitesse staturale → inutile de rechercher une cause endocrinienne.

 

C. Diagnostic des complications

1. Généralités

La recherche clinique de complications doit toujours être assurée, bien que les complications somatiques sévères soient rares en pédiatrie, contrairement à l'obésité de l'adulte.

 

2. Points forts sur les principales complications (tableau 16.2)

Complications métaboliques

L'insulinorésistance concerne plus de la moitié des enfants obèses. Elle est traduite par une hyperinsulinémie. Elle est parfois responsable d'un acanthosis nigricans (pigmentation noirâtre reposant sur une peau rugueuse, épaissie et quadrillée, localisée principalement aux aisselles, au cou et aux régions génitocrurales).
L'intolérance au glucose concerne 5 à 10 % des enfants obèses. Elle est définie par une glycémie à jeun normale et une glycémie > 7,8 mmol/l et < 11,1 mmol/l 120 minutes après ingestion du glucose au cours d'une HGPO. En pratique clinique, la réalisation d'une HGPO n'est pas utile car ni l'insulinorésistance ni l'intolérance au glucose ne requièrent de traitement spécifique de manière consensuelle.
Le diabète est rare chez l'enfant obèse. C'est une complication de l'adulte obèse. En pratique clinique, le dosage de la glycémie à jeun à la recherche d'un diabète doit être réservé à l'enfant de plus de 10 ans dans des cas particuliers (obésité sévère, antécédents familiaux de diabète précoce chez un enfant à peau noire ou métissée, suspicion clinique de diabète).

Tableau 16.2. Complications dans le cadre d'une obésité commune de l'enfant.
Complications métaboliques et endocriniennes
  • Insulinorésistance
  • Intolérance au glucose, diabète
  • Dyslipidémies
  • Puberté avancée chez la fille, puberté normale chez le garçon
  • Troubles des règles, syndrome des ovaires polykystiques
  • Élévation de la TSH sans hypothyroïdie
Complications cardiovasculaires et respiratoires
  • Élévation de la pression artérielle, HTA
  • Asthme (surtout à l'effort)
  • Syndrome d'apnées du sommeil
Complications orthopédiques
  • Genu valgum (fréquent et bénin)
  • Douleurs musculaires
  • Épiphysiolyse de la tête fémorale
Complications digestives
  • Stéatose hépatique
Complications morphologiques et cutanées
  • Adipogynécomastie, enfouissement de la verge
  • Hypersudation, intertrigo, hypertrichose, vergetures
Complications psychosociales
  • Souffrance psychologique (diminution de l'estime de soi, troubles anxieux)
  • Discrimination sociale (notamment en milieu scolaire)

 

Une dyslipidémie atteint environ 20 % des enfants obèses. Elle inclut principalement une diminution du HDL-cholestérol et une hypertriglycéridémie, plus rarement une élévation du LDL-cholestérol. Elle ne nécessite presque toujours aucune prise en charge spécifique, en dehors de celle de l'obésité.
La recherche systématique d'une dyslipidémie doit être limitée aux enfants ayant des antécédents familiaux d'hypercholestérolémie, à la recherche d'une hypercholestérolémie familiale, seule dyslipidémie nécessitant une prise en charge thérapeutique chez l'enfant obèse.

Complications endocriniennes

Une accélération de la croissance staturale est souvent observée dans l'obésité commune, avec une taille définitive normale.

La puberté débute parfois plus tôt chez les filles obèses (entre 8 et 10 ans), mais elle survient le plus souvent à un âge normal chez les garçons.
Les garçons se plaignent parfois de verge enfouie dans la masse graisseuse hypogastrique ou d'adipogynécomastie (accumulation de graisse au niveau de la région mammaire simulant le développement de seins). Ces dysmorphies peuvent induire de sérieux troubles psychologiques.
Il existe parfois des troubles des règles (spanioménorrhée ou aménorrhée) chez les adolescentes. Le syndrome des ovaires polykystiques, se manifestant entre autres par une hyperandrogénie, est plus rare que chez l'adulte.

Complications respiratoires et cardiovasculaires

L'asthme atteint avec une plus grande fréquence les enfants obèses. Il s'exprime souvent par une dyspnée ou une toux à l'effort. Son traitement est indispensable pour améliorer la tolérance de l'effort physique.

Le syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) est rare mais potentiellement grave. Atteignant principalement les enfants souffrant d'obésité morbide, il se manifeste par des ronflements nocturnes importants avec reprise inspiratoire bruyante, une somnolence diurne ou des troubles du sommeil, parfois une énurésie. En plus de la réduction pondérale, le SAOS nécessite la mise en route d'une pression positive continue nasale dans les formes sévères (voir chapitre 62).

Les pressions artérielles systolique et diastolique de repos sont souvent augmentées, mais elles dépassent rarement les limites physiologiques. L'hypertension artérielle (voir chapitre 50) atteint moins de 5 % des enfants obèses.

Complications digestives

Une stéatose hépatique est rencontrée chez 10 à 20 % des enfants obèses.
Elle s'exprime principalement par une augmentation modérée des transaminases à 1,5 à 2 fois la normale ; une élévation plus importante ou persistante de celles-ci ou une augmentation des γGT doivent faire évoquer une stéatohépatite ou une autre hépatopathie. Son évolution est presque toujours bénigne chez l'enfant.
Elle n'est recherchée qu'en cas d'antécédents familiaux de maladie hépatique (notamment de stéatohépatite) ou dans les obésités sévères.

Complications orthopédiques

Le genu valgum est fréquent. Il ne se complique ni de douleurs ni d'arthrose.

Des douleurs musculaires des membres inférieurs ou du dos sont fréquentes et parfois invalidantes, mais elles ne traduisent pas l'existence d'anomalies articulaires dégénératives (comme c'est le cas chez l'adulte).

L'épiphysiolyse de la tête fémorale est beaucoup plus rare mais constitue une urgence orthopédique. Sous l'effet du poids, une dysplasie du cartilage de conjugaison apparaît, entraînant une diminution de sa résistance mécanique puis un glissement de la tête fémorale sur la métaphyse. Elle se manifeste par des douleurs de hanche ou du genou d'installation progressive (voir chapitre 70).

Complications psychosociales

Quel que soit l'âge, l'obésité entraîne une souffrance psychologique de l'enfant dont l'expression clinique est très variée. Une souffrance vis-à-vis du regard d'autrui, mais aussi liée à sa propre image du corps chez les plus âgés, est quasi-systématique dès que l'enfant est susceptible d'en prendre conscience.
La discrimination sociale de l'enfant obèse existe également dès le plus jeune âge, notamment en milieu scolaire.

 

3. Indications d'une enquête paraclinique

Aucun bilan paraclinique systématique à la recherche de complications n'est habituellement nécessaire. La prescription d'examens complémentaires doit être guidée par les données de l'interrogatoire et de l'examen clinique.

Les recommandations de la HAS de 2011 sont plus larges que celles proposées par la plupart des experts. Elles incluent un bilan systématique chez l'enfant ayant un surpoids avec antécédent familial de diabète ou de dyslipidémie ainsi que chez l'enfant ayant une obésité : exploration des anomalies lipidiques (cholestérol total, HDL et LDL et triglycérides plasmatiques), glycémie à jeun et transaminases. 

Recherche des complications : clinique avant tout.
Complications somatiques graves : très rares chez l'enfant obèse.

 

III. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi

A. Modalités de prise en charge thérapeutique

La prise en charge de l'enfant obèse doit avoir comme objectifs :

  • négativation de la balance énergétique, avec deux critères d'efficacité croissante sur l'excès pondéral (estimé par l'IMC en déviation standard [DS] car l'IMC en valeur absolue augmente physiologiquement à partir de l'âge de 6 ans) : stabilisation ou réduction de l'IMC (DS) ;
  • modification durable des comportements vis-à-vis de l'alimentation : la prise en charge diététique reste l'élément indispensable et principal ;
  • dépistage et traitement des complications. Cette prise en charge doit être multidisciplinaire et individualisée (tableau 16.3).
Tableau 16.3. Prise en charge thérapeutique de l'enfant obèse.
Prise en charge diététique
  • Réduction des quantités énergétiques ingérées
  • Réduction de la densité énergétique des repas : privilégier les aliments à faible densité énergétique (légumes)
  • Abolition du grignotage (pas de prise alimentaire entre les repas)
Activité physique et lutte contre la sédentarité
  • Multiplication des activités physiques quotidiennes (marche, vélo, escaliers)
  • Pratique régulière d'une activité physique ludique
  • Réduction des loisirs sédentaires et des périodes d'inactivité (télévision, ordinateur), bien que son efficacité dans la réduction pondérale ne soit pas démontrée
Éducation thérapeutique, soutien psychologique
  • Motivation de l'enfant et de sa famille
  • Analyse des difficultés rencontrées

Il est très difficile de traiter l'obésité si l'enfant n'est pas motivé, soit par choix personnel, soit par l'immaturité liée à son âge.

Les traitements médicamenteux n'ont aucune place.
La chirurgie bariatrique peut être proposée en cas d'obésité morbide et/ou compliquée (diabète, apnées du sommeil, stéatohépatite, hypertension intracrânienne) chez l'adolescent après 15 ans. Elle est réservée à des centres spécialisés.

 

B. Suivi et pronostic

Le suivi de l'enfant obèse est multidisciplinaire.
Il s'inscrit dans la durée, grâce à un partenariat établi entre l'enfant et sa famille, le médecin traitant, le diététicien et le spécialiste référent.
L'enfant devra être suivi en consultation selon un rythme à adapter en fonction de l'évolution pondérale et de la motivation de l'enfant et de sa famille.

Pour la majorité des enfants pris en charge, une stabilisation voire une réduction de l'excès pondéral est obtenue à moyen terme. Mais près des deux tiers des enfants obèses d'âge scolaire seront encore obèses à l'âge adulte.
Le bas niveau socio-économique est le principal facteur de persistance de l'excès pondéral à l'âge adulte.

Prise en charge multidisciplinaire : réduction des apports énergétiques, augmentation de l'activité physique, soutien psychologique.
La majorité des enfants obèses d'âge scolaire le restent à l'âge adulte.

 

IV. Mesures de prévention

A. Prévention primaire

Compte tenu de l'efficacité non démontrée des mesures préventives primaires, il faut se garder des attitudes excessives, du fait de potentiels effets délétères (induction de troubles du comportement alimentaire, stigmatisation des enfants et adolescents obèses).

 

B. Prévention secondaire

Les deux signes prédictifs d'obésité ultérieure sont :

  • la précocité du rebond d'adiposité : avant l'âge de 6 ans ;
  • l'obésité chez au moins l'un des parents.

L'efficacité de la prise en charge d'un enfant en cas de rebond précoce de l'adiposité n'a cependant pas fait la preuve de son efficacité.

 

Références

HAS. Critères d'éligibilité pour la réalisation d'une chirurgie bariatrique chez les moins de 18 ans. Fiche mémo. 2016
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-03/fm_chirurgie_bariatrique__v3_2.pdf

HAS.Surpoids et obésité de l'enfant et de l'adolescent. Recommandations de bonne pratique. 2011
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-09/obesite_enfant_et_adolescent_-_argumentaire.pdf